Sommets du cinéma animation - ONF part 2 - Une

[Sommets du cinéma d’animation] Les films de l’ONF (2e partie) — Vive les inclassables!

On continue

Dans la première partie de cet article double, je vous ai présenté quatre courts (quand même très courts) métrages afin de vous donner un avant-goût de ce que seulement quelques petites minutes peuvent susciter comme émotions ou sensations chez son public. 

Pour la seconde partie, je me suis dit que je garderais les deux plus longs des courts métrages de l’ONF cette année. Alors, allons-y sans plus attendre!

Inkwo for When the Starving Return — Trouver sa voie

Fuyant une horde de créatures cadavériques, Dove puise dans le pouvoir de l’Inkwo (médecine autochtone) pour protéger sa communauté et affirmer son identité.

Inkwo

Le film, Inkwo for When the Starving Return réalisé par Amanda Strong, débute sur deux personnages en animation image par image qui traverse un blizzard impitoyable. Au bas de l’image s’affiche les mots : « Territoires-du-Nord-Ouest, Denendeh, “Terre du peuple“. Dans deux vies. » L’un d’eux s’effondre, mais l’arrêt n’est pas possible. L’autre va pour relever la personne au sol, mais derrière eux, sous la glace, une créature immonde les pourchasse se traînant avec ses griffes sous l’océan gelé. On y raconte l’histoire de Dove qui doit découvrir comment utiliser son inkwo pour vaincre des créatures qui furent humaines il y a deux vies de cela, mais qui maintenant menace l’équilibre.

J’ai habituellement beaucoup plus peur quand vient le temps de regarder du stop motion comme les Anglais appellent ça, je ne sais pas pourquoi, mais depuis James and the Giant Peach ou même Wallace & Gromit sans oublier l’effroyable Panique au village (ça, ça me donnait un gros malaise en le regardant). Ce n’était pourtant pas le cas lorsque je m’adonnais au visionnement de ce court métrage. Les modèles utilisés semblent être façonnés avec un soin et une attention digne de l’amour parental. Les couleurs contrastent avec efficacité explorant la dichotomie de l’être tout en restant en parallèle avec la trame narrative de manière brillante. 

Amanda Strong nous raconte une légende moderne évoquant la gloire de notre territoire (soit-il du Nord-Ouest ou ailleurs) et ouvre la voie à une renaissance de l’imaginaire au Canada. J’aimerais voir davantage de partenariats avec les Premières Nations et possiblement travailler avec toutes les communautés afin de contribuer à l’élaboration de mythos (l’inverse philosophique du logos qui désigne la raison, la science et l’argumentation. Le mytho est donc l’ensemble du savoir basé sur le récit et la tradition) puissants en remerciement à cette terre qui nous protège et des peuples qui y habitent. Non pas pour diluer les cultures, mais les préserver tout en permettant peut-être l’émergence d’une nouvelle identité qui saurait nous plaire à tous davantage. C’est aussi à tout un chacun d’ouvrir ses yeux, ses oreilles et son cœur aux opportunités pour découvrir et surtout apprendre. Quand on regarde la forêt, on voit d’abord des arbres, puis notre regard s’affine; il y a des feuillus et des conifères, des petits animaux et des plus gros, des insectes qui volent, d’autres qui rampent ou fourmillent, et puis l’on comprend qu’une forêt c’est une multitude d’êtres différents qui y vivent en harmonie. Ça vous dit?

Fiche technique

Titre original : Inkwo for When the Starving Return
Durée : 18 minutes
Année : 2024
Pays : Canada
Réalisation : Amanda Strong
Scénario : Amanda Strong
Note : 8/10

Hairy Legs – Baader-Meinhof et Pygmalion

Le court métrage d’animation Poil aux jambes relate le geste de rébellion modeste, mais déterminant, d’une adolescente de 13 ans qui chemine à travers la féminité et vers le féminisme. Lorsqu’elle choisit de ne pas se raser les jambes, la jeune Andrea Dorfman est amenée à se questionner sur les attentes de la société, pour finalement les défier. 

Hairy Legs

Un court métrage sur la rébellion par le poil par Andrea Dorfman qui relate les débuts de son enfance jusqu’à sa vie présente ainsi que les raisons qui la poussent à ne pas se raser les jambes. Devenir adulte c’est parfois entrer tacitement et avec difficulté dans un moule de conformité qui ne nous convient pas, tout en décevant nos pairs de ne pas être facile à sculpter. Quand on était jeune, on nous mettait déjà dans la case qui nous désignait le mieux. Les autres attendaient de nous — tout en partageant des goûts communs — qu’on apporte notre touche personnelle et unique au groupe. Certains n’ont pas de cases, je pense. Le seul problème est que de ne pas avoir de case, ça laisse le choix aux autres de nous placer et ultimement de les décevoir en occupant une case qui ne nous ressemblent pas.

Je me rase, je m’épile pas, j’ai pas l’argent, même si je préfère ça, parce qu’être un homme fait que ça repousse en maudit le poil. Oui, sûrement que la société aurait une manière de classer les gens comme moi; de me nommer, s’ils savaient. Pourtant, je ne me sens pas moins homme ni plus d’ailleurs et je ne me sens pas plus ou moins femme non plus. On a beau dire (ou Beauvoir) qu’on ne nait pas femme Simone, mais qu’on le devient, je ne pense pas non plus que l’on naisse homme si on l’entend dans le même sens.

Andrea Dorfman nous amène à pouvoir partager avec elle — l’espace de ces 17 minutes colorées — cette sensation de différence qui grandit en amour de soi lorsqu’on prend le temps de s’apprécier pour qui on est. Nous avons tous des justifications pour être soi-même, mais la vraie liberté reste celle qui n’a pas besoin de se crier sur tous les toits, car elle se vit, ou se ressent, tout simplement. L’artiste à l’origine de ce court métrage démontre un grand talent en combinant plusieurs styles d’animations et de techniques pour arriver à mettre sur pied une œuvre hautement personnelle. 

Fiche technique

Titre original : Hairy Legs
Durée : 17 minutes
Année : 2024
Pays : Canada
Réalisation : Andrea Dorfman
Scénario : Andrea Dorfman
Animation : Andrea Dorfman
Note : 7/10

Déjà terminé

Ça passe vite quand même tout ça… ne vous inquiétez pas. Tous les films de l’ONF sont soigneusement conservés dans leur immense banque de données diligemment entretenue. Si vous voulez en avoir le cœur net, voici un article de ma visite en 2023 de leurs installations (le temps, ça passe vite faut croire).

C’est tout pour cette fois, cher lectorat. J’espère que j’ai pu vous inciter à aller explorer tout ce que Les Sommets du cinéma d’animation ont à offrir cette année!

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