Alors que 2023 touche à sa fin, il est temps de jeter un regard rétrospectif sur cette année cinématographique aussi riche que diversifiée. Il faut dire qu’elle a été marquée par des sorties remarquables qui ont laissé une empreinte indélébile dans l’univers du cinéma. Au cours de cette aventure cinématographique, j’ai eu le privilège de plonger dans un éventail varié de genres, allant de drames profondément touchants à des thrillers à couper le souffle, en passant par des comédies très absurdes. Parmi cette riche palette, certains films se sont particulièrement distingués, captivant mon attention par leur singularité, leur art narratif et leur réalisation remarquable.
Voici donc mon top 5 des films de 2023, une sélection éclectique reflétant la créativité et l’innovation de notre cinéma actuel.
Synopsis : L’histoire se déroule au milieu des années 2000, centrée sur Oliver Quick (Barry Keoghan), un étudiant boursier à l’Université d’Oxford. Oliver, personnage introverti et studieux, se lie d’amitié avec Felix Catton (Jacob Elordi), un camarade de classe issu d’une famille aisée. L’invitation de Felix à passer l’été dans le somptueux domaine familial de Saltburn marque le début d’un voyage initiatique pour Oliver. Ce qui commence comme un été de rêve rempli de fêtes luxueuses, de liaisons sexuelles et de moments d’insouciance se transforme progressivement en un cauchemar où les frontières entre le plaisir et la destruction s’estompent.
Dans son deuxième long-métrage Saltburn, Emerald Fennell présente une œuvre audacieuse et captivante qui entraîne le spectateur dans un univers où s’entremêlent désir, luxure et humour noir. Après le succès de Promising Young Woman, Fennell propose ici une comédie queer troublante, mettant en vedette Barry Keoghan dans un rôle complexe et fascinant. Ce film est une immersion dans un psychodrame envoûtant, où le sublime rencontre le chaos au sein de la haute société britannique.
Dans Saltburn, Emerald Fennell présente une dissection aiguisée et provocatrice de l’élite, en explorant des thèmes complexes tels que les disparités de classe, les privilèges et la désillusion. Le film se distingue par son utilisation astucieuse de l’humour noir pour peindre un portrait satirique de la décadence et du snobisme caractéristiques de l’aristocratie britannique. Avec une approche qui déconstruit habilement les stéréotypes et bouleverse les attentes conventionnelles, Fennell offre un regard neuf et incisif sur les subtilités, du pouvoir et de la séduction. Le scénario, délibérément moins complexe que celui de Promising Young Woman, fait un choix artistique réfléchi de se concentrer davantage sur la richesse psychologique des personnages et sur l’ambiance globale du film plutôt que sur l’intrigue en elle-même.
Barry Keoghan, dans le rôle captivant d’Oliver, livre une performance nuancée, imprégnant son personnage d’une vulnérabilité et d’une complexité remarquables. L’alchimie qu’il partage à l’écran avec Felix, interprété par Jacob Elordi, est un pilier central du film, créant une dynamique à la fois intrigante et profonde. Les performances additionnelles de Rosamund Pike, dans le rôle d’une mère calculatrice, et de Carey Mulligan, en tant qu’amie excentrique de la famille, apportent des nuances supplémentaires de complexité et d’humour au récit. Ensemble, ces acteurs enrichissent le film, renforçant son impact émotionnel et narratif, et contribuent à faire de Saltburn une œuvre cinématographique remarquable et mémorable.
La véritable magie de Saltburn réside dans son esthétique visuelle gothique. L’élégance et l’extravagance fusionnent avec brio. La cinématographie, caractérisée par ses tonalités argentiques, capture magnifiquement la grandeur aristocratique des années 2000, évoquant une fusion artistique entre le charme de Call Me by Your Name et l’énigmatique Eyes Wide Shut. Chaque image du film est un tableau en soi, sublimement composé pour capturer l’essence de cette époque.
Les décors, d’une opulence à couper le souffle, ainsi que les costumes minutieusement confectionnés par Sophie Canale, sont des éléments cruciaux qui immergent le spectateur dans le monde luxueux et complexe de Saltburn. Ces aspects visuels ne sont pas seulement de simples ornements; ils sont essentiels à la narration, enrichissant l’histoire d’une texture et d’une profondeur uniques.
La bande-son, créée par Anthony Wilis, vient parfaire cette atmosphère déjà riche. Elle enveloppe le spectateur, ajoutant une dimension supplémentaire à l’expérience cinématographique. Chaque morceau musical a été soigneusement choisi pour compléter et accentuer les moments clés du film, faisant de la bande-son un acteur à part entière dans la création de cette œuvre captivante.
