« Le temps révèle tout. »
Les événements qui se déroulent au cours d’une nuit traumatisante à Paris se déroulent dans l’ordre chronologique inverse, Marcus (Vincent Cassel) et Pierre, copain et ex-petit ami, prennent la justice en main après qu’Alexe soit devenue la victime d’un violeur.
À sa sortie en 2002, Irréversible avait stupéfié les spectateurs du monde entier avec sa chronologie inversée et suscité beaucoup d’émotion au festival de Cannes. Brutal, perturbant et d’une violence implacable et choquante, c’est aussi une prouesse technique. Près de vingt ans plus tard, Irréversible – inversion intégrale revient pour marquer les esprits et décupler l’impact du film.
Plus tôt ce mois-ci, les deux versions atterrissaient sur Shudder. Voilà pourquoi je vous en parle aujourd’hui.
« Le temps détruit tout. »
La version originale avait fait grand bruit. La version inversée en a fait moins. Mais elle n’est certainement pas sans intérêt.
Cette version reconfigurée, et désormais chronologique, permet au public de voir les événements du film se dérouler dans l’ordre, offrant ainsi un nouveau contexte. On peut analyser l’effet de cette inversion de multiples façons. Personnellement, deux choses m’ont marqué. Tout d’abord, ça démontre l’importance du montage dans la compréhension d’un film. Il s’agit exactement des mêmes images, des mêmes dialogues et des mêmes plans. Pourtant, on a deux films complètement différents.
La version originelle (2001, 99 minutes) se regarde selon un décrescendo, commençant avec un rythme effréné, des images brutales et des actions rapides, se terminant par des images lentes et douces, donnant un effet de fatalité, comme si on nous disait que ce bonheur était illusoire puisqu’au final, la vie vous mènera à des événements tragiques si c’est ce qu’elle avait prévus pour vous. Dans la version inversée (2021, 89 minutes), on a plutôt l’impression d’un couple qui prend de mauvaises décisions qui les mènent à une fin tragique. Le spectateur fait lentement connaissance avec ce couple amoureux, pour finalement les voir détruits.
Pour citer Noé, « dans la version d’origine, en découvrant le futur avant le passé, le spectateur sait que le paradis montré à la fin est destiné à être perdu comme dans une tragédie où tout est déjà écrit d’avance. Le sentiment nostalgique l’emporte alors sur l’horreur. »
En remettant les scènes dans leur ordre chronologique, l’identification aux personnages et la compréhension du récit deviennent plus faciles. La même histoire n’est plus une tragédie, mais cette fois un drame faisant ressortir la psychologie des personnages et les mécanismes qui conduisent certains d’entre eux à une barbarie meurtrière.
Il y a aussi un intérêt au niveau de la compréhension même du film. Dans la première version, tout se passe tellement vite au début, que le spectateur manque des informations. Présenté dans le sens des aiguilles d’une montre, tout est clair et aussi plus sombre. L’histoire, les faits et les dialogues sont les mêmes. Et pourtant…
Revoir ce « vieux » film de Gaspar Noé permet de se rappeler qu’il est non seulement bon pour choquer, mais aussi pour innover et pour pousser les limites. D’une certaine manière, il me rappelle Lars Von Trier.
C’est aussi un rappel qu’il n’a pas sorti de gros film dernièrement, et c’est certainement dommage. Son dernier long métrage solo remonte à 2021 avec Vortex.
Avec Irréversible, on peut voir l’évolution, mais aussi son constant désir à repousser les limites et à trouver de nouveaux axes narratifs. Par exemple, avec son court métrage We fuck alone (inséré dans le long métrage Destricted) il revenait avec l’utilisation des lumières stroboscopiques qu’il avait testées dans le générique d’Irréversible. Dans Love, il choquait avec l’utilisation du sexe non simulé et de la 3D dans un film d’auteur. Puis, dans Climax (oui, il aime beaucoup les titres en un seul mot), il déstabilise avec les thèmes et la façon de tourner en intégrant la danse et le crade à son histoire pour créer une œuvre hypnotique, hallucinante; une descente directement vers les profondeurs de l’enfer.
Mais ce qui trône dans son œuvre, c’est une obsession à traiter de relations amoureuses. Mais aussi d’une descente aux Enfers. Et à écrire des scénarios de façon différente.
Conçu en juin 2001, Irréversible a été tourné un mois plus tard à partir d’un synopsis de trois pages contenant une douzaine de séquences. Les scènes étaient succinctement décrites, et les détails comme les dialogues se sont créés au fur et à mesure dans l’euphorie collective. D’ailleurs, si on regarde le générique, il n’est aucunement mention du scénario, seulement de l’histoire.
Pourquoi les gens ne se souviennent que de leur passé? Pourquoi personne ne prête attention aux rêves prémonitoires? Pourquoi la perception du temps ne va que dans un sens? Pourquoi le libre arbitre est illusoire? Pourquoi l’homme n’est-il qu’un animal? Voilà les questions qui prennent place dans Irréversible.
Ainsi, l’arrivée de ces deux versions sur la plateforme permet aux spectateurs de voir les deux un après l’autre (peut-être sur deux jours question de ne pas être trop mal). Rares sont les occasions réelles de comprendre à quel point chaque décision change ce qu’est un film. Ici, c’est le montage qui change tout.
Allez-y, lancez-vous et on s’en reparle!
Bande-annonce
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