Regard 2023 Sélection Traveling - Une

[Regard] 9 films de Traveling en compétition

On poursuit notre couverture du Festival Regard 2023, avec une sélection de films présentés par Traveling. 7 films qui ont d’ailleurs remporté quelques prix lors du gala Prends ça court!.

An avocado pit (Ary Zara) – Portugal – 19 minutes 

Larissa (Gaya de Medeiros), une femme trans et Cláudio (Ivo Canelas), un homme cis, se rencontrent un soir, dans les rues de Lisbonne. Deux personnes, deux réalités, qui dansent leurs différences jusqu’au petit matin. En défi, en surprise, en admiration et en reconnaissance. Une histoire stimulante, exempte de violence et remplie de lumière et d’espoir pour les jours meilleurs à venir.

An avocado pit

Le thème n’a rien de nouveau. Pourtant, An avocado pit (Um caroço de abacate) est extrêmement rafraîchissant. L’histoire de la femme trans qui est persécutée et qui vit l’enfer, on l’a vu. Je ne dis pas que ces films ne sont pas nécessaires. Mais de voir le film d’Ary Zara présentant une histoire positive, ça fait du bien. C’est une dose d’espoir dans une marée d’histoires tristes. 

Zara propose donc un film réaliste, mais positif. Larissa n’a pas une vie facile. Après tout, elle travaille en tant que prostituée. Mais sa rencontre avec cet homme changera peut-être sa vie pour le mieux. Et sa vie à lui aussi. 

Les dialogues sont bien écrits, les acteurs sont bons et l’image est belle et sombre. Um caroço de abacate permet au public de mieux comprendre certaines réalités, et de voir qu’un peu d’ouverture d’esprit ne fait de mal à personne. 

À mort le bikini (Justine Gauthier) – Québec – 16 minutes

Lili (Mia Garnier), jeune fille dégourdie de 10 ans, s’est toujours baignée torse nu. Lorsque ses parents lui imposent le haut de bikini pour une sortie aux glissades d’eau, elle se révolte : pourquoi cacherait-elle son torse plat alors que ses amis, tous des garçons, n’ont pas à le faire?

À mort le bikini 1

À mort le bikini a raflé plusieurs prix lors du dernier Gala Prend ça court!. J’étais donc vraiment curieux de voir ce film. J’ai toujours beaucoup d’appréhension envers ces films qui remportent plein de prix. Mais dans ce cas-ci, je dois dire que c’est totalement mérité. 

On parle souvent d’égalité hommes-femmes. Mais dès que vient le moment de parler du droit de ne pas couvrir son torse, il y a un blocage. Le film de Justine Gauthier est donc non seulement d’actualité, il est pertinent et nécessaire. Vous souvenez-vous de cette petite fille de 3 ans qui a été expulsée d’une piscine publique en 2014 parce qu’elle ne portait pas de haut de bikini? 3 ans… C’était vu comme obscène. 

On peut donc classer le film de Justine Gauthier comme étant une prise de position forte sur un enjeu qui doit être enfin traité sociétalement. La réalisatrice a aussi pris un grand risque avec ce film. En castant une jeune fille de 11 ans dans le rôle principal, elle risquait que son film se retrouve privé de visibilité. Soyons honnête, dans notre société très conservatrice lorsque vient la question de la nudité, montrer une fille de 11 ans, torse nu, est un grand risque. Le message derrière ça est peut-être que malgré qu’on dit que ce sont les seins qui posent problème (lorsqu’on les voit en public), ce serait là un grand mensonge. Si on cache aussi le torse des fillettes, on ne peut pas dire que c’est obscène de montrer ses seins en public. Ne serait-ce pas plutôt une sorte de répression envers les personnes de sexe féminin? La question se pose. 

Je tiens aussi à spécifier que dans ce film, il y a aussi une belle discussion entre les enfants et les parents afin de faire avancer le débat. Espérons maintenant que ce genre de film sera vu et qu’il fera progresser les choses. 

Virga (Jean-François Leblanc) – Québec – 24 minutes

Pascal (Justin Leyrolles-Bouchard) s’imagine le pire en lisant la publication de Jérémy (André Kasper), un ancien camarade de classe. Il alerte aussitôt la police, persuadé que Jérémy s’apprête à s’attaquer à d’ex-collègues de travail. Convaincu que la police n’agira pas, Pascal décide d’aller lui-même à la rencontre du jeune homme.

VIRGA

Le court métrage n’est pas un format qui permet facilement de créer de bon thriller. Mais Virga parvient, grâce à un scénario bien ficelé, à atteindre le difficile objectif de faire monter la tension chez le spectateur et de le surprendre. 

