Amina Arraf, jolie révolutionnaire américano-syrienne, entame une relation érotique en ligne avec Sandra Bagaria, jeune professionnelle montréalaise, avant d’initier un blog au nom provocateur de « A Gay Girl in Damascus » (Une fille gaie à Damas). Alors que la révolution syrienne se met en place, le succès du blog est fulgurant. Mais c’est le kidnapping d’Amina qui déclenche une mobilisation internationale pour la faire libérer. Tel un polar impliquant les services secrets et les grands médias du monde, le film nous conduit de San Francisco à Istanbul, de Washington à Tel Aviv, en passant par Beyrouth, à la rencontre des personnes qui ont joué un rôle clé dans cette histoire technologiquement unique à notre époque, celle des relations et de l’information virtuelles.
Le profil Amina, scénarisé et réalisé par Sophie Deraspe, est sorti en 2015. Je ne l’avais pas vu au moment de sa sortie, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. Et je dois dire que c’est l’un des bons films que j’ai vu dernièrement.
Les mensonges entourant le blog « A Gay Girl in Damascus » ont fait grand bruit partout sur la planète. Tout le monde s’est fait prendre au jeu. Et certains en ont souffert plus que d’autres, j’entends ici personnellement. C’est le cas de Sandra Bagaria.
C’est à travers le récit de cette jeune femme que le film raconte le scandale Amina. Et c’est certainement dans cette option que plusieurs plans d’Amina, au visage toujours flou, amène beaucoup de sensualité à l’ensemble, ramène le film vers Sandra Bagaria, qui lutte pour aider celle qu’elle aime à s’en sortir, qui met tout en œuvre pour la sauver. Jusqu’à ce que « le monde » commence à douter de l’existence même d’Amina.
Et si Amina n’était qu’un leurre? Amina et Sandra ont pourtant échangé des milliers de messages et des centaines de courriels pendant 6 mois. Comment cela pourrait-il être possible?
En parallèle de la révolution syrienne, on suit l’évolution et les revers de la relation intime qui unit Amina et Sandra.
Sophie Desraspe a généreusement accepté de répondre aux questions de l’équipe du Petit Septième. Nous étions intrigués de savoir ce qui l’avait mené à faire un tel film. Et nous nous demandions comment elle était parvenue à mettre en images ce scandale, à rencontrer ceux qui y ont joué un rôle.
Le Petit Septième : Cette histoire a fait grand bruit, tant ici qu’à l’international. Vous ne deviez pas être la seule à vous y intéresser, à vouloir en montrer les dessous. Comment en êtes-vous venue à faire ce film? Connaissiez-vous déjà Sandra Bagaria?
Sophie Deraspe : Oui, je connaissais personnellement Sandra, ce qui me donnait un accès privilégié à cette histoire. Là réside souvent la force d’un documentaire : l’accès qu’a la réalisation avec son sujet. Comme j’étais très à l’affut de ce qui s’écrivait ou se tournait autour de ce scandale, je sais que d’autres ont essayé, mais ça demeurait assez tiède puisque tout le monde marchait sur des œufs, n’osant pas nommer les vrais noms ou n’ayant pas trouver la forme appropriée pour parler d’une grande fiction qui se déploie dans le réel.
LPS : Sandra Bagaria est au centre de votre film. C’est elle qui rencontre les différents intervenants à travers le monde, qui les interroge. Les gens avouent, tour à tour, s’être fait berner. Leur confiance a-t-elle été difficile à obtenir? Était-ce plus facile pour eux, selon vous, d’être interviewés par Sandra Bagaria que par Sophie Deraspe?
SD : Tout à fait, de là mon envie de faire le film avec Sandra. Elle m’a d’abord proposé son histoire. Puis c’est en y réfléchissant que j’en suis arrivée à l’inviter à parcourir le monde pour rencontrer les personnes clefs, avec lesquelles elle avait, dans plusieurs cas, déjà eu des échanges via les réseaux sociaux. Sandra a immédiatement dit oui! Toutes ces personnes avaient un réel besoin de faire de vraies rencontres, en chair et en os! Ceci dit, plusieurs des questions sont les miennes. Une fois sur place, j’ai eu moi aussi un rapport avec eux. Mais j’ai persisté dans cette mise en place où c’est à Sandra que tous répondent. Je crois que ça sert le film, en servant sa quête à elle. Je ne crois pas que j’aurais eu la même réponse, la même intimité avec les personnes rencontrées partout dans le monde, si je n’avais pas eu Sandra à mes côtés. Elle me faisait confiance, elle m’avait confié son histoire et elle souhaitait aller au bout de l’affaire en faisant ce film. Tous ceux et celles que nous avons interviewés étaient curieux de la rencontrer… même curieux de savoir si elle existait vraiment!
Merci à Sophie Deraspe d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et de nous avoir ainsi donné un aperçu du travail de préparation et de planification nécessaire à une telle réalisation.
Même si ce documentaire a maintenant 2 ans, il n’en est pas moins d’actualité. Nous vivons à une époque où les médias, les médias sociaux, la technologie en général, rythment la vie d’un grand nombre d’entre nous.
Et force est de constater qu’il y a une grande quantité de fausses nouvelles qui circulent sur les médias sociaux et qui sont constamment relayées parce que plusieurs personnes ne prennent pas le temps de lire les articles en entier ou de réfléchir à ce qu’ils viennent de lire. On commente, on partage l’information, sans réfléchir aux conséquences.
Dans le cas d’Amina, tout était parfaitement orchestré et réfléchi. Il n’en reste pas moins qu’en creusant davantage, il a été possible de découvrir la supercherie. Le film de Sophie Deraspe nous force à réfléchir à la place et à l’impact de la technologie dans nos vies.
Le profil Amina est disponible en location via la plateforme F3M sur demande.
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