Kate Nash: Underestimate the girl — Éternelle lutte entre art et commerce

« As a woman you can’t even scream on an album. But, as a man, you can talk about raping bitches, and it’s fine. »
[En tant que femme, tu ne peux même pas hurler dans un album. Mais en tant qu’homme, tu peux parler de violer des pouffiasses, et c’est correct.]

Kate Nash - afficheDans Kate Nash: Underestimate the Girl, une artiste ayant eu un album platine, dissidente de la pop,  tourne le dos à l’industrie de la musique et apprend à survivre en tant que renégate punk, reine de la lutte à la télévision et leader d’un band exclusivement féminin. Cette odyssée rock, riche en énergie, et centrée sur les femmes révèle la ligne perfide que les artistes d’aujourd’hui doivent suivre pour survivre tout en créant de l’art selon leurs propres conditions, dans l’économie numérique moderne.

Avec Kate Nash: Underestimate the Girl, Amy Goldstein offre un documentaire sur la réinvention personnelle et la prise de pouvoir dans un système qui force les artistes à s’autodéterminer économiquement.

Kate

À 18 ans, Kate Nash a atteint la stratosphère de la musique pop (grâce à sa chaine MySpace), passant d’une famille ouvrière du nord de Londres à des tournées mondiales, un disque platine et quelques mois au sommet des palmarès de la musique. Elle devient la bande sonore de la vie de nombreuses jeunes femmes en abordant l’ordinaire de l’adolescence féminine que d’autres jugent trop mesquine ou insignifiante pour mériter l’enregistrement. Dès le début, elle n’a pas peur de dire ce qu’elle pense; lorsqu’on lui a demandé ce que c’était de gagner la meilleure artiste féminine aux BRIT Awards, Kate répond que « la femme n’est pas un genre musical ».

Kate Nash - Kate
Kate Nash

Quelques années plus tard, Kate s’effondre, presque sans abri. Escroquée par son gérant et abandonnée par une industrie qui ne peut pas lui trouver une place dans la machine pop-girl, Kate se propose de construire un monde meilleur, dédié à l’artiste en tant que créateur, et non à la marchandise, et utilisant, comme elle l’a toujours fait, le pouvoir édifiant de la culture en ligne et sa voix authentique. Elle poursuit une carrière d’actrice comme une autre forme d’expression artistique (et un moyen de gagner sa vie) et décroche un rôle dans la série télévisée Glow.

C’est à ces 12 années de la vie et carrière de la jeune femme que s’intéresse le documentaire de Goldstein. La réalisatrice utilise de bons procédés afin d’imbriquer les textes des chansons de Kate aux moments importants de sa vie. On peut, à plusieurs reprises, voir les paroles apparaitre sur les décors et les arrières plans, alors que la chanteuse est sur scène, ou dans la rue. Ce mélange crée un visuel qui garde le spectateur attentif comme on ne le fait pas souvent.

Les femmes et la lutte

Saviez-vous qu’aux États-Unis, 3 principaux labels contrôlent près de 78% des revenus de la musique enregistrée dans le commerce en 2017 (selon Music Business Worldwide)? Donc d’un point de vue financier, ce n’est pas une super idée que de les envoyer promener… Mais ça veut aussi dire que si vous n’avez pas envie de devenir ce que ces majors veulent, vous êtes un peu foutu.

C’est, au-delà de l’histoire de Kate Nash, l’autre thème dont traite Kate Nash: Underestimate the Girl : la place des femmes dans l’industrie musicale. 

Recently, there have been a number of iconic documentaries focused on the tragic fall of female music luminaries such as Amy Winehouse (Amy), Janis Joplin (Janis: Little girl blue), and Nina Simone (What happened, Miss Simone?). While these films have a rightful place in the documentary cannon, their focus on the destruction and tragic loss of great female artists leaves us with the message that to affect the world , you must self-destruct. I had a profound desire to make a film about a living artist who finds redemption rather than despair. [Récemment, il y a eu un certain nombre de documentaires emblématiques axés sur la chute tragique de sommités de la musique féminine telles qu’Amy Winehouse (Amy), Janis Joplin (Janis: Little girl blue) et Nina Simone (What happened, Miss Simone?). Bien que ces films aient une place légitime dans le canon documentaire, leur focus sur la destruction et la perte tragique de grandes artistes féminines nous laisse avec le message que pour faire sa place dans le monde, vous devez vous autodétruire. J’avais un désir profond de faire un film sur un artiste vivant qui trouve la rédemption plutôt que le désespoir.] 

Kate Nash - Les femmes et la lutte
Kate Nash en spectacle avec son band 100% filles

Nous suivons donc Kate de merveille de la pop, à riot girl (fille d’émeute) en passant par l’avatar des droits des femmes. Le tout à travers d’innombrables déménagements d’appartements en appartements. 

Il y a 10 ans, ce genre de film n’aurait pas été pertinent. Mais, comme beaucoup, beaucoup de gens croient que le succès est maintenant à la portée de n’importe qui — grâce aux réseaux sociaux — qu’il est important de montrer que oui, c’est possible de réussir grâce aux réseaux sociaux, mais qu’il y a aussi le côté sombre. Comme nous avons pu le voir à plusieurs reprises (Susan Boyle est un autre bel exemple), le syndrome d’Icare peut faire mal. Car oui, quand on monte trop haut, trop vite, on risque de se brûler les ailes…

Mais encore…

Nous sommes à un moment de l’histoire où l’authenticité cède souvent sa place aux étoiles préemballées qui dominent notre paysage culturel. Kate Nash: Underestimate the Girl est une célébration des artistes qui se soucient plus d’une beauté qui brise les cœurs, que d’un produit qui remplit les portefeuilles. 

Kate Nash - Mais encore

Le film reflète la vision de l’artiste sur la vie : rock’n’roll et intime. D’une part, elle est une guerrière, un poète sur scène commandant la foule, de l’autre une jeune femme, usée, loin de chez elle, survivant au jour le jour, inquiète que la musique qu’elle fait ne la soutienne pas financièrement.

Un très beau film qui se regarde et s’écoute merveilleusement bien.

Note : 8/10

Bande-annonce

Fiche technique :

Titre original : Kate Nash: Underestimate the girl
Durée : 89 minutes
Année : 2018
Pays : États-Unis
Réalisateur : Amy Goldstein

Le film est disponible sur le site de Level Film.

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