Saltburn se distingue par son approche originale et son humour noir. C’est un film qui interpelle, offrant à la fois des moments de tension et d’hilarité. Emerald Fennell confirme son talent de réalisatrice avec cette production fascinante, qui se positionne à la fois comme un hommage et une critique acérée de la société contemporaine. Ce film est un incontournable pour les amateurs de cinéma à la recherche d’une expérience riche en émotions et en réflexions. Il s’affirme donc non seulement comme une réussite cinématographique majeure, mais aussi comme une œuvre essentielle dans le paysage du cinéma moderne.
Bande-annonce
Synopsis : Los Angeles, dans le tourbillon des années 1920. Au cœur d’une époque marquée par la splendeur et la décadence, le film tisse le récit captivant d’ambitions vertigineuses et d’excès sans précédent. Il dépeint l’ascension fulgurante et la chute spectaculaire de figures clés lors de l’éclosion de l’industrie cinématographique d’Hollywood. Cette période, synonyme de dépravation et d’extravagance sans borne, sert de toile de fond à une mosaïque d’histoires entrelacées. Ces personnages, chacun poursuivant un rêve d’or et de gloire, naviguent dans un monde où les règles sont floues et les limites inexistantes. Leur parcours dans cet univers scintillant, mais impitoyable, révèle les multiples visages d’Hollywood : un lieu de création éblouissante et de chute vertigineuse, où les destins se font et se défont au rythme des caprices d’une industrie naissante.
Dans Babylon, Damien Chazelle orchestre un cinquième long métrage audacieux qui plonge le spectateur dans l’ère tumultueuse du cinéma muet à Hollywood. Ce film se distingue par son approche crue et sans concession, explorant sans retenue les excès, les extravagances et la décadence inhérents de cette période dorée, ce qui pourrait bien nous rappeler un certain livre : Hollywood Babylon de Kenneth Anger. Chazelle ne se contente pas de survoler ces thèmes; il les imprègne d’une crudité explicite et d’éléments uro-scatologiques, créant ainsi une expérience cinématographique viscéralement intense et artistiquement ambitieuse.
Loin de se limiter à une représentation romantique de Hollywood, Chazelle choisit de dépeindre une ère brute et sauvage, empreinte de débauche et de transgression. Il utilise habilement la métaphore de l’éléphantiasis pour symboliser l’excès et l’outrance caractérisant Hollywood, tout en explorant les nuances de la création artistique et les dynamiques du spectacle.
Au cœur de Babylon, les personnages principaux, incarnés par Margot Robbie et Brad Pitt, illustrent les différentes strates de l’industrie cinématographique de l’époque. Ces personnages naviguent à travers les aléas de la gloire et du succès, mettant en lumière la fugacité et la précarité de la célébrité dans le monde du cinéma. En parallèle, Chazelle met en lumière la dynamique de l’industrie cinématographique, allant au-delà des deux vedettes principales pour explorer les différents métiers du cinéma et la montée en puissance des acteurs de l’ombre. Il utilise le personnage de Sidney Palmer, un jeune trompettiste afro-américain, comme un prisme pour examiner l’impact du parlant sur le cinéma et les questions de racisme et de changement social, illustrant la progression de Palmer de manière significative à travers la cinématographie.
Chazelle, en tant que réalisateur, ne se contente pas de délecter le spectateur avec une extravagance visuelle et thématique; il s’efforce aussi de sonder les origines et l’évolution de l’industrie cinématographique, remettant en question la vision idéalisée d’Hollywood et offrant une perspective plus sombre et nuancée. Malgré son ambition et son désir de repousser les limites du cinéma conventionnel, Babylon a suscité des réactions mitigées, salué d’un côté pour son audace, mais aussi critiqué pour sa crudité parfois jugée excessive et provocatrice. Cette dualité reflète le thème même du film : le contraste entre l’image éblouissante d’Hollywood et sa réalité plus sombre et complexe. De plus, un aspect punitif transparaît dans le scénario, notamment dans la relation entre Manny Torres et Nellie LeRoy, qui semble adhérer aux normes morales qu’il critique.
En conclusion, Babylon est un film fascinant, marqué par l’excellente maîtrise technique de Chazelle et son érudition cinématographique. Il reste une œuvre captivante de 3h qui témoigne de l’ambition et de l’énergie du cinéaste et qui ne plaira pas à tout le monde, c’est certain.
