« You ever learn any self defence or anything like that? »
[T’a déjà appris des techniques d’autodéfense, ou des trucs du genre?]
Tito est piégé. Avec de fins cheveux noirs, des favoris frisottés et un sifflet d’urgence suspendu à son cou, il est tellement paralysé par la peur qu’il a développé une bosse dans le dos. Toute tentative de s’aventurer dans le monde extérieur le confronte à la menace de prédateurs insaisissables qui le chassent sans relâche. Affamé de nourriture et de sécurité, l’existence terrorisée de Tito menace de le submerger – jusqu’à l’arrivée soudaine d’un joyeux intrus, offrant déjeuner et protection…
Pour son premier long métrage, Tito, Grace Glowicki offre une vision unique sur la prédation, l’amitié et la peur. Un film troublant qui s’est mérité le prix spécial du jury à Sundance.
Une question m’a trottée dans la tête une partie du film… C’est une femme qui joue Tito? Hé bien oui. C’est Grace Glowicki, la réalisatrice, qui est aussi l’interprète principale. Mais pourquoi a-t-elle choisi de jouer ce rôle masculin alors qu’il y a plusieurs acteurs de talent qui auraient pu tenir le rôle?
« Core to my approach of this topic is my belief that the fear women must endure as a result of predation does not truly belong to them – it belongs to the (often) male predators who provoke it. With this in mind, I decided to perform Tito using cross-gender acting – to exorcize the fear that echoes through female bodies, and regift it to the male psyche from whom it originates. » [Au cœur de mon approche de ce sujet est ma conviction que la peur que les femmes doivent endurer en raison de la prédation ne leur appartient pas vraiment – elle appartient aux prédateurs (souvent) mâles qui la provoquent. Dans cet esprit, j’ai décidé de jouer sur les sexes en interprétant moi-même Tito afin d’exorciser la peur qui résonne à travers les corps féminins et de la redonner à la psyché masculine dont elle provient.]
Je dois admettre que la raison expliquée par la réalisatrice ne saute vraiment pas aux yeux lorsqu’on regarde le film. Ceci dit, quand on voit ce personnage au look mi-garçon / mi-fille si effrayé par ce monstre intérieur on réalise que ce n’est pas important qu’il soit genré car – et là je rejoins Glowicki – ces démons peuvent terroriser n’importe qui. De plus, sa performance est si réussie qu’on ne peut pas lui reprocher cechoix.
Tito, ce jeune homme qui pourrait être considéré comme agoraphobe, est percutant. Il est étrange au point d’en être fascinant. Il est effrayant au point d’en être beau. La réalisatrice expliquait aussi ceci : « J’ai également eu la conviction que la meilleure façon de communiquer ces idées serait de créer un personnage au physique inhabituel, silencieux, et d’offrir une performance presque clownesque. »
C’est totalement réussi!
Visuellement, Tito est tout aussi superbe. Comme c’est souvent le cas dans le cinéma expérimental, les plans et les angles de caméras sont toujours bien réfléchis, et souvent inattendus. On le remarque surtout au début du film.
Mais ce qui retient l’attention, ce sont surtout les quelques plans que la réalisatrice introduit par moments dans les scènes où Tito fume un joint. Tout est noir, et Tito apparait au centre, sur un fond brun orangé, comme le montre l’image qui fait office d’en-tête pour ce texte. Ces images ajoutent un petit quelque chose de surréel au film. Un peu comme cette séquence d’ouverture dans laquelle Tito court, dans le noir. Des images d’une parfaite beauté. Le genre d’images qui amènent immédiatement le spectateur dans un état second et desquelles il ne peut plus décrocher son regard.
Il y a de ces films qui ne provoquent rien en nous quand on les regarde. Il y a ceux qui nous font rire, ou pleurer. Puis, il y a les films rares qui, comme c’est le cas ici, provoquent une émotion profonde en nous.
Tito n’est pas un film qui plaira à tout le monde. C’est un film lent, dans lequel il n’y a pas beaucoup de dialogues. Mais c’est un film qui touche là où ça compte. L’automne approche tranquillement. C’est donc le temps de vous installer avec un film de grande qualité.
Note : 8.5/10
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