Top 5 Bruno 2022 - Une

Une année sans Godard — Le top 5 de l’année 2022 de Bruno

Le 1 janvier 2023

2022 a touché à sa fin. Comme à l’habitude, les festivals de cinéma ont déferlé et les récompenses ont été distribuées par centaines à travers le globe. Les regards se sont tournés vers les événements réguliers rythmant l’année cinématographique — Berlin, Cannes, Venise, les Oscars, les Écrans Canadiens, le TIFF… — quand les yeux n’étaient pas rivés sur l’actualité dramatique des nouvelles du monde d’une guerre en Ukraine qui s’enlise et qui s’est installée malheureusement dans notre quotidien. 

Le cinéma, cette usine à rêves, nous rappelle la chance que nous avons de le regarder sereinement dans notre salon ou dans une salle de spectacle : cette chance de s’évader de notre quotidien, de voyager dans le fameux « voyage immobile ». Godard s’est évadé lui aussi et fait partie désormais de l’histoire Panthéon du cinéma, lui qui était tant obnubilé par la pensée de l’histoire dont l’œuvre a autant impressionné que suscité moqueries, car incomprise (il faut (re)voir ses œuvres méconnues comme les Histoire(s) du cinéma en passant par Made in USA ou Weekend). S’évadant des sentiers battus de la narrativité, questionnant ou repoussant les limites du cinéma : pied de nez au cinéma hollywoodien et au cinéma de papa – ce cinéma académique dénué de pensée socialiste – Godard s’est de plus en plus mis en scène dans ses films (comme Jafar Panahi, mais pour une autre raison) à mesure où son œuvre s’affichait de plus en plus du côté des galeries d’art contemporain et de moins en moins du côté du cinéma. Lui qui annonçait la « mort du cinéma » au début des années 1980, son cinéma s’est de plus en plus désincarné vers quelque chose de nouveau et d’inconnu, matérialisant finalement ce qu’est le cinéma depuis ses balbutiements : le récit d’une transformation suivant les mouvements, les bouleversements et la folie humaine et artistique. Bref, une chose est sûre, on parlera encore longtemps de Godard dans les universités et les écoles de cinéma. C’est lui par exemple qui m’a donné l’amour du cinéma. Mais pas qu’à moi.

Évoquant Godard et l’obsession de la mort du cinéma, la tant redoutée pandémie de la COVID a fini par perturber les modes de consommation des spectateurs un peu partout dans le monde. Néanmoins, si les salles ont souvent eu du mal à se remplir en 2022, le cinéma n’est pas mort pour autant. Il est malmené, mais il résiste. Comme dans les films, le méchant n’est pas toujours celui que l’on croit et cette pandémie a en fait exacerbé quelque chose qui était dans les tendances ces dernières années : l’avènement des séries transportées par les mastodontes de streaming et les changements de consommation des images par les jeunes générations (TikTok avait détrôné en 2021 Google en tant que site le plus visité au monde). Cela étant dit, on ne le répétera jamais assez : ce sont sur les jeunes sur qui il faut miser pour leur faire aimer et comprendre le cinéma. Ce sont les futurs consommateurs de cinéma. C’est d’ailleurs l’une des recommandations que j’ai faite dans l’étude Lumière sur le cinéma de patrimoine canadien que j’ai réalisée et présentée au Festival international du film d’Ottawa en mars 2022 devant les représentants de Téléfilm, ONF, Fonds des médias du Canada et Patrimoine canadien. Pour accroître la connaissance du cinéma d’ici, d’hier et d’aujourd’hui, il faut certes un élan pour numériser les œuvres du passé, créer une impulsion pour les diffuser, mais surtout intéresser et éduquer les publics, en particulier les plus jeunes, avec des programmes de sensibilisation adaptés à l’école. Tant qu’il y aura des personnes pour aimer le cinéma et aller au cinéma, le cinéma continuera d’exister.

Loin de la mort du cinéma, les dollars sont entrés dans les caisses en 2022 lorsque l’on regarde le box-office de quelque titres venant des États-Unis qui ont engendré à eux seuls plusieurs milliards de recettes à l’échelle mondiale : Top gun: Maverick, le premier grand succès post-covid, Black Panther: Wakanda Forever et Doctor Strange in the Multiverse of Madness de Marvel studios (Disney), Jurassic World: le monde d’après et Avatar 2 qui en l’espace de 10 jours après sa sortie avait déjà accumulé 850 millions de dollars US! Ce top 5 n’est pas le mien, mais confirme que tant que des films porteurs sont fabriqués, le cinéma survit et continue à se faire une place au milieu des autres images animées que sont les séries ou les jeux vidéo.