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Bande-annonce
Synopsis : L’intrigue se déroule durant la nuit d’Halloween en 1977. Jack Delroy (David Dastmalchian), un animateur de talk-show en quête de renouveau, orchestre une émission en direct hors normes pour tenter de redresser des audiences en berne. La soirée promet d’être électrisante avec des invités tels que la parapsychologue Dre June Ross-Mitchell (Laura Gordon) et sa fille adolescente Lilly (Ingrid Torelli), qui prétend être sporadiquement possédée par un démon. Ce qui débute comme une initiative audacieuse pour captiver le public se mue rapidement en un épisode horrifique et imprévu.
Après huit années de développement scénaristique, Late Night with the Devil des réalisateurs Cameron Cairnes et Colin Cairnes s’est distingué comme une réalisation cinématographique remarquable, marquant de son empreinte le paysage cinématographique de 2023. Présenté avec brio au festival Fantasia cette année, ce film est une fusion audacieuse entre l’horreur found-footage et une satire pointue de la culture télévisuelle des années 70, offrant aux spectateurs une expérience riche et singulière.
Late Night with the Devil, dirigé par Cameron Cairnes et Colin Cairnes, brille par son scénario innovant qui tisse habilement les fils de l’horreur et de la comédie. Le film joue astucieusement avec les conventions des talk-shows des années 70, les rehaussant et les subvertissant avec une finesse satirique. Sur le plan technique, le film excelle remarquablement. La production, les costumes et la photographie parviennent à capturer avec une fidélité saisissante l’atmosphère et l’esthétique de cette époque, ressuscitant avec brio un passé révolu.
Les réalisateurs réussissent magistralement à recréer l’essence des émissions de fin de soirée de cette période. Ils alternent entre un format carré en couleur pour représenter le spectacle tel qu’il était perçu par le public américain de l’époque, et un format plus large en noir et blanc pour révéler les coulisses inexplorées, offrant ainsi une perspective unique qui fait du film un véritable trésor du passé télévisuel, tout en mettant en lumière la tension montante en coulisses.
David Dastmalchian, incarnant Jack Delroy, livre une performance riche et nuancée, capturant l’image d’un animateur à la fois charismatique et submergé par les événements. Ingrid Torelli, dans le rôle de Lilly, se révèle être une véritable découverte. Sa prestation, troublante et envoûtante, donne vie à un personnage complexe et énigmatique.
Late Night with the Devil est une œuvre audacieuse qui redéfinit les contours du genre found-footge. Alliant de manière unique horreur, comédie et critique sociale, le film propose une expérience cinématographique inoubliable. Malgré certaines faiblesses, notamment dans le développement de certains personnages, il reste une réalisation impressionnante et mérite pleinement l’attention des passionnés de cinéma.
*Disponible sur Shudder prochainement…
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Synopsis : Dans une ville infestée de non-vivants – des zombies non cannibales – trois fainéants à la recherche d’argent facile doivent combattre des petits truands et une méga corporation au dessein malfaisant pour sauver leur grand-mère kidnappée.
Ce long-métrage, né de l’imaginaire foisonnant et de la mise en scène astucieuse du trio François Simard, Anouk Whissell et Yoann-Karl Whissell, formant le collectif RKSS (Roadkill Superstars), est une nouvelle pierre à l’édifice de leur réputation, établie par des œuvres telles que Turbo Kid (2015) et Summer 84 (2018). Leur dernière création, We are Zombie, a brillé lors de la clôture du Festival Fantasia, où elle a été dévoilée en première mondiale. Ce troisième opus, s’inscrivant dans le registre de la comédie horrifique, témoigne d’une évolution notable dans leur parcours artistique. Le film, co-produit par Christal Film Productions, Full House et Sparkling, et développé en collaboration avec Kinology, bénéficie de la contribution de personnalités éminentes du cinéma, à l’instar de Pierre Spengler, connu pour son travail sur la trilogie Superman avec Christopher Reeve. Les réalisateurs montréalais ont su intégrer à leur film un mélange captivant de scénario inédit, d’humour cinglant, de dialogues percutants, de personnages entraînants et d’effets spéciaux très gore plutôt remarquables, promettant ainsi de séduire un large éventail de spectateurs, en particulier les amateurs du cinéma d’horreur.
We are Zombie se distingue par son approche rafraîchissante sur la thématique des zombies qui a été plus qu’usé ces dernières années. S’inspirant de la bande dessinée The zombies that ate the world de Jerry Frissen, Guy Davis et Jorgue Miguel, le film met en scène une ville envahie par des zombies inoffensifs. Au lieu d’être perçus comme une menace, les zombies du film aspirent à être intégrés dans la société sous le statut de « citoyens non traditionnels ». Les personnages principaux, Freddy (joué par Derek Johns), Karl (Alexandre Nachi) et Maggie (Megan Peta Hill), se retrouvent impliqués dans une arnaque ambitieuse dans le but de réaliser du profit. Leurs aventures les mènent à une mission périlleuse afin de sauver leur grand-mère kidnappée. En établissant des parallèles avec des références telles que Shaun of the Dead ou les films emblématiques de George A. Romero, le film enrichit son récit tout en conservant sa propre signature.