Avec une musique bien placée, et une trame narrative crédible, le film de Jean-François Leblanc nous amène dans la dangerosité des réseaux sociaux à cette époque où les menaces sont de plus en plus fréquentes et où on ne sait plus toujours faire la différence entre le vrai et le faux. 

Voici donc un film de genre bien fait, qui saura faire monter le rythme cardiaque!

Jusqu’à ce que tu meures (Florence Lafond) – Québec – 14 minutes

Au petit matin, Xavier (Anthony Therrien) rentre pour retrouver sa blonde Léa (Marine Johnson) dans leur lit. C’est la première fois qu’il découche depuis qu’ils ont décidé d’être en couple ouvert.

Jusqua ce que tu meures 1

Nous sommes loin de l’époque où on se mariait à 16 ans pour ne coucher qu’avec une même personne toute notre vie. Jusqu’à ce que tu meures traite de façon simple des enjeux que peuvent vivre les jeunes couples. Est-ce un symptôme de notre époque que le fait que les gens ont de plus en plus de difficulté à imaginer une vie à deux, seulement deux? 

Quoi qu’il en soit, avec de bons dialogues et une réalisation soignée, ce court métrage touche à ce point sensible que l’on retrouve souvent dans ces couples qui veulent être ouverts, ou qui veulent vivre la polygamie : qu’un des partenaires le fait souvent pour plaire à l’autre. 

Je parlais de simplicité, il y a quelques lignes de cela. En effet, pour Jusqu’à ce que tu meures se déroule dans un seul lieu qui représente 3 places différentes. Les 3 personnages qui composent l’histoire interagissent dans un lit. Il s’agit probablement du même lit, dans la même chambre, arrangée différemment en fonction des 3 moments différents dans le film. Ainsi, en utilisant un seul lieu et seulement 3 acteurs, la réalisatrice peut se concentrer sur ce qui compte vraiment : la direction des acteurs et la qualité du jeu de ceux-ci. Ils sont d’ailleurs excellents dans ces rôles pas si faciles. Un beau film qui montre encore une fois que parfois la simplicité est le meilleur ami du film de qualité.

Nu (Olivier Labonté Lemoyne) – Québec – 14 minutes

Un jeune couple de vingtenaires sans histoire trouvent un endroit intime où garer leur voiture et s’aimer loin des regards indiscrets. Du moins, c’est ce qu’ils croient… Au creux de la forêt, leur intimité sera le théâtre d’une déstabilisante rencontre entre la sensualité et l’horreur.

Nu

Avec Nu, Olivier Labonté Lemoyne propose un film à l’univers étrange comme on en voit peu au Québec. Avec ses deux acteurs principaux qui ont clairement embarqué à 100% dans son projet, il amène le spectateur aux confins d’un univers étrange et inquiétant. Un univers qui est tout de même plutôt excitant. 

Ce court métrage à un petit côté David Lynch vraiment réussi. L’image à la fois chaude et glaciale donne des sensations à ceux qui regardent. 

Oasis (Justine Martin) – Québec – 14 minutes

À l’aube de l’adolescence, les jumeaux Raphaël (Raphaël Cormier) et Rémi (Rémi Cormier) voient leur relation fraternelle s’effriter alors que l’un d’entre eux, atteint d’un handicap de plus en plus marqué, reste prisonnier de l’enfance. Lors d’un dernier été au cœur de la nature, le temps semble pourtant vouloir s’arrêter.

Oasis

Oasis est un bel exemple de ce qu’est un documentaire court. Avec celui-ci, Justine Martin offre un film touchant sur l’amour fraternel entre deux adolescents. 

On pourrait dire que ce film est divisé en 2 parties. La première partie suit simplement les deux garçons dans leurs activités, alors que la seconde place les deux frères en entrevues plus classiques. 

Les garçons interagissent à deux endroits : en pleine nature (dans ce qui pourrait être leur oasis) et au skate park. Ce qui ressort de ce beau film, c’est à quel point les deux garçons peuvent être proches malgré la grande différence qui les sépare. Rémi amène Raphaël avec lui alors qu’il est avec ses amis. La séquence avec les grenouilles, à la fin du film, est belle. On y voit toute la complicité qu’ils ont l’un pour l’autre. 

Puis, les entrevues permettent de confirmer cette proximité. C’est une belle touche que de donner la parole aux deux ados, séparément. J’ai l’impression que ce film arrive à un moment charnière dans la vie des jumeaux, juste avant que la vie les force à une certaine séparation. 

Nuit blonde (Gabrielle Demers) – Québec – 16 minutes

Victor (Patrick Dorneval) ne se plaît pas dans sa résidence pour adultes autistes. Pour éviter la disco du vendredi, il sort faire une marche dans le quartier puis il tombe sur un jeune prostitué (Dany Boudreault).

