Ingress - Une

Ingress — Les borgnes sont maîtres dans le royaume des aveugles

« — So, you could control it.
— No. I could never control it. I would just get the warning signs. »
[— Ainsi, tu pourrais le contrôler.
— Non. Je n’ai jamais pu le contrôler. Je recevrais juste les signes avant-coureurs.]

Ingress - Affiche

Une femme (Rachel Noll James) capable de se déplacer entre des réalités parallèles perd tragiquement son mari Tobi (Johnny Fero) et doit surmonter les traumatismes du passé. Pour voyager à nouveau dans le multivers et retrouver son chemin dans une réalité où il est toujours en vie, elle aura l’aide de Daniel (Christopher Clark), un hypersensible en contact avec les voix du multivers.

Question de perception

Quand j’ai eu la tâche de faire une revue du film Ingress, j’ai d’abord cru à tort que l’histoire de gens qui ont d’étranges facultés mentales était celle produite par Niantic (rien d’extraordinaire, mais hey, les films de jeux vidéo sont en vogue alors…). Je m’imaginais que la série anime du même nom avait une adaptation au grand écran. C’est lorsque j’ai vu la bande-annonce que j’ai commencé à me douter que la seule ressemblance serait à propos d’une habileté mentale ou spirituelle quelconque et puis c’est tout. 

Ingress, écrit et réalisé par Rachel Noll James, ne se présente pas vraiment comme une œuvre de science-fiction, mais affiche plutôt un genre cinématographique romantique ou spirituel. Même les sujets abordés censés être scientifiques tombent davantage dans l’ésotérisme que le discours théorique.

INGRESS - Rachel Knoll James - Question de perception
Riley (Rachel Knoll James)

Le récit gravite autour de Riley, interprétée par nul autre que la réalisatrice du film, une femme qui vit avec un décalage par rapport la réalité qu’elle habite; ainsi que Daniel, interprété par Christopher Clark dans son premier rôle (on le salue), qui dit être en contact avec des forces au-delà de la perception matérielle. Lorsqu’un film est écrit et réalisé par la même personne qui y joue le rôle principal comme dans ce cas ici, il est normal d’en déduire que le sujet puisse être éminemment personnel. 

Une musique douce et légèrement mystérieuse accompagne les premières images d’une petite ville côtière. Les berges sont jonchées de troncs et de branches mortes, puis l’on s’enfonce dans la forêt, belle et menaçante comme le changement. Les transitions varient dans leurs vitesses et leurs effets donnant l’impression que ce qui est à l’écran n’est pas solide et immuable, mais peut-être fluide, perméable, friable. Nous parcourons une futaie labyrinthique alors que notre regard s’emballe à la vue des contrastes colorés de cette nature sombre. Une silhouette, puis une figure se dessinent dans la brume; ce brouillard qu’est celui de l’esprit endormi, car Riley était tout bonnement dans son lit.

Oui!… Mais non.

Le travail au montage réussit par moment à capturer une clarté et un grain d’une qualité équivalente à celle d’une grosse production de Universal Studio; du moins, lorsqu’on parle de la nature. Pour le reste du temps, un léger peaufinage aurait pu uniformiser parfaitement la plasticité de l’image. Cependant, il n’y a rien dans cela qui soit détrimentaire au film ou même perceptible au premier coup d’œil. C’est malgré tout une constatation que j’ai eu simplement parce que le reste des scènes étaient majoritairement bien soignées, ceci créant un léger contraste qualitatif (c’est peut-être même juste une question de goûts personnels) . 

INGRESS - Oui mais non

Le bémol à mes oreilles se situe au point des dialogues et de l’idée générale. Les personnages parlent, expliquent et racontent sans nécessairement bien nous faire comprendre ce qui leur arrive. L’auditoire à du mal à s’attacher à des personnages qui ne veulent pas vraiment se confier autrement qu’entre eux; parce qu’eux se retrouvent dans leurs confessions et les autres ne les comprendraient pas de toute façon. Une inclinaison dans la prise de discours un peu enfantine qui se résume à des drames du genre : « Ah! Tu me trouves bizarre? J’ai l’habitude »; ou « Ce n’est pas pour tout le monde »; ou encore « Avec ceux qui comprennent pas besoin d’expliquer »; cela finit par être un peu lassant. À force de voir Riley et Daniel interagir sans vraiment n’inclure personne, le spectacle perd progressivement de son sens et il devient de plus en plus difficile de s’identifier à eux.

Le tout a fini par me laisser un peu de glace alors que je commençais à m’imaginer les ressemblances avec le film et la populaire théorie de fans de Harry Potter qui voudraient que Harry ne soit qu’un enfant affecté par de graves troubles psychotiques et schizophréniques. En effet, comment peut-on croire sans l’ombre d’un doute que Daniel et Riley partagent bel et bien quelque chose d’unique alors que leur point en commun le plus flagrant, c’est d’être tous deux médicamentés pour des épisodes plus ou moins légers de démence. Ils n’ont que l’autre pour se rassurer dans leur vision du monde.

1000 récits, toujours la même histoire

Le reste de l’histoire est tout de même très long et lent; disons que la variété des péripéties n’était pas vraiment le point de mire du film. Ingress feint d’être de la science-fiction, alors que l’on assiste à la naissance d’un amour inattendu entre deux âmes esseulées habitant une banlieue paisible. Elle a perdu l’amour; lui ne l’a jamais connu, mais dans un monde qui respire la normalité, comment deux êtres uniques peuvent-ils se trouver l’un l’autre? 

Ingress - 1000 récits

En fin de compte, cela me fait penser à Some Other Women (article à l’appui) où le fil narratif n’amène qu’à la rupture d’un couple alors que la protagoniste sent qu’elle a laissé ses rêves disparaître dans son envie de normalité.

Qu’est-ce que je retire de mon visionnement? J’enlève d’abord presque deux heures qui me parurent comme trois. C’est dommage parce qu’il y a une véritable beauté artistique qui traverse l’œuvre de Rachel Noll James. Elle démontre son habileté à matérialiser des scènes magnifiques et son audace à s’enfoncer dans des sujets étranges avec confiance. Malheureusement, je ne vois en Riley qu’une femme qui se trouve une bonne raison pour laisser son mari présent et finir avec un autre. Que ça plaise ou pas, ce n’est pas la première fois que je vois ça.

On félicite tout de même très haut Madame Noll James pour son travail titanesque et Monsieur Clark pour sa première apparition à l’écran! 

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Ingress
Durée
119 minutes
Année
2024
Pays
États-Unis
Réalisateur
Rachel Noll James
Scénario
Rachel Noll James
Note
6.5 /10

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Fiche technique

Titre original
Ingress
Durée
119 minutes
Année
2024
Pays
États-Unis
Réalisateur
Rachel Noll James
Scénario
Rachel Noll James
Note
6.5 /10

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