Tout ce que tu possèdes ‒ L’importance du lien

Tout ce que tu possèdes - afficheUn film se bâtit sur le silence, une image se compose sur du vide.

Un film doit concentrer l’attention.

Bernard Émond

 

Le dernier film du scénariste et réalisateur Bernard Émond, Tout ce que tu possèdes (2012), est maintenant disponible en DVD. Pierre Leduc (Patrick Drolet) est doctorant et chargé de cours en littérature à l’université. Du jour au lendemain, il quitte son emploi pour se consacrer à la traduction des poèmes du Polonais Edward Stachura. Peu après sa démission, il fera la rencontre de sa fille de 13 ans, Adèle (Willia Fernand-Tanguay). Cette nouvelle relation lui permettra de porter un autre regard sur sa propre famille et sa volonté de se lier à autrui.

Ce film est en fait le récit d’un être vide, d’un être qui cherche à créer le moins d’attaches possible, jusqu’à la négation de sa paternité. Pierre est un antihéros; il n’est à priori pas attachant, plutôt dépressif… Mais on suit son cheminement, on avance tranquillement avec lui. Ce qui ressort du film c’est que la vie est une question de choix et que ceux-ci vont influencer le reste de notre vie. Dans une entrevue accordée à Michel Coulombe pour Ciné-Bulles à l’été 2012, Émond expliquait son choix de tourner dans la ville de Québec; les montées et descentes émotionnelles du personnage principal sont à l’image des nombreuses côtes de la capitale.

Un des aspects particulièrement intéressants du long métrage réside dans l’incursion de la poésie d’Edward Stachura. La narration des poèmes, en polonais et en français, ainsi que leur saisi sur un écran d’ordinateur, qui prend alors tout le cadre, apportent beaucoup en substance au film. Le personnage de Pierre fera la lecture à sa fille du poème « Tout ce que tu possèdes… », qui donne son titre au film. Les vers posent la question de la possession des biens et témoignent aussi de la fragilité des liens humains. L’idée de possession est illusoire et seul le bonheur importe : « Mais tu n’as pas besoin de posséder le bonheur/Parce qu’on est le bonheur ». Après avoir quitté son emploi, Pierre se départira d’ailleurs de la plupart des livres de sa bibliothèque et avertit son père qu’il ne veut pas de sa succession, et ce, bien qu’il s’agisse de près de 50 millions de dollars. Le réalisateur aborde ainsi certaines valeurs telles que le refus de l’argent et le rapport à la transmission.

Un autre point intéressant : tout n’est pas facile. Quand Pierre commence à côtoyer sa fille, il éprouve certaines difficultés de communication, ce qui est assez réaliste. Malgré les épreuves, cette rencontre lui redonne goût à la vie, se rattachant à la possibilité d’une relation plus saine et riche de sens.

Les films de Bernard Émond suscitent la réflexion par une attention aux détails : « S’ils [les spectateurs] prennent plaisir à regarder le visage des comédiens, peut-être prendront-ils le temps de regarder celui des gens qu’ils aiment. L’attention au monde est centrale dans mon cinéma », déclarait-il à l’été 2012. Tout ce que tu possèdes témoigne de notre société, où les solidarités sociales s’effritent, à l’exception peut-être du « printemps érable »…

Note : 8,5/10

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