Nuit blonde 2

 Avec Nuit Blonde, Gabrielle Demers propose un film qui crée un gros malaise. Il n’y a pas beaucoup de fictions qui mettent en scène des adultes autistes. Non seulement c’est ce que fait la réalisatrice, ici, mais elle le met en scène en compagnie d’un jeune prostitué pas nécessairement honnête. Disons que le mélange est bien choisi pour créer une trame narrative qui dérange. 

Ce qui est moins clair dans le film, par contre, c’est l’objectif de la réalisatrice. Est-ce qu’elle dénonce un abus, ou si elle veut plutôt montrer que les personnes autistes ont des désirs comme tout le monde? Ce manque de clarté est quelque peu problématique. Personnellement, je reste avec un goût amer en bouche, comme si on me disait que l’abus (on pourrait aussi parler d’agression sexuelle) était acceptable puisque Jessy en viendra tout de même à donner du plaisir à Victor. Mais bon…

D’un point de vue technique, Nuit blonde est excellent. Les acteurs offrent de belles performances et la direction est juste. Le travail au niveau de l’image est simplement sublime. 

Il ne me reste qu’à digérer cette sensation étrange que le film m’a laissée…

La théorie Lauzon (Marie-Josée Saint-Pierre) – Québec – 15 minutes

Cette œuvre exploratoire sur Jean-Claude Lauzon, le mythique et prometteur mouton noir du cinéma québécois (Un zoo la nuit – 1987 et Léolo – 1992), nous entraîne dans le parcours psychanalytique et rocambolesque de la relation entre un père et son fils.

La-Théorie-Lauzon 1

Avec La théorie Lauzon, Marie-Josée Saint-Pierre rappelle à quel point Jean-Claude Lauzon a été important pour notre cinéma national. D’ailleurs, je dois admettre que mon film québécois (et même canadien) préféré, de tous les temps, est probablement Léolo

C’est donc un genre de documentaire d’art et essai que propose la réalisatrice pour dépeindre cet homme qui n’avait pas peur de dire tout haut ce que bien d’autres pensaient tout bas. 

Le choix visuel de La théorie Lauzon n’est pas anodin. Lauzon n’avait pas peur de sortir de la norme lorsqu’il créait. C’est exactement ce que fait, ici, Saint-Pierre. Elle mélange habilement des vidéos d’archives, des photos d’archives et des dessins pour raconter. 

Au final, le résultat est épatant, passionnant et informatif. D’ailleurs, quiconque s’intéresse au cinéma d’ici doit connaître Lauzon. Je suis convaincu que pour ceux qui ne le connaissent pas, ce documentaire leur donnera envie de découvrir ses films. Pour ceux qui le connaissent, c’est un plaisir certain que de regarder ce film.

Notes sur la mémoire et l’oubli (Amélie Hardy) – Québec – 8 minutes

Capturer, documenter, enregistrer, partager, recommencer. C’est ainsi que nous nous rendons plus inoubliables que jamais en archivant chaque parcelle de notre quotidien. Et si nous avions perdu quelque chose en cours de route?

Note sur la mémoire 1

Après le très réussi La vie heureuse, Amélie Hardy frappe un grand coup avec son nouveau court métrage. Avec une superbe narration signée Alexa-Jeanne Dubé, Hardy propose un essai sur la mémoire et l’oubli. 

Sur un ton qui oscille entre ironie et prise de position, ce documentaire d’essai questionne notre rapport à l’image et à la mémoire. Mais pas l’image du corps. Plutôt les images qui peuplent nos vies, nos souvenirs. On en parle depuis quelques années dans les milieux technologiques, mais le commun des mortels commence à peine à se questionner sur ce fait indéniable : les nouvelles générations voient leur image être publique alors qu’elles n’y ont pas consenti. 

Moi le premier, je mets parfois des images de mes enfants sur Facebook alors que ceux-ci n’ont pas encore conscience que cela existe. Mais je m’égare. Dans Notes sur la mémoire et l’oubli, Hardy amène la réflexion sur la valeur de la mémoire actuelle. Il fut un temps ou la mémoire de l’homme (et de la femme) était la chose qui permettait de survivre, de ne pas oublier les choses importantes. Mais de nos jours, il semble y avoir un revirement de situation alors que la valeur de l’oubli semble tranquillement devenir plus importante que la valeur de mémoire. 

En utilisant tant des images d’archives que des images tournées directement pour le film, la réalisatrice amène un grand constat et une possible prise de conscience chez le spectateur. Elle pose d’ailleurs une grande question que nous devrions tous nous poser : « À y réfléchir, peut-être tentons-nous de tout mettre en place pour que nous soyons littéralement inoubliables, à défaut de l’être vraiment. »

Notes sur la mémoire et l’oubli est un film puisant qui m’a littéralement soufflé. 

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