Lumière! L’aventure commence – Action!

« 17 mètres de pellicule, 35mm de large, 50 secondes d’une éternité qui dure encore. »

Lumière aventure commence - afficheEn 1895, les frères Lumière inventent le Cinématographe et tournent parmi les tous premiers films de l’histoire du cinéma. Mise en scène, travelling, trucage ou remake, ils inventent aussi l’art de filmer. Chefs-d’œuvre mondialement célèbres ou pépites méconnues, une centaine de films restaurés composent ce retour aux origines du cinéma. Ces images inoubliables sont un regard unique sur la France et le Monde qui s’ouvrent au 20e siècle. Lumière, l’aventure du cinéma commence !

En réalisant Lumière! L’aventure commence, Thierry Frémaux réalise un coup de maître. Il parvient à nous faire voir plus de 100 films en un seul long métrage, et à démontrer tout le génie des frères Lumière.

Petite leçon d’histoire

LUMIERE! - Petite leçon dhistoire
L’arrivée des inventeurs pour la présentation du cinématographe

En septembre 1894, Antoine Lumière assiste, à Paris, à une démonstration du kinétoscope de Thomas Edison. Penché sur cette machine qui projetait des images animées tournées en studio, il est vivement impressionné, mais devine d’emblée qu’il est possible de faire mieux : les kinétoscopes en batterie ne proposent qu’à un spectateur unique des images, petites et peu lumineuses, de photographies animées. « Il faut faire sortir l’image de la boîte, dit-il. Je rentre à Lyon : mes fils trouveront ! ».

A l’automne 1894, les recherches débutent dans l’usine de Monplaisir. Auguste, l’aîné, en confie la responsabilité à son frère Louis, lequel, en décembre 1894, invente un système de défilement de la pellicule et d’arrêt sur l’image qui, grâce à la persistance rétinienne, donne l’illusion parfaite du mouvement.

Le 19 mars 1895, après quelques essais, Louis pose son cinématographe en face de l’usine familiale et tourne La Sortie des usines Lumière. Aucun document, aucune archive ne subsistent pour en donner le détail ni même la date exacte. Par contre, les historiens sont certains que cela eut lieu entre le 15 et le 20 mars. Or, le 19 est le seul jour de beau temps : pour tourner une vue, il fallait de la lumière.

Le 19 mars, un mardi. Vers midi, à l’heure où les ouvrières et les ouvriers sortent pour aller déjeuner, la caméra tourne dans le chemin Saint-Victor de Lyon, qui deviendra, en 1924, la rue du Premier-Film.

Le 22 mars 1895, à Paris, Louis et Auguste projettent La Sortie des usines Lumière devant leurs collègues scientifiques au moyen de la caméra prototype construite à Monplaisir par le contremaître Charles Moisson. Succès immédiat. Puis, au printemps et à l’été 1895, Louis tourne de nombreux films, à Lyon et dans le Sud de la France.

Un an après la sollicitation paternelle, le cinématographe fonctionne. Louis et Auguste Lumière pressentent que leur cinéma peut répondre à l’attente d’un large public.

La première projection publique payante a donc lieu à Paris, le 28 décembre 1895. L’idée est venue du père. En effet, une année après sa visite au Kinétoscope Edison, le père a réalisé qu’il pouvait lancer le spectacle en salle, avec une image grandeur nature, devant public.

À la fin de ce « spectacle », Georges Méliès déclare ceci : « À ce spectacle, nous restâmes tous bouche bée, frappés de stupeur, surpris au-delà de toute expression. À la fin de la représentation, c’était du délire, et chacun se demandait comment on avait pu obtenir pareil résultat. »

Au total, près de 1500 films figurent au catalogue Lumière, la plupart méconnus, jetant un formidable regard sur le théâtre de la vie. Louis Lumière et leurs opérateurs inventent : le travelling, le trucage, le gag, le film familial, le film d’épouvante, le film d’entreprise publicitaire, le film comique, le film d’actualité, le documentaire, et même, en produisant des versions multiples de plusieurs sujets : le remake.

Le montage

« L’origine de Lumière!, c’est le désir que les films réalisés avec un cinématographe retrouvent les salles de projection et le public. »

LUMIERE! - Le montageLe projet et l’idée du réalisateur étaient simples et nobles. Mais comment rendre ce contenu intéressant pour le cinéphile moyen? Après tout, n’importe qui peut avoir accès à certains films des frères Lumière. Il suffit de chercher 2 minutes sur Internet. Il fallait donc une manière de réunir ces quelques 105 films choisi de façon à créer une œuvre pertinente.