Un hommage particulier est dû à l’équipe technique, qui brille par sa maîtrise dans la conception d’effets spéciaux et de scènes gore (Blood Brothers). Ces réalisations, à la fois efficaces et parfois teintées d’humour, contribuent grandement à l’esthétique soignée et impressionnante de certains zombies. Les séquences de violence graphique traitées avec un savoir-faire certain, offrent un spectacle visuellement plaisant tout en évitant de basculer dans un excès de brutalité. Cette maîtrise caractérise le style du collectif RKSS qui est poussé à l’extrême dans cette œuvre, pour en faire une véritable ode à leur style unique et distinctif.
Les spectateurs devront faire preuve de patience avant sa sortie en 2024 pour ceux qui n’ont pas eu la chance de le découvrir à Fantasia. We are Zombie promet une expérience cinématographique mémorable, alliant humour, suspense et réflexion sur la société et la condition humaine, suscitant un vif intérêt chez les cinéphiles et les amateurs du genre.
Aussi ici, la Critique de David-Simard-Jean du petit septième.
Synopsis : Sophia (Magalie Lépine-Blondeau), 40 ans, professeure de philosophie à l’université du troisième âge, vit en couple depuis dix ans avec Xavier (Francis-William Rhéaume), professeur de sciences politiques. Ils ont une vie confortable et leur couple est plutôt stable malgré une vie sexuelle en veilleuse. En contrepartie, ils ont une vie sociale riche et heureuse entre leurs amis et beaux-parents respectifs. L’existence de Sophia bascule le jour où elle fait la rencontre de Sylvain (Pierre-Yves Cardinal), un entrepreneur des Laurentides aux antipodes de son mode de vie. À l’aube de l’hiver, elle quitte tout pour vivre cette passion brûlante. Peut-être la dernière de sa vie.
La cinéaste québécoise Monia Chokri, reconnue pour son œuvre percutante Babysitter, revient sur le devant de la scène cinématographique avec son troisième long-métrage intitulé Simple comme Sylvain. Le film, qui a fait ses débuts remarquables lors de sa première à Cannes, a véritablement conquis le public québécois depuis le 22 septembre dernier.
Dans Simple comme Sylvain, Monia Chokri déploie une vision mature et introspective de l’amour, tissée d’une riche palette de complexités et de dilemmes moraux. Reconnu pour sa finesse dans la capture de la quintessence des relations humaines, Chokri s’aventure ici dans une exploration des thèmes du désir et de l’engagement amoureux, interrogeant les valeurs fondamentales qui peuvent soit renforcer soit fragiliser les liens d’un couple.
Au cœur de cette narration se dévoile une interaction captivante entre deux univers distincts : d’un côté, Sophia, une passionnée et aspirante professeure de philosophie, et de l’autre, Sylvain, un entrepreneur pragmatique dans le domaine de la construction. Leur amour, né d’une alchimie spontanée, défie les normes sociales et intellectuelles établies, illustrant ainsi l’adage de Molière sur l’irrationnel de l’amour.
Le film ne se limite pas à mettre en lumière ces contrastes, mais les célèbre activement, permettant à ces divergences de devenir le moteur de leur amour naissant. Chokri, avec brio, tisse une romance existentielle, imprégnée de dialogues profonds et théoriques sur des sujets tels que l’amour, le désir, et la fidélité, le tout relevé d’un humour piquant et d’une sensibilité remarquable.
Simple comme Sylvain aborde l’amour dans toute sa complexité et son irrationalité, mais aussi dans sa splendeur, à travers un scénario habilement conçu. Le film n’hésite pas à traiter de sujets délicats, offrant un portrait riche et nuancé des défis de l’intimité dans notre ère contemporaine, marquée par des enjeux de classe sociale et de genre qui s’entrelacent aux quêtes personnelles de bonheur et d’épanouissement.
En résumé, Simple comme Sylvain se présente comme une œuvre nuancée de l’intimité contemporaine, fusionnant habilement les enjeux de classe sociale et de genre avec les aspirations personnelles au bonheur et à l’épanouissement. Ce film, à la fois doux et sans concession, offre une perspective unique sur l’amour et le désir. Il se positionne ainsi comme un jalon important dans la filmographie de Monia Chokri et un incontournable du paysage cinématographique québécois.
Bande-annonce
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