Et les films indépendants dans tout cela? À Toronto, où j’habite, le festival TIFF et son programme à l’année m’ont permis de voir les films qui ont marqué les esprits en Europe, et également de voir des films canadiens d’aujourd’hui (notamment l’inclassable Viking de Stéphane Lafleur) et d’hier (l’immense Le Chant des sirènes dans une séance mémorable au TIFF Cinematheque en présence de sa réalisatrice Patricia Rozema et l’actrice Sheila McCarthy). Au printemps, le festival Hot Docs m’a donné l’occasion de découvrir la nouvelle vague des documentaires venant du monde entier. Je me souviens encore du bouleversant Angels of Sinjar de la Polonaise Hanna Polak, de l’hilarant Once upon a time in Uganda de l’Américaine Cathryne Czubek ou du terrifiant Zero Position du Canadien Louie Palu, tourné juste avant le début de la guerre en Ukraine. Vous pouvez lire mon article sur les meilleurs films de Hot Docs 2022 en suivant le lien ici.

Ces trois documentaires auraient pu faire partie de mon top 5, mais j’en ai choisi un seul parmi eux afin de laisser la place au cinéma de fiction avec des œuvres, soit empreintes de réalité sociale et de résilience, soit vouées au voyage et au plaisir du divertissement de grande qualité.

Et rappelez-vous, si vous cherchez à savoir où est disponible un film (sur quelle plateforme, dans quelle salle de cinéma), nous avons ici au Canada un formidable outil : Où voir.ca.

S’il y avait eu un top 6…

J’aurais ajouté le dernier film du Canadien Clement Virgo, Brother, qui a fait sa première au TIFF en septembre. Petit bijou cinématographique superbement mis en scène et interprété, Brother signe le grand retour de Clement Virgo sur le grand écran, après de longues années à produire et réaliser des séries aux États-Unis. Il suit les aventures de deux frères jamaïcains canadiens dont les rêves sont anéantis par les violences dans leur quartier malfamé et surtout par les bavures policières, dans les années 1990 à Scarborough en banlieue de Toronto. 

Francis (Aaron Pierre) et Michael (Lamar Johnson), les deux inséparables frères.

Récit émouvant sur plus de 10 ans, magnifiquement photographié, le film mélange brillamment les temporalités et brouille les pistes jusqu’à la découverte du lourd fardeau que porte l’un des frères. Brother est un de ces films qui célèbre avec grandeur l’amour fraternel entre deux frères, empreint de solidarité, de vénération et d’injustice sociale. Évoquant les affaires médiatiques des violences policières contre les populations noires aux États-Unis, Vigo signe un film puissant et courageux, en recentrant frontalement le sujet du racisme systémique au Canada, à deux pas de chez nous.

Sortie prévue en janvier 2023.

5– Licorice Pizza (Paul Thomas Anderson) – Comédie sentimentale – États-Unis

Sélectionné aux Oscars et aux Golden Globes 2022, le film n’est reparti sans aucune statuette, mais a obtenu le prix du meilleur scénario original au BAFTA à Londres. Le dernier opus du génial Paul Thomas Anderson (Boogie Nights, Magnolia, Punch-drunk love, There will be blood) est un film de pur plaisir, une balade dans les seventies superbement photographiée et interprétée. 

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Les talentueux Alana Haim et Cooper Hoffman.

Alana Kane et Gary Valentine font connaissance le jour de la photo de classe au lycée du garçon. Alana n’est plus lycéenne, mais tente de trouver sa voie tout en travaillant comme assistante du photographe. Gary, lui, a déjà une expérience d’acteur, ce qu’il s’empresse de dire à la jeune fille pour l’impressionner. Amusée et intriguée par son assurance hors normes, elle accepte de l’accompagner à New York pour une émission de télévision. Mais rien ne se passe comme prévu… 

Le réalisateur a trouvé en Alana Haim et Cooper Hoffman deux acteurs extraordinaires, d’une énergie folle, qui incarne une ode à la jeunesse, une plongée dans l’insouciance, dans le rêve, dans le romantisme, dans le désir, presque dans le marivaudage, dans une époque où les réseaux sociaux n’existaient pas encore. Ce côté vintage, sans être nostalgique pour autant, procure un plaisir intense d’autant plus que le film est maîtrisé de bout à bout dans sa mise en scène. Licorice Pizza est un de ces films qui se mange sans faim.

Disponible sur ces écrans.

4 – Angels of Sinjar (Hanna Polak) – Drame, Documentaire – Pologne, Allemagne

Après le génocide perpétré en 2014 par l’État islamique (Daech) au nord de l’Iraq dans la région de Sinjar à l’encontre de leur communauté yézidie, Hanifa et Saeed, survivants des assassinats, kidnappings et bombardements, trouvent sur leur chemin la caméra humaniste de la Polonaise Hanna Polak. 

