« Tu viens pas me faire une hiérarchie de putes. C’est tu clair? »
Elizabeth (Nadia Essadiqi – La Bronze), artiste burlesque et travailleuse du sexe, exerce ses deux métiers avec passion. Seulement, après des années passées à garder sa vie de travailleuse du sexe secrète, elle se demande si elle peut encore vivre ainsi. Alors qu’elle se prépare à tourner la page, elle accepte un dernier client, un homme en situation de handicap. Leur rencontre inattendue bouleverse ses certitudes et l’entraîne dans une quête intime et transformative.
Avec Invisibles, Junna Chif propose un regard non seulement sur l’univers des travailleuses du sexe, mais aussi celui des accompagnantes sexuelles pour personnes en situation de handicap. Elle lance ainsi la discussion sur un débat qu’il faudrait avoir.
Authenticité
J’ai décidé de voir ce film en n’étant vraiment pas certain que ça serait bien. J’ai vu des documentaires intéressants sur la prostitution positive et sur l’accompagnement sexuel avec des personnes en situation de handicap. Récemment, de très bons (Modern whore ou encore The last lap dance). Mais les fictions ont tendance à passer à côté. Mais Junna Chif semble avoir compris comment faire pour créer une œuvre de fiction authentique sur un sujet délicat.
À travers le parcours authentique d’Elizabeth, le film révèle les préjugés et la méconnaissance entourant le travail du sexe et la sexualité des personnes handicapées. On sent dans la performance de Nadia Essadiqi qu’il y a eu une recherche qui a été faite, et que l’actrice à pris la peine d’essayer de réellement comprendre les gens qu’elle représente avec ce personnage.
Elizabeth (Nadia Essadiqi – La Bronze) avec un client
Ainsi, Invisible ne tombe pas dans les clichés, ni au niveau des travailleuses du sexe, ni au niveau des personnes handicapées. Les scènes de sexe entre Elizabeth et ses clients sont belles sans verser dans le sensationnalisme ou le pornographique. Par moments, elles sont même excitantes. Le genre de scènes qui plutôt que de créer un malaise amène une excitation saine en montrant la sexualité de façon réaliste et simplement belle.
Le parcours de cette femme qui se lance dans sa nouvelle profession de façon un peu naïve est parfait pour accompagner le spectateur et pour faire tomber ses préjugés.
Un débat à avoir
On ne se cachera pas derrière la naïveté volontaire. Invisibles est un film militant. Il vise à montrer que la prostitution (au les métiers liés au sexe) devrait être légalisée et encadrée. En montrant comment les travailleuses du sexe peuvent non seulement donner de l’excitation aux gens ordinaires, mais peut aussi servir de soins. Et pour être honnête, la réalisatrice réussit à démontrer que ces métiers peuvent être aussi sains que n’importe quel autre métier.
Le film n’a pas la prétention de dire que ces emplois sont comparables avec des métiers comme psychologues, mais qu’ils ont tout de même une valeur thérapeutique. Après tout, la sexualité n’est-elle pas considérée comme un besoin?
Ce long métrage est donc un magnifique point de départ pour lancer (à nouveau) le débat sur la légalisation de certains métiers pratiqués par les travailleuses du sexe. Et si certains jobs sont légaux, ils restent encore mal encadrés et toujours sur une fine ligne. On peut penser au fait que les bars de striptease sont légaux, mais pas les restaurants où les serveuses sont seins nus. Les danses à 10$ sont légales, mais c’est au risque de la danseuse.
Si on a légalisé la marijuana en disant qu’au final ceux qui en veulent y ont accès et que ce serait plus sécuritaire si c’était légal, quels arguments a-t-on réellement pour garder la prostitution illégale? Je n’ai jamais été achalé par une prostituée ou une masseuse en marchant sur la rue avec mes enfants. Mais d’avoir quelqu’un qui souffle sa boucane de pot dans les poumons de mes jeunes enfants au parc ou sur le trottoir, ça, c’est correct. Soyons donc logique et accordons, comme le suggère Invisibles, le droit au débat réel aux travailleuses du sexe et à ceux et celles qui les soutiennent.
Un peu plus…
Invisibles ne montre pas la prostitution avec des lunettes roses, mais choisit simplement de montrer de façon positive le mode de vie et les professions de ces personnes. Il faut d’ailleurs comprendre qu’il y a une différence entre les filles qui se font forcer de se prostituer, et les personnes qui décident de travailler dans le milieu du sexe.
Nous sommes en 2025, il est peut-être temps que nous soyons sensibilisés à la différence entre faire quelque chose parce qu’on y est forcé et faire quelque chose par choix. Et ce film est un bon point de départ pour ceux qui sont prêts à se questionner.
La réalisatrice joue bien entre le beau, le sexy, le sérieux et le dur. Le résultat est tout simplement un film à voir.
Invisibles est présenté au festival Cinemania les 14 et 16 novembre 2025.
