« Ça a toujours été clair que j’allais prendre ma retraite dans le bois… […] Pis que c’te vie-là, j’allais la vivre à mon goût »
Trois vieux ermites vivent reclus dans le bois. Alors que des incendies de forêt menacent la région, leur quotidien sera bousculé par la mort de leur doyen, Boychuck, et l’arrivée d’une octogénaire (Andrée Lachapelle) qui a été injustement internée toute sa vie. Une photographe (Ève Landry) mandatée pour interviewer les témoins des feux les plus meurtriers de l’époque, trouve leur repaire. Les deux femmes feront l’étonnante découverte de centaines de tableaux de Boychuck, qui racontent son passé tragique lors de ces feux.
Le troisième long métrage de Louise Archambault, Il pleuvait des oiseaux, une adaptation du roman éponyme de Jocelyne Saucier, montre le vieil âge avec une grâce peu commune.
Pas de doute, ce récit de Jocelyne Saucier est l’occasion de dépeindre la vieillesse sous toutes ses coutures. Les trois personnages principaux ont plus de 60 ans. Ils sont montrés dans des moments de faiblesse, de vulnérabilité. On assiste à leurs réflexions sur leur passé, sur la mort et sur leurs préoccupations pour le temps qu’il leur reste. C’est un thème plutôt rare au grand écran, un thème qui semble se délester lentement de ses tabous; pensons notamment au documentaire de Fernand Dansereau sorti en avril dernier Le vieil âge et l’espérance.
Ce focus sur cette génération donne lieu à une magnifique scène d’amour, de tendresse, mais aussi de sexe, traitée avec une délicatesse infinie. Il faut mentionner l’interprétation incroyable des acteurs, particulièrement Andrée Lachapelle et Gilbert Sicotte, qui permettent aux émotions de transpercer l’écran. Résultat: un film très touchant, malgré certains aspects un peu convenus, ou qui semblent tirés trop directement d’un scénario de film.
Néanmoins, non seulement Il pleuvait des oiseaux nous fait entrer dans l’univers de ces octogénaires, mais il fait également un beau pont entre les générations. On le voit par la relation qui s’établit entre le neveu et sa tante, mais aussi par la rencontre intergénérationnelle qui est réalisée grâce à l’art : le regard photographique d’une trentenaire sur un passé qui ne lui appartient pas, mis en parallèle avec l’expression en peinture de la douleur d’un survivant de la tragédie. L’art fédère ici, peu importe les générations.
À travers la trame narrative se faufile effectivement un thème discret quoique fondamental : l’importance de l’expression artistique pour la vie humaine. Combien de fois entend-on venant de nos décideurs que la culture est une dépense et pas un investissement? Et, ici, on est placé devant des personnages, reclus dans la forêt, qui ne comblent que minimalement leurs besoins vitaux et qui, pourtant, accordent énormément de temps, d’argent et d’importance aux arts. L’un est musicien, l’autre peint avec les meilleurs pinceaux et les meilleurs pots de peinture… sans oublier les toiles de lin. Quel bel hymne à l’art.
L’utilisation de la musique dans le film, une réussite de Louise Archambault, participe d’ailleurs à cet éloge. Elle est à la fois centrale au film, via le personnage de Rémy Girard, un ancien musicien devenu ermite, mais qui garde toujours sa guitare près de lui, et à la fois plutôt discrète. La musique originale, composée et interprétée par le groupe Will Driving West, n’est intégrée que ponctuellement, mais très justement à ce long métrage. Archambault montre dans son approche de la musique et de la photographie son amour pour les arts en général. Pas étonnant que cette « rédemption » par l’art que vivent les personnages, comme la nomme la réalisatrice elle-même, l’ait particulièrement touchée dans le roman de Saucier.
Malheureusement, cette thématique, également si chère à mes yeux, participe aussi aux clichés que l’on retrouve dans le film. Un vieil ermite dont le talent et les toiles sont dissimulés dans le fond des bois depuis de longues années, évidemment… Cela dit, mention spéciale à Marc Séguin et Mathieu Laverdière, qui ont respectivement peint les toiles et capté les clichés qui ont été utilisés pour le film.
Mais le cliché de l’artiste ignoré est vite oublié, laissant place à un thème autrement plus central. Ce thème, comme le souligne la réalisatrice, c’est l’amour. C’est malheureusement aussi l’amour qui semble traitée de manière un peu convenue dans cette histoire. On sait depuis le début lesquels des personnages tomberont en amour. Tout semble adonner un peu trop parfaitement comme dans un conte de fées.
Néanmoins, c’est aussi ce qui fait finalement la beauté de ce film. « Avec Il pleuvait des oiseaux, je souhaite faire un film qui donne envie de profiter de la vie, et d’aimer, simplement, sans jugement », ajoute Louise Archambault. Et, ça, c’est parfaitement réussi. J’avais peur de ne pas m’identifier aux personnages étant donné mon âge, mais je ne pouvais m’empêcher de rêver en voyant ces octogénaires vivre leur amour à l’écran. Rêver d’aimer encore aussi fort à 80 ans.
Voilà l’état d’esprit que génère Il pleuvait des oiseaux.
Note: 7/10
Il pleuvait des oiseaux est présenté en première mondiale au Festival International du Film de Toronto (TIFF) le 7 septembre et ouvre le Festival de Cinéma de la Ville de Québec le 12 septembre. Il prendra finalement l’affiche le 13 septembre partout au Québec.
Visionnez la bande-annonce :
© 2023 Le petit septième
Bien hâte de voir l’adaptation du roman si prisé de Jocelyne Saucier!
Merci d’avoir souligné le travail des artistes qui ont réalisé les oeuvres peintes et les photographies pour ce film; je n’avais pas connaissance de leur contribution.
Merci du commentaire Camille ! 😀
C’était très important pour moi de le souligner, ça contribue à la réussite du film et leur travail est génial 🙂