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Saeed a vu presque toute sa famille décimée. La cinéaste a le génie de lui faire raconter son histoire dans le décor où la scène de massacre a eu lieu. Au milieu des décombres, dans sa ville natale de Kocho détruite et abandonnée, des années après, le passé terrifiant refait surface. Hanifa, elle, cherche ses sœurs kidnappées par Daech. Elle en a fait la promesse à son père sur son lit de mort et sacrifie sa vie à les localiser, avant qu’elles ne soient vendues ou éliminées. La réalisatrice parvient par miracle à s’insérer sur plusieurs années dans la vie de Hanifa et à capter des scènes absolument inouïes de retrouvailles inespérées. Assister sur le vif à ces moments intimes où une jeune femme sort de captivité, après avoir été violentée et violée, et retrouve sa famille est un moment unique de cinéma-vérité.

Hanna Polak enregistre le précieux récit des horreurs de la part des survivantes et signe un grand film sur la résilience, le courage, la persévérance et l’amour familial. C’est un film exemplaire, d’une émotion et dramaturgie impressionnantes, qui montre comment des êtres humains blessés parviennent à déplacer des montagnes et dépasser la barbarie de l’extrémisme religieux. Pour sauver leur honneur et leur famille.

3 – R.M.N. (Cristin Mungiu) – Drame – Roumanie

Première à Cannes en mai 2022, j’ai vu R.M.N en septembre au TIFF lors de sa première nord-américaine. Il a fait partie des films que j’ai préférés lors de l’édition et la présence de son auteur-réalisateur, Cristin Mungiu (Palme d’or en 2007 pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours), lors d’une séance de questions et réponses a constitué un temps de liberté d’expression remarquable à Toronto. 

« Film should not be politically correct. Political correctness can affect what we say, not how we think. We need to listen to what people have to say. »

Cristin Mungiu

Quelques jours avant Noël, Matthias est de retour dans son village natal, multiethnique, de Transylvanie, après avoir quitté son emploi en Allemagne. Il s’inquiète pour son fils, Rudi, qui grandit sans lui, pour son père, Otto, resté seul et il souhaite revoir Csilla, son ex-petite amie. Il tente de s’impliquer davantage dans l’éducation du garçon qui est resté trop longtemps à la charge de sa mère, Ana, et veut l’aider à surpasser ses angoisses irrationnelles. Quand l’usine que Csilla dirige décide de recruter des employés étrangers, la paix de la petite communauté est troublée, les angoisses gagnent aussi les adultes. Les frustrations, les conflits et les passions refont surface, brisant le semblant de paix dans la communauté. 

R-M-N
Mathias (Marin Grigore) et son fils.

Connaissant la maîtrise du cinéaste pour mettre en scène des histoires sociales portées par la résilience, Mungiu a réalisé un film coup-de-poing, analysant la xénophobie et le nationalisme qui grandissent dans ce territoire de Transylvanie lorsque des migrants arrivent pour y travailler. Construit entièrement en plans-séquences, le cinéaste revient avec un chef-d’œuvre en forme de parabole sur le phénomène de la mondialisation. Ce petit village où se déroule R.M.N., au milieu de nulle part, devient l’incarnation de ce qui se passe dans les pays européens où les vagues d’immigration créent de l’animosité et de la peur irrationnelle chez les habitants et mettent, tristement, au pouvoir de plus en plus de gouvernements d’extrême droite. 

Le cinéaste livre une histoire complexe et sensible, minée par la destruction, obsédée par le désir de (re)construction, avec d’un côté Matthias, prédateur et père maudit, rejeté à la fois par la mère de son fils puis par sa maitresse qu’il épie, et de l’autre de vrais villageois filmés dans une scène mémorable de tribunal public où certains prennent la parole pour chasser les travailleurs étrangers. À côté de cette histoire crue et hyper réaliste qui fait froid dans le dos, Mungiu infiltre délicatement de la poésie dans son œuvre en faisant de la forêt environnante un troisième personnage, à la fois enchantée ou désenchantée, lieu de tous les dangers ou de la fuite.

2 – Nope (Jordan Peele) – Science-fiction horrifique – États-Unis

À la mort de leur père, les héritiers d’une ferme d’élevage de chevaux tentent de sauver leur entreprise en filmant les ovnis qui semblent survoler la région.

J’ai longuement réfléchi à mettre ou non dans mon top 5, l’énigmatique et somptueux Nope de Jordan Peele, tant le film a déjà beaucoup fait parler de lui, tant des pages d’avis critiques ont déjà été écrites. Mais il faut le dire et le redire Nope est une œuvre incroyable et d’une profondeur inimaginable. Jordan Peele confirme son statut d’auteur de génie à qui on doit le film d’horreur Get out (2017) qui abordait avec une exquise perversion l’inextinguible rivalité raciale qui perdure aux États-Unis. 

