« Le port, c’est bien plus que des bateaux de croisières, c’est une mine à ciel ouvert. »
Le 26 octobre 2012, une poussière rouge recouvre la ville de Québec, et plus particulièrement le quartier Limoilou, où Véronique Lalande et son conjoint Louis Duchesne ont acheté et rénové un petit duplex pour élever leur garçon d’un an, Léo. Oxyde de fer, nickel, zinc, cuivre, arsenic et autres métaux lourds tombent sur les quartiers avoisinants le port de Québec qui abrite Arrimage du Saint-Laurent, le plus important transbordeur de nickel en Amérique du Nord. Depuis cet épisode, Véronique appelle, écrit, convoque; elle propage son indignation et son désir d’un environnement sain. Une simple citoyenne réussira-t-elle à obliger cette multinationale à se conformer aux lois?
Un citoyen a-t-il le droit, au Québec, de demander à ce que ses droits soient respectés si cela empêche une grosse entreprise de faire plus de profits? D’une certaine façon, c’est ça la question que posent les frères Seaborn dans leur documentaire Bras de fer.
J’ai été frappé dans mon écoute lorsque Louis Duchesne explique sa situation. Dans la vie, il est chercheur. Son gagne-pain, c’est de faire des analyses. Un peu comme celles qu’il fait chaque semaine afin de prouver qu’il y a effectivement un problème avec les poussières qui se retrouvent sur le quartier.
Mais lorsqu’il prend la parole en tant que citoyen concerné, les autorités semblent ignorer totalement le fait que cet homme est, en fait, un expert. On le traite comme s’il n’avait aucune idée de ce qu’il faisait. Comme si moi, je décidais de faire des analyses toxicologiques dans mon sous-sol pour prouver qu’une compagnie crée de la pollution toxique.
Heureusement, à force de se battre au côté de sa conjointe et d’autres citoyens qui se joignent à eux, il réussira à se faire entendre.
Pendant cinq ans, les deux cinéastes ont suivi Mme Lalande et son allié et conjoint, Louis Duchesne, dans leur lutte contre Arrimage du Saint-Laurent, le Port de Québec et les autorités gouvernementales périphériques. Une lutte médiatique d’abord, puis judiciaire avec le dépôt d’un recours collectif, mais surtout une lutte citoyenne.
Mais ce qui est troublant dans cette histoire (quoique peu étonnant), c’est la réaction et le manque d’action du gouvernement du Québec. Le ministre de l’Environnement, celui qui est supposé protéger l’environnement contre les gros pollueurs, n’avait de cesse de démentir le rôle joué par le Port de Québec et Arrimage du Saint-Laurent dans la propagation de poussière remplie de métaux lourds.
Il est clair que le gouvernement libéral avait plus à cœur le profit engrangé par l’activité commerciale que mène le Port avec les compagnies minières que la santé de l’environnement et, surtout, celle des citoyens québécois de la région.
Projeté en première mondiale au Festival International du Film des Droits de l’Homme à Paris en décembre dernier, où il a remporté le Prix spécial du jury, Bras de fer montre le combat d’un couple, d’une communauté, contre un « producteur de profits ».
Le documentaire a vu le jour lorsque Jean-Laurence Seaborn, qui se promenait avec sa conjointe et son enfant sur la piste cyclable le long de la rivière Saint-Charles, a croisé Mme Lalande, son bébé dans les bras, distribuant des dépliants sur la pollution atmosphérique en provenance du Port de Québec. Comme parfois le hasard fait bien les choses.
Ce qui en découle, c’est un film fort, qui démontre ce qu’un simple citoyen peut faire lorsqu’il est déterminé. Mais aussi à quel point la richesse domine encore les valeurs québécoises. En tout cas, au niveau gouvernemental, ça, c’est clair ici.
Comment se fait-il que, en 2017, les instances gouvernementales soient toujours plus préoccupées par le profit que par l’environnement et la santé des gens? Comment se fait-il qu’un recours collectif soit encore en attente de jugement après 5 ans? Comment se fait-il que pour vivre en santé, sans s’exposer de façon risquée au cancer dû à l’absorption de métaux lourds par l’organisme, un couple qui aime son quartier et sa vie soit obligé de déménager et de refaire sa vie ailleurs?
Bras de fer est un film qui fera naitre en vous un sentiment de révolte. Avec un peu de chance, il pourra faire une différence et créer un plus grand mouvement citoyen grâce auquel les gouvernements n’auront d’autre choix que de changer leurs façons de faire…
Quoi? Ce n’est pas interdit de rêver, non?
Note : 8/10
© 2023 Le petit septième
Tellement bien décrit, super article François Grondin.
Merci de faire partie du mouvement!
Cet article mérite 10/10 tellement le résumé du documentaire est bien décrit.
Excellent, mais est-ce que nos instances gouvernementales ont entendu le message?
Est-ce qu’on peut espérer que les chefs de entreprises prennent en compte l’environnement et la santé des citoyens dans la production de leur entreprise?
Voilà
En ce qui concerne l’environnement, les entreprises commencent à comprendre. Mais en ce qui concerne les citoyens… rien n’est plus sûr. Malheureusement.