Un poste de police pas comme les autres dans le Nord de l’Inde. Dans un bureau exigu, l’officier de police Sandhya et son équipe accueillent des couples qui battent de l’aile pour diverses raisons : maltraitance, négligence, problème avec la belle famille, etc. Ce service spécial vient en aide aux femmes démunies et convoque les maris pour qu’ils s’expliquent et les invite à changer de comportement. Nous suivons en particulier trois histoires, trois couples, au fil de leurs rendez-vous au poste de police, parfois dans une ambiance électrique avec disputes et déni des maris. Les efforts de médiation entre les deux parties demandent beaucoup d’énergie et de patience à l’équipe pour éviter le divorce et préserver quoi qu’il en coûte l’institution sacrée du mariage. Dans Marriage Cops qui a fait sa première mondiale au festival Hot Docs, les mœurs conservatrices sont malmenées exposant les failles d’une société patriarcale quand la sphère privée s’invite dans la sphère publique et montre un visage de la société indienne où les mariages arrangés restent monnaie courante.
Lorsqu’il est question de filmer l’institution policière ou juridique, l’un des maîtres en la matière qui a consacré une grande partie de sa carrière de documentariste est le Français Raymond Depardon. Le film rappelle Délits flagrants (1994) quand le réalisateur avait filmé l’itinéraire procédural des personnes arrêtées en flagrants délits au Palais de justice de Paris. Il a demandé une année aux réalisatrices de Marriage Cops pour avoir l’autorisation exceptionnelle de tourner dans le poste de police et porter à l’écran le travail des agents de l’institution publique et les histoires de gens ordinaires.
Le cinéma-vérité fait mouche et nous sommes captés par l’exposition des récits personnels mêlant désaccords, violence conjugale, souffrance de femmes et promesses des maris qui seront ou non tenues. Au cœur d’instructions en cours, tentant de discerner les mensonges de la vérité, Marriage Cops prend la forme d’un théâtre filmé de la vie, sans intervention des réalisatrices, gommant les regards caméra et laissant les personnes agir comme si l’équipe de tournage n’était pas là. Lorsque l’équipe de femmes policières s’arrête un instant pour manger ou prendre le thé, le visage de l’institution tombe alors, humanisant leur rôle de policière derrière le rôle de femmes ordinaires et sensibles, avant d’ouvrir la porte du bureau pour recommencer à écouter de nouvelles histoires dramatiques.
C’est dans une ambiance tragi-comique que Marriage Cops excelle. Cohabite dans le bureau un policier au bord de la retraite, méticuleux, tellement méticuleux dans ses tâches administratives que le comique s’installe en marge des dépositions enregistrées par ses collègues. Institution archaïque, le poste de police est dépourvu d’ordinateur et les dossiers s’accumulent jusqu’au plafond. Le calcul artisanal des statistiques sur la résolution des affaires fait sourire au milieu de l’importance de cette mission de service public œuvrant pour le droit des femmes.
Marriage Cops est présenté au Festival Hot Docs, les 27 avril et 3 mai 2025.
