« Vous pensez à quoi en marchant? »
Fin 19e, Joseph Ferdinand Cheval (Jacques Gamblin) est un simple facteur qui parcourt chaque jour la Drôme, de village en village. Solitaire, il est bouleversé quand il rencontre la femme de sa vie, Philomène (Laetitia Casta). De leur union naît Alice. Pour cette enfant qu’il aime plus que tout, Cheval se jette alors dans un pari fou : lui construire de ses propres mains un incroyable palais. Jamais épargné par les épreuves de la vie, cet homme ordinaire n’abandonnera pas et consacrera 33 ans à bâtir une oeuvre extraordinaire : « Le Palais idéal ».
En commençant le visionnement de L’incroyable histoire du facteur Cheval, de Nils Tavernier, je ne pensais par embarquer dans un film qui allait me renverser. Avec cette histoire, le réalisateur nous offre un film à la hauteur de l’homme qu’il présente.
Cet homme peu bavard, d’apparence plus à l’aise dans la nature, au milieu des oiseaux, qu’avec les humains, finit par trouver un fabuleux mode d’expression à travers la construction de son palais. Un palais qui a été classé parmi les monuments historiques de France en 1969.
Facteur et fils de paysans, Cheval a passé 33 années à construire ce que son cœur lui dictait. 33 années où il a répété inlassablement les mêmes gestes, au rythme du pas lent de ses tournées de poste. Ce temps qui s’écoule lentement, et qui est très perceptible dans le film…
Il a tenu bon face à ses émotions et le grand labeur qu’il s’est imposé. Ce type, qui a travaillé toute sa vie comme un bœuf – il s’est tapé plus de 30 kilomètres par jour et a soulevé des tonnes de pierres –, est mort à 88 ans! Un exploit en soit à cette époque – ayant même enterré ses 3 enfants et ses 2 femmes.
Celle que l’on voit à ses côtés pour la plus grande partie du film, c’est Philomène. Une femme dévouée, protectrice, qui se débrouille du mieux possible avec le peu qu’elle a. Chez elle, même s’il y a parfois des emportements, il n’y a ni hystérie, ni revendication, juste l’autorité nécessaire à quelqu’un qui doit gérer sa maison et faire en sorte que chacun puisse manger à sa faim. Quand elle rencontre Cheval, tout le monde le prend pour un fou. Mais, elle, elle le voit autrement. Et, surtout, elle va croire en lui, avec une détermination bouleversante et attendrissante.
L’incroyable histoire du facteur Cheval m’a bouleversé. Je ne sais pas si ce sont tous les obstacles qu’il a surmontés au cours de sa vie, ou s’il s’agit de ce qu’il a construit, mais la force, aussi bien physique qu’émotionnelle, de cet homme est venue me chercher. C’est peut-être aussi la relation qu’il a avec ses enfants : son fils, qui lui a été retiré après la mort de sa première femme, ou sa fille, pour qui il éprouve un amour inconditionnel. Un amour duquel sa femme aurait facilement pu être jalouse.
Ce lien entre Cheval et ses enfants m’a effectivement touché particulièrement et je ne crois pas qu’on puisse y rester insensible. Mais, au-delà de cela, c’est surtout ce qu’il a fait pour qu’il reste quelque chose de sa triste existence qui est marquant. Un legs incroyable.
Mais pour quelles raisons cet homme, taiseux, presque analphabète, s’est-il acharné à bâtir, pendant 33 ans, ce majestueux édifice? Pourquoi tant d’années à transporter tant de pierres? Tant d’années à pétrir et malaxer de la chaux? Pourquoi tant de kilomètres parcourus à porter, tirer, soulever, traîner ces pierres? Pourquoi tant de rêves, éveillés et endormis, tant d’inspirations, de contemplations? Et comment? Comment cette idée a-t-elle pu germer dans son esprit? Comment a-t-il pu penser que son édifice tiendrait debout, alors qu’il n’avait aucune notion d’architecture? Comment autant de force, autant d’énergie, de détermination?
La théorie du réalisateur : Alice, la fille du facteur Cheval. La jeune demoiselle aurait demandé à son père – qui la surnomme princesse – de lui faire un palais. Ça semble fou, en effet. Passer 33 ans à construire un palais pour sa fille. C’est n’importe quoi, non? Qui ferait ça? Mais cette construction, qui n’était à l’origine qu’un passe-temps, est devenue de plus en plus sérieuse avec le temps. Peut-être est-ce la maladie d’Alice qui aura poussé l’homme à aller aussi loin… Mais voir le projet prendre forme devant mes yeux m’a amené à me questionner sur ce que je laisserais derrière moi, sur ce que mes fils garderaient de moi, une fois ma vie achevée. Ai-je la folie d’entreprendre un chemin de croix comme l’a fait Cheval? Une chose est sûre, depuis que j’ai vu L’incroyable histoire du facteur Cheval, j’y pense. Et ça me chicote.
Tavernier a écrit L’Incroyable Histoire du Facteur Cheval pour Jacques Gamblin. Et, clairement, il ne s’est pas trompé. Non seulement l’acteur est extrêmement juste, mais il ressemble aussi au personnage d’une façon assez trompeuse. « En perdant quelques kilos, avec une heure trente de maquillage quotidien (visage et mains comprises), il a réussi à ressembler tellement à Joseph Ferdinand Cheval que, dans le film, certains ne l’ont pas reconnu tout de suite. Il s’est approprié ce rôle d’une manière hallucinante », expliquait Tavernier.
Au final, L’Incroyable Histoire du Facteur Cheval ne raconte pas seulement une histoire incroyable. C’est surtout une histoire d’amour. L’amour d’un père pour sa fille. L’amour d’une femme pour son homme. L’amour qui permet de soulever des montagnes.
Note: 9/10
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