「あつかんが　なべのなかに　もどったんです」
« Le saké n’arrête pas de revenir dans le chaudron. »

Kibune dans un hiver calme. Mikoto (Riko Fujitani), une serveuse qui travaille au Fujiya, est rappelée au travail par la propriétaire alors qu’elle se tenait au bord de la rivière Kibune, derrière l’annexe. Cependant, deux minutes plus tard, pour une raison quelconque, la rivière Kibune est de nouveau devant elle. Non seulement Mikoto, mais aussi le commis, les serveuses, les chefs et les invités ont tous commencé à ressentir quelque chose d’étrange. Un saké qui ne chauffe pas, un bol de riz qui ne se vide jamais, une salle de bain qu’on ne peut quitter… Ils sont pris dans une boucle temporelle de 2 minutes.

Avec River (リバー、流れないでよ), Junta Yamaguchi propose son deuxième long métrage, encore une fois appuyé par ses collègues de Europe Kikaku. Deux ans après l’incroyable Beyond the infinite two minutes (ドロステのはてで僕ら), Yamaguchi frappe à nouveau à coup de deux minutes.

Comment tourner en rond sans tourner en rond

Alors que dans son premier film, Yamaguchi misait sur une boucle temporelle de 2 minutes vers le futur, dans River il mise plutôt sur une boucle temporelle qui répète le même deux minutes encore et encore. Le réalisateur et son complice Makoto Ueda à la scénarisation sont pratiquement en train de créer un nouveau genre de cinéma, celui de la boucle temporelle de 2 minutes. :lol :

Je parle de genre à part entière parce que les deux films ont beaucoup en commun. En plus de la boucle de 2 minutes, on pourrait parler de la caméra très mobile, principalement « à l’épaule », de l’action surréaliste ancrée dans une réalité très normale, ou encore de miser sur les performances de ses acteurs plutôt que sur une image très travaillée.

Maintenant, ce qui rend ce film si bon, c’est à quel point le scénario réussi à utiliser une séquence de 2 minutes, la refaire encore et encore, et rendre cela tout de même hautement intéressant. Tout le film se déroule en un seul lieu, dans une auberge sur le bord de la rivière Kibune. Et le film reprend la même séquence de 2 minutes pendant un peu plus d’une heure. Et pourtant, jamais on a l’impression que le film tourne en rond. Il faut dire que la folie est bien au rendez-vous. Bien que l’on ne rie pas à gorge déployée, on sourit du début à la fin et le style « comédie de situation » est exploité à merveille. Il faut dire que la chimie passe bien entre les acteurs qui se connaissent, pour la plupart, depuis longtemps.

Ajoutons à cela le paysage enchanteur de Kibune, la beauté du restaurant Fujiya, et le superbe temple Kifune où se déroule la scène finale. Le réalisateur mentionne d’ailleurs la collaboration exceptionnelle des gens du restaurant et de ceux du temple. Il n’est pas fréquent de tourner dans un temple…

Comédie dramatique

Je vais utiliser le terme « comédie dramatique » à défaut d’en avoir un meilleur en tête. Mais River ne suit pas réellement le schéma de la comédie dramatique telle qu’on la connaît. J’utilise ce terme simplement parce qu’au-delà du comique, il y a des moments plus dramatiques. Moments qui restent fondamentalement drôles malgré tout. Des moments comme un suicide ou un accident de la route qui… se répète encore et encore, évidemment.

Il faut souligner le talent des acteurs : Riko Fujitani dans le rôle de Nakai Mikoto qui travaille au restaurant Fujiya établi de longue date, Yuki Torigoe dans le rôle de Taku, un apprenti-chef (dont Mikoto est amoureuse), Manami Honjo, Saori et Yoshimasa Kondo. De plus, Munenori Nagano, Takashi Tsunoda, Yoshifumi Sakai, Masaru Suwa, Gota Ishida, Haruki Nakagawa, Kazunari Tosa et d’autres membres du projet européen apparaissent également. De plus, Shiori Kubo de Nogizaka46 fait une apparition en tant que personnage qui détient la clé de l’histoire.

C’est donc dans un humour typiquement japonais que tout ce beau monde performe. Riko Fujitani (藤谷理子) est particulièrement efficace grâce à un non verbal juste. Elle réussit à rendre crédible un personnage qui doit être drôle tout en étant sérieuse. Essayez d’avoir l’air crédible lorsque vous portez un kimono bien ajusté, qui ne vous laisse pas beaucoup de manœuvre au niveau des jambes, alors que vous essayez de vous sauver le plus rapidement possible.

Faire de l’absurde est toujours difficile. On a tendance à croire que la comédie c’est facile. Mais être crédible tout en étant drôle est tout un art. Encore plus lorsqu’on touche à l’absurde alors qu’on est situé dans un cadre très réaliste. Et dans ce cas-ci, un cadre très traditionnel.

Un peu plus…

C’est le groupe de rock, né à Kyoto, Quruli qui propose la chanson Smile de leur EP Ai no Taiyo comme chanson thème. Une chanson à l’ambiance chaleureuse mettant en vedette des instruments à vent qui donne une légèreté assumée au film.

Une comédie en boucle temporelle sans précédent est née dans cet endroit où on peut profiter de l’écart entre le digne silence hivernal de Kibune et les adultes désespérés de s’échapper de la nouvelle prison du temps que l’on appelle une boucle de deux minutes.

Croyez-moi, ce film vaut le détour. Personnellement, j’attends déjà, avec impatience, le prochain film de ce groupe de fous.

River (リバー、流れないでよ) est présenté à Fantasia, le 28 juillet 2023. Bande-annonce