« What is youth?
A dream.
What is love?
The content of the dream »
Il existe une théorie selon laquelle nous devrions naître avec une petite quantité d’alcool dans le sang. Cette modeste ivresse nous ouvrirait l’esprit sur le monde qui nous entoure, ce qui diminuerait nos problèmes et accroîtrait notre créativité. Encouragés par cette théorie, Martin (Mads Mikkelsen) et trois de ses amis, tous des professeurs fatigués du secondaire, se lancent dans une expérience pour maintenir un niveau d’intoxication constant tout au long de la journée de travail. Si Churchill gagnait la Seconde Guerre mondiale dans un lourd étourdissement dû à l’alcool, qui sait ce que quelques gouttes pourraient faire pour eux et leurs étudiants?
Pour Alcootest (Druk), Thomas Vinterberg renoue avec Mads Mikkelsen. Cette fois-ci il nous offre un magnifique film sur l’effet de la routine, du temps et de l’alcool sur la vie.
Dans Alcootest, nous rencontrons quatre hommes bons, au moment où le plus jeune fête ses 40 ans. Nous les découvrons dans un monde que nous connaissons trop bien : un monde ennuyeux et médiocre, qui les voit enfermés dans la monotonie du quotidien et enracinés dans des schémas et des habitudes. La liberté de la jeunesse, les engouements et l’apesanteur sont progressivement devenus des souvenirs lointains. En même temps, ils voient la mort approcher – ils ont dépassé la moitié de leur espérance de vie – et cherchent à retrouver ces sensations. C’est ce qui les amènera à conduire une expérience impliquant une consommation systématique d’alcool.
Martin est probablement celui qui souffre le plus. Il enseigne sans aucune passion, au point que ce sont ses élèves qui doivent le réveiller en portant plainte. Son mariage est une succession de journées sans conversations ni contacts avec sa femme et ses ados. Il est, au final, la représentation triste, et juste, de beaucoup d’entre nous. Coincé dans une vie qui va trop vite et qui prend les décisions pour lui, il est pris quelque part entre ses rêves de jeunesse et la lourde réalité. Quant à ses 3 amis et collègues, leur vie est différente, mais pas vraiment plus excitante : un jeune papa de 3 enfants, épuisé par le manque de sommeil et le manque de temps libre, et deux célibataires qui n’ont rien d’autre que leur travail.
Alors que le titre laisse présager que le nœud de l’histoire est l’alcool, on comprend éventuellement que c’est le passage du temps et de la vie qui est le véritable thème de ce film.
Avec ce long métrage, le réalisateur examine et salue la capacité de l’alcool à libérer les gens. On pourrait le voir comme une sorte d’hommage à la vie. Vinterberg l’explique ainsi :
« The movie assumes a humoristic and – in some eyes – scandalous approach to a serious topic. Another Round is intended to be a multi-faceted story that at the same time provokes and entertains, makes us think, cry and laugh within the length of the movie. And hopefully leaves food for thought and debate for an audience who lives in a world which, to an increasing degree, is defined by puritanical rhetoric outwardly, but has a rather high alcohol intake even from a relatively young age. » [Le film propose une approche humoristique et – à certains égards – scandaleuse d’un sujet sérieux. Alcootest se veut une histoire aux multiples facettes qui à la fois provoque et divertit, nous fait réfléchir, pleurer, rire. Et, espérons-le, laisse matière à réflexion et débat à un public qui vit dans un monde de plus en plus défini en apparence par une rhétorique puritaine, mais qui a une consommation d’alcool assez élevée, même à partir d’un âge relativement jeune.]
J’imagine que la morale de toute cette histoire reste que la modération a bien meilleur goût. 😉
Étonnamment, les premiers résultats de l’expérimentation des quatre comparses sont positifs et le petit projet des enseignants se transforme en une véritable étude académique. Leurs cours et leurs résultats continuent de s’améliorer et le groupe se sent à nouveau vivant. Mais, à mesure que les limites sont repoussées, les résultats commencent à diverger. Certains des participants voient une amélioration supplémentaire et d’autres déraillent. Il devient de plus en plus clair que, si l’alcool peut avoir alimenté de grands résultats dans l’histoire du monde, certains actes audacieux ont des conséquences.
Alcootest est vraiment bien fait. Ce résultat négatif, plutôt prévisible en soi, nous apparaît comme une surprise. On se laisse rapidement convaincre, par les premiers résultats de ce qui est au départ un jeu, que l’alcool a, au final, beaucoup plus de bonnes propriétés qu’on ne l’imagine. Après tout, le film s’inspire des théories (réelles) du psychologue norvégien Finn Skårderud selon lesquelles l’homme naît avec un déficit d’alcoolémie de 0,05.
« I never drink before breakfast. » Cette citation est de Churchill. Cet homme, qui est considéré comme un grand homme, était un alcoolique notoire. Et pourtant, il a fait de grandes choses. Et donc, la question se pose : l’alcool a-t-elle plus d’effets positifs que négatifs sur l’être humain? Ok. Probablement pas.
Bien entendu, le film de Vinterberg ne répondra pas à cette question de façon claire. Mais on peut tout de même supposer que, bien que les effets négatifs soient bien réels, ce liquide offre aussi des moments de lucidité.
Quant à moi, Alcootest (Druk) m’aura – et me fait encore – réfléchir sur la vie. Et c’est là sa grande qualité.
Note : 9/10
Bande-annonce
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