« Deux guerriers étaient tombés et moi j’étais toujours debout,
une déesse à mes côtés. »
Quand on est jeune, on a parfois l’impression d’avoir tout le monde à dos. C’est le cas de Steeve Simard (Lévi Doré), 16 ans, qui entame sa dernière année à la polyvalente Gaston-Miron de St-Lambert. Intellectuel misanthrope au sens critique très aiguisé, il peine à établir des liens avec ses parents et les autres élèves. Il n’a qu’un seul ami : Virgile (Jonathan St-Armand). Pour tromper sa solitude et meubler son imaginaire, il se réfugie dans la lecture et la musique. Mais un incident avec la grosse brute de l’équipe de football des Spartiates forcera Steeve à sortir de sa tête.
La chute de Sparte, de Tristan Dubois, est un film d’ado. Vraiment? Oui, par la simplicité de son histoire d’amour. Non de par ses textes forts qui nous rappellent assez rapidement qui les a écrits. Je ne voulais pas manquer la sortie de ce film, car un long métrage coscénarisé par Biz, ça ne pouvait pas être un banal film d’ado…
« Chaque ado qui termine son secondaire est un authentique héros grec qui achève une quête, comme Ulysse revient à Itaque après 20 ans d’aventures harassantes. Avec le cégep qui commence, le meilleur est devant pour les torturés du secondaire. Il y a donc de l’espoir après La chute de Sparte. »
Je n’ai pas eu l’occasion de lire le roman de Biz, malheureusement. Normalement, je me fais un devoir de lire le roman lorsque je regarde une adaptation. Je vais donc devoir analyser le film sans comparer avec le livre.
On reconnait assez facilement les valeurs de culture et l’amour de la langue du coscénariste. Tout au long du film, des comparaisons avec les héros de l’antiquité sont faites avec les élèves de l’école Gaston-Miron et de leur club de football, les Spartiates. Ces comparaisons mènent à de superbes scènes avec une image magnifique. Et les transitions sont merveilleusement bien faites. Je n’ai, d’ailleurs, pas pu résister et je vous offre cet extrait à titre d’exemple :
La chute de Sparte est un hommage à la jeunesse du Québec. Centré sur la quête du bonheur de Steeve Simard, un adolescent de 16 ans qui termine son secondaire, le film nous ramène à cet âge que bien des adultes semblent avoir oublié. On ne compte plus les fois où les parents d’ados vont dire en levant les yeux que les jeunes ne réalisent pas comment leur vie est facile… Vraiment? L’adolescence peut avoir beaucoup de qualificatifs. Mais « facile » n’en est certainement pas un. Je voudrais inviter les gens qui ont plus de 40 ans à prendre quelques secondes pour réellement se remémorer ce qu’était leur secondaire.
Maintenant, je dois dire que si l’on cherche une seule qualité au film de Dubois, on peut commencer par le réalisme avec lequel il montre la réalité des ados. Évidemment, certaines parties sont « rosifiées », mais sinon c’est droit dans le mille! Et cette réalité est amenée par les jeunes eux-mêmes, décrits par un des leurs, sans le jugement que portent les adultes. « C’est donc de l’intérieur, à hauteur d’ado, qu’on ressent l’amitié, l’amour et l’humour, mais aussi l’angoisse de l’intimidation, le doute et le questionnement. Sous une assurance factice, la vulnérabilité des jeunes peut être très touchante. »
La trame narrative aborde plusieurs problématiques d’actualité dans la vie des jeunes, tels la solitude, le premier amour, la relation complexe avec les parents, l’intimidation, l’homophobie et le suicide.
Mais ce qui donne à La chute de Sparte sa force, ce sont les dialogues. Principalement, les phrases assassines de Steeve Simard. Entre autres lorsqu’il dit : « On peut naitre dans une porcherie sans se croire cochon », alors qu’il parle de ses parents. Non, l’ado n’est pas tendre envers ses parents.
Mais ma phrase préférée survient après seulement quelques minutes, au début du film, alors que Steeve présente son quartier : « J’habite à St-Lambert, pis ça, ça me fait profondément chier. St-Lambert c’est une banlieue prétentieuse et hypocrite. Une vieille dame qui courtise le fleuve avec le petit doigt en l’air, tout en se faisant enculer par le boulevard Taschereau. Ce chef-d’œuvre de laideur poche-moderne. » Ceux qui me connaissent savent à quel point j’ai trouvé cette ligne jouissive.
Oui, derrière la trame d’histoire d’amour se cache une critique de notre société. Pas celle vue par les ados, mais celle construite par les adultes…
On a rarement la chance de voir un film dit « d’ado » qui soit non seulement divertissant, mais intelligent, bien écrit et à l’esthétique frappante. Sans oublier la superbe trame sonore (La bronze et Rymz – Astres).
Avec La chute de Sparte, il y aura au moins un film qui pourra amener les cinéphiles québécois à s’intéresser à la culture et à la force de leur langue.
Note : 8.5/10
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