« Avec des films Lumière nous avons donc fait un film Lumière! Et pour accompagner le spectateur d’aujourd’hui dans cette découverte, nous avons procédé à un classement thématique… » Le premier défi – réussi à merveille – était donc de choisir les films en procédant par importance et par préférence. Puis, le long métrage a été découpé par thèmes – qui sont d’ailleurs simplement affichés à l’écran en blanc sur fond noir – et les vues y ont été insérées de façon à raconter une histoire. Quels sont ces thèmes?  La France qui travaille, La France qui s’amuse, Enfances, etc…

Puis, afin de briser le double cliché selon lequel les Lumière tournaient sans vraiment savoir ce qu’ils faisaient et que leur cinéma s’oppose à celui, fictif, de Méliès, le réalisateur a ajouté des fictions au corpus déjà vaste de documentaires, dont la plus célèbre est certainement L’arroseur arrosé. « Lumière a fait du cinéma comme Bresson, Kiarostami ou même Kéchiche. Et, sur chaque film, lui et ses opérateurs se posent les mêmes questions qu’un cinéaste d’aujourd’hui : je mets la caméra où ? Je filme quoi ? Et comment ? »

Pour compléter ce superbe montage, Frémaux a écrit une narration afin de rendre ce montage plus pertinent.

La narration

Dans Lumière! L’aventure commence, le scénariste et réalisateur a inséré des commentaires sur le cinéma, mais aussi des commentaires sur l’époque. C’est donc un double voyage qu’il nous offre.

Les commentaires de Frémaux ont une triple qualité : ils informent d’un point de vue historique; ils mettent en lumière (jeu de mot trop facile pour passer à côté) la mise en scène afin de maximiser la compréhension que peut en avoir le spectateur; et il rend hommage au plaisir d’être un spectateur de salle de cinéma.

Bien sûr, l’analyse qu’il fait de l’histoire et de la création des films reste sujette à discussion. Comme les Lumière ne documentaient pas leurs tournages ou leur processus créatif, on ne peut savoir ce qu’il en est avec certitude. Mais les théories qu’il offre sont crédibles et passionnantes, comme lorsqu’il analyse le film Partie d’écartés

Lumière aventure commence - La narration
Les joueurs de cartes. et Partie d’écartés

« En 1892, Cézanne exécuta Les joueurs de cartes. Quatre ans plus tard, Lumière réalise cette Partie d’écartés dans une composition identique. Un film de témoignage puisque nous voyons à gauche Antoine Lumière, père de Louis et Auguste, qui joue aux cartes avec Alphonse Winckler, le père des deux filles Winckler qui ont épousé les deux fils Lumière. À droite, c’est Félicien Trewey, un ami de la famille, qui introduisit le cinématographe en Angleterre. Dans le film, il y a clairement de la mise en scène. Pour s’en convaincre, regardez le serveur à qui on a demandé de jouer. D’ailleurs il ne joue pas, il surjoue. »

Mais encore…

LUMIERE! - Mais encoreQue l’on soit un fin connaisseur de l’histoire du cinéma, ou un simple cinéphile du dimanche, on peut trouver son compte dans Lumière! L’aventure commence. Parce que quand on aime le cinéma, c’est magique de découvrir ces premiers films. Et qui peut se vanter d’avoir vu les presque 1500 films que les Lumières ont produits? Je dis « produits », car on ne réalise pas que,  en fait, il n’y a qu’un des deux frères qui réalisait les films (sauf 1 film réalisé par Auguste) et il y en a une multitude qui ont été réalisés par des opérateurs, choisis par les Lumière, dont on peut d’ailleurs reconnaître le style et qui sont nommés au générique : Gabriel Veyre, Alexandre Promio, Constant Girel, Félix Mesguich, Marius Sestier, Francesco Felicetti et Charles Moisson. Veyre a sans doute signé les plus beaux films, notamment au Vietnam et au Mexique.

D’ailleurs, les Lumière ont envoyé des hommes prendre des images un peu partout sur la planète. Et on voit certains de ces films, dont le magnifique film dans lequel on voit une petite Vietnamienne courir dans une rue. 

Après le 28 décembre 1895, des salles s’ouvrent un peu partout : à Paris, à Lyon, dans d’autres villes de France et bientôt dans toute l’Europe. Des opérateurs Lumière essaiment la planète en quête d’images permettant d’alimenter les salles et d’offrir aux curieux un sensationnel toujours renouvelé. Neuf mois après la séance inaugurale de décembre 1895, on trouve la trace en août 1896 d’une projection dans le port de Shanghai. 

La course pour la découverte du cinéma était principalement une lutte à deux chevaux : Les frères Lumière et Thomas Edison. Et la « victoire » des Lumière c’est aussi la victoire du groupe versus l’individuel : le cinématographe collectif l’emporte sur le kinétoscope individuel parce que les spectateurs voulaient voir « ensemble un film sur grand écran » pour partager le rire, les larmes et leur regard sur le monde.

Au final, Lumière! L’aventure commence démontre que le cinéma a été créé pour réunir les gens. Et c’est encore ce qu’il fait plus de 120 ans plus tard.

Note : 8.5/10

Bande-annonce

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