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L’incroyable acteur Daniel Kaluuya dans Nope.

Nope suit le même chemin que Get out dans son traitement cinématographique en prenant des allures de satire politico-horrifique qui rappelle le cinéma de George Romero et de John Carpenter. Nous basculons en effet du grotesque décalé à l’étrangeté voire à l’horreur dans une histoire de cowboys dresseurs de chevaux et chasseurs d’ovnis vivant à côté d’un parc à divertissement kitch – magnifique critique de l’industrie du spectacle dont la séquence d’ouverture du film restera longtemps dans les mémoires. Jordan Peele signe probablement le meilleur film du sous-genre cinématographique, le space western, dans un clin d’œil à l’œuvre de Spielberg comme du cinéma de science-fiction de série B des années cinquante. Nope offre au spectateur des sensations de terreur hallucinantes, au cœur de la tempête, regardant mécaniquement le ciel et l’arrivée des ovnis.

Mais Nope est bien plus que cela. Plongée au cœur du cinéma et de la télévision, de leurs vestiges iconiques et de la fabrication des mythologies du spectacle, il est même question dans le film de pré-cinéma avec la célèbre série de photographies représentant un cheval en mouvement réalisée par Muybridge à la fin du 19e siècle qui parvient à recomposer le mouvement. La sœur (Keke Palmer) qui tente avec son frère (Daniel Kaluuya) de vendre avec plus ou moins de succès leur service de dressage de chevaux à un studio à Hollywood met en avant que leur arrière-arrière-arrière-grand-père était l’inconnu jockey sur les photographies. Nope revient tout simplement aux sources primitives du plaisir et de l’émerveillement cinématographiques.

Disponible sur ces écrans.

1 – Aucun ours (Jafar Panahi) – Drame – Iran

Chaque nouveau film du réalisateur iranien Jafar Panahi est comme un cadeau du ciel. Accusé de propagande contre le régime, interdit de filmer et de quitter le territoire iranien depuis 2010, tous ses films sont désormais réalisés dans la clandestinité (parmi eux, les géniaux Ceci n’est pas un film, 2011; Taxi Téhéran, 2015). Comme un écho prémonitoire aux révoltes actuelles des femmes d’Iran, Panahi est en détention depuis le mois de juillet 2022 tout comme son confrère réalisateur Mahammad Rasoulof (il faut voir l’incroyable plaidoyer de ce dernier contre la peine de mort, There is no evil, 2020), avec lequel il a co-signé une lettre dont voici un extrait :

« Nous sommes des cinéastes. Nous faisons partie du cinéma indépendant iranien. Pour nous, vivre c’est créer. Nous créons des œuvres qui ne sont pas des commandes, c’est pourquoi ceux qui sont au pouvoir nous voient comme des criminels. ».

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Jafar Panahi jouant son propre rôle dans Aucun ours.

Aucun ours a obtenu le Prix spécial du jury au Festival de Venise 2022 avant de s’envoler à Toronto où j’ai pu le voir lors de sa première nord-américaine. Panahi retrouve à nouveau son double pour filmer et contourner l’interdiction de filmer, après Taxi Teheran où il jouait un chauffeur de taxi. Dans Aucun ours, il joue son propre rôle, incarnant un cinéaste installé dans un village où il dirige à distance une équipe qui tourne un film à quelques kilomètres de là, de l’autre côté de la frontière iranienne, en Turquie. Avec l’aide de son assistant-réalisateur, qui lui rend visite tous les soirs pour lui remettre un disque dur avec les rushs du tournage, Panahi construit l’histoire d’un couple qui tente de se procurer de faux passeports afin de pouvoir fuir en France. Parallèlement, il se voit contraint de s’impliquer dans les affaires politiques et de mœurs du village dans lequel il séjourne. Un groupe d’anciens lui rend visite et lui demande de partager une photo qu’il aurait prise d’un jeune couple ayant une relation interdite. Panahi leur dit qu’il n’a pas pris une telle photo, mais les hommes du village refusent de le croire et commencent à le persécuter.

Métaphore époustouflante du régime en place qui veut museler ou chasser ses artistes concitoyens, Aucun ours est un affront courageux envoyé en pleine figure à la censure de son pays qui restera dans les annales de l’histoire du cinéma. Dans une autodérision tragicomique, le personnage de Panahi est constamment surveillé et dérangé par le groupe d’anciens qui l’oblige à justifier ses actes et expliquer son art, et de se soumettre à leurs règles archaïques pour prouver son innocence. Panahi prouve une nouvelle fois d’une main de maître qu’il ne sert à rien de faire taire les cinéastes. Car ils font encore de meilleurs films.

Disponible sur ces écrans.

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Le 1 janvier 2023

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