The power of utopia - Une

[FIFA] The Power of Utopia: Living with Le Corbusier in Chandigarh — Rencontres architecturales improbables 

    « A living city has to grow. It has to evolve. It has to learn from the past, and then look at the future. »
[Une ville vivante doit grandir. Il faut que ça évolue. Elle doit tirer des leçons du passé, puis se tourner vers l’avenir.]

The power of utopia - Affiche

À l’occasion du 70e anniversaire du projet de ville de Le Corbusier, nous nous demandons si cette vision est devenue une réalité à Chandigarh. Le film accompagne les gens dans leurs voyages à travers la ville, à la recherche de décors et de scènes qui révèlent l’interaction inspirante des vieux rêves et de la nouvelle vie, de l’utopie et du quotidien, de la décadence et de la poésie tranquille. Un témoin contemporain rappelle les débuts de la ville. Le directeur du Centre Le Corbusier, un artiste, un acteur et un architecte parlent tous de l’expérience de s’installer ici et contemplent leur vie à et avec Chandigarh. Nous rencontrons des habitants qui nous offrent un aperçu de la ville tout en nous déplaçant et en nous immergeant dans la vie quotidienne qui a évolué autour de l’environnement bâti.

Après le colonialisme, l’architecture 

La prémisse de ce documentaire à tout pour captiver : une rencontre culturelle improbable entre l’imaginaire utopique d’un architecte franco-suisse, Le Corbusier, et le quotidien d’un peuple indien en évolution rapide. L’aménagement de la ville de Chandigarh découle directement de l’idéologie de Le Corbusier et plus indirectement de son intervention. Même s’il n’a effectué que quelques périples en Inde au cours de sa vie, sa présence s’est longtemps incarnée dans la ville indienne à travers son cousin, l’architecte Pierre Jeanneret, qui est sur place jusqu’à la mort de Le Corbusier en 1965. 

Le contexte sociopolitique qui nous permet de mieux comprendre l’émergence de cette ville insolite nous est résumé efficacement au début du documentaire : Chandigarh a commencé à voir le jour après l’Indépendance de l’Inde en 1947. Au cœur des vagues de migrations massives et des tensions culturelles, la vision d’une ville moderne à pris vie. Ses idées novatrices sur la manière d’aménager l’urbanité ont dû être adaptées à un climat et un mode vie bien différent que celui qu’a connu le Franco-Suisse. 

The power of utopia - Après le colonialisme

Si on est déjà familier avec le travail de l’architecte pour son brutalisme, les bâtiments de Chandigarh nous paraîtront à la fois surprenants et cohérents. Les grandes structures de béton semblent à première vue peu adaptées à la chaleur des villes indiennes, mais en s’attardant à leurs angles, leur courbure et leur ouverture, on constate qu’ils ont été conçus pour maximiser la ventilation et les espaces d’ombres. De plus, contrairement à d’autres grandes villes indiennes,  les espaces verts abondent à Chandigarh. 

Par contre, une autre critique bien réelle que l’on peut adresser à la ville, et que le documentaire effleure sans approfondir suffisamment, est l’omission d’un mode de vie plus traditionnel et organique dans cette ville conçue par des Occidentaux. Par sa conception, Chandigarh est en effet vue comme un bastion de l’idéologie occidentale, avec ce qu’elle a de plus sain dans l’ouverture et de plus destructeur dans le progrès à tout prix.

Un film de personnage plus que d’architecture

Les rapports complexes et variés qu’entretiennent les citoyenn.es de Chandigarh avec leur ville installent rapidement l’atmosphère. Les scènes du quotidien, cadrées en relation avec les bâtiments, sont suffisantes pour souligner la tension culturelle latente de la ville. 

The power of utopia - Un film de personnage

Plutôt qu’un documentaire qui porte à la contemplation et l’immersion, The Power of Utopia adopte la forme plus classique des plans d’établissement et d’entrevues en tête parlante pour développer son narratif. Les personnages qui nous accompagnent dans cette histoire, allant de l’amuseur de rue qui apprécie l’ouverture des espaces publics de la ville jusqu’à l’enseignant à l’école d’architecture qui souhaite réactualiser la mémoire de Le Corbusier en conservant un regard critique, les discours complémentaires enrichissent notre compréhension des dynamiques de la ville, mais les moments les plus intéressants demeurent ceux qui occupent une place plus transitoire : un homme qui erre avec sa vache dans la ville, des travailleurs hissés au sommet d’une tour de béton pour la repeindre, un groupe de sportifs entouré de chien qui font leur exercice matinal au parc… Malheureusement, ces quelques plans deviennent presque des vignettes énumératives, ils ne durent pas assez longtemps pour nous laisser plonger entièrement dans l’endroit.

Les idées architecturales tout comme l’aménagement doivent progresser, une adaptation et une réactualisation constante afin que l’environnement s’adapte à nous plutôt que l’inverse. En Inde, le rythme de l’urbanisation et de l’étalement urbain accompagne la croissance démographique fulgurante. À Chandigarh, une ville conçue il y a cinquante ans pour accueillir 500 000 personnes, on prévoit que la population atteindra 1,6 million en 2031. Les espaces de stationnements aménagés par Le Corbusier il y a quelques décennies sont restés longtemps vides, mais aujourd’hui ils débordent. Imaginée de manière moderne, mais inévitablement figée dans le temps, cette ville pourrait rapidement être dépassée par les besoins grandissants de ses habitants. Peut-être que la force de The Power Utopia, c’est d’avoir été là au bon moment, d’avoir capté le court laps de temps au cours duquel l’utopie de Le Corbusier exista réellement. 

The Power of Utopia: Living with Le Corbusier in Chandigarh est présenté au FIFA le 15 mars 2024.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Kraft der Utopie - Leben mit Le Corbusier in Chandigarh
Durée
84 minutes
Année
2023
Pays
Suisse
Réalisateur
Thomas Karrer et Karin Bucher
Scénario
Karin Bucher
Note
7 /10

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Fiche technique

Titre original
Kraft der Utopie - Leben mit Le Corbusier in Chandigarh
Durée
84 minutes
Année
2023
Pays
Suisse
Réalisateur
Thomas Karrer et Karin Bucher
Scénario
Karin Bucher
Note
7 /10

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