« Rachel Samson signe le visuel des 23es Sommets du cinéma d’animation. »
Les Sommets ont dévoilé les films de leur Sélection officielle 2025. 75 courts métrages ont été retenus pour cette 23e édition, dont 56 qui seront présentés en compétition et 19 qui composeront la section Grand angle. Les Sommets du cinéma d’animation débutent et l’ONF y présentera plusieurs courts métrages. Dans cet article je ferai un très court survol de 4 d’entre eux (qui sont aussi plus courts que les autres courts, vous me suivez?), dans le but de vous donner l’envie d’aller découvrir par vous même ce qu’à peine 20 minutes de visionnement d’animation peuvent vous faire expérimenter.
Une femme marche en évitant les fentes du trottoir, telle une enfant. Son corps en alerte se rappelle les horreurs d’une guerre qui l’habite. Le bruit des choses qui brûlent est un court métrage d’animation au fusain qui parle de résilience au féminin.
Le bruit des choses qui brûlent nous épargne le crépitement des flammes, le bourdonnement des bombes et les cliquetis tonitruants des mitrailleuses pour les remplacer par le seul marteau digne de s’abattre sur l’âme, celui qui frappe les cordes d’un piano (à grands coups d’amour). À travers la musique mélancolique et triste, on perçoit aussi les sons qui substituent à celui du feu comme le battement d’une aile ou de l’encre sur du papier qui se froisse et se tend lorsqu’on y appose sa plume; un frottement digne des plus beaux violons.
Les idées restent floues comme de la peinture à l’eau; si on en met trop, on la dilue. La trame narrative nous amène là où coule notre cœur, ce qui peut être à des endroits un peu différents pour tout un chacun. Néanmoins, le public ne se retrouve pas lancé complètement au hasard; c’est plutôt à lui d’y appliquer ses propres couleurs. Hayat Najm propose une expérience rude et douce à la fois qui élève imagination et conscience chez son spectatorat.
Titre original : Le bruit des choses qui brûlent
Durée : 6 minutes 35 secondes
Année : 2025
Pays : Québec, Canada
Réalisation : Hayat Najm
Scénario : Hayat Najm
Animation : Hayat Najm
Note : 7.5/10
Le parcours accidenté et surréaliste d’une jeune fille qui cherche à se reconstruire. Puisant dans ses propres souvenirs d’enfance comme dans son imaginaire foisonnant
Martine Frossard dévoile une femme en quête de guérison, dans une société peu tolérante de la différence.
Je me questionnais sur le titre lui-même, Hypersensible, car j’essayais de comprendre là où on s’en allait. Il y là aussi, j’imagine, place à l’interprétation, alors que les impressions de césure du monde et de rattachement se succèdent et s’enchaînent. Même dans le calme le plus complet, la poussière virevolte, les voitures grondent, la radio griche. Une esthétique très vivante où tout s’éparpille un peu comme des branches ou du poil hirsute. La vie exacerbe les compulsions, ça nous donne effectivement envie de couper tous ces petits trucs qui dépassent ou qui dérangent.
C’est habilement que Martine Frossard amène son spectatorat à réfléchir à sa propre sensibilité et à la place qu’on lui réserve dans sa vie. Être sensible, c’est être vivant; et être vivant, c’est grandir un peu dans tous les sens en tendant l’oreille ou la main. Ces petits bouts de nous qui dépassent sont peut-être tout simplement ces parties de nous qui cherchent à s’attacher au monde qui l’entoure comme les racines d’un arbre s’enfoncent dans la terre.
Titre original : Hypersensible
Durée : 6 minutes 44 secondes
Année : 2025
Pays : Québec, Canada
Réalisation : Martine Frossard
Scénario : Martine Frossard
Animation : Martine Frossard
Note : 7/10
Employant la presse et le matériel que Tara lui a légués, Duncan donne vie à l’art imprimé à la main. Par ses images évocatrices et son magnifique paysage sonore, l’œuvre animée ainsi créée met en relief les répercussions positives des liens que nous tissons et le legs durable qu’ils laissent.
Duncan Major a rencontré l’artiste Tara Bryan alors qu’il n’avait que 13 ans, elle l’aidera à avancer dans son chemin artistique dans un partage d’amour de la typographie et des symboles. Cet amour commun transparaît dans chacune des images défilant sous le regard du spectatorat. Une attention particulière est mise sur les détails ajoutant à la vie qui émane naturellement de ce court métrage d’animation.
On joue avec les couleurs comme on utilise les mots. Les inventions humaines par milliers et aussi celle du langage; probablement l’une des plus anciennes de toutes.Un monde entier s’ouvre grâce au simple fait de pouvoir communiquer; le nôtre à l’autre et le sien à nous. Toutefois, une fois la communication rompue, que reste-t-il de ce lien que nous avions tissé et qui nous unissait?
Titre original : Imprint
Durée : 5 minutes
Année : 2025
Pays : Terre-Neuve et Labrador, Canada
Réalisation : Duncan Major
Scénario : Duncan Major
Animation : Duncan Major
Note : 8/10
Dans la culture iranienne, samaa est une pratique méditative qui consiste à atteindre un éveil spirituel par le rythme et le mouvement. Dans Samaa, un oiseau en cage voltige et s’agite en tous sens dans une quête effrénée de liberté. Ce n’est qu’en s’abandonnant au pouvoir transcendant de la musique et du mouvement que l’oiseau finit par s’élever.
La transcendance, j’y crois. Je ne suis pas épileptique et mes yeux ont failli faire un 180, et cela, même s’il j’avais eu l’avertissement au préalable. Malgré tout, l’œuvre est magnifique et les soubresauts des images évoquent celui d’un cœur frénétique désireux de vivre et de s’envoler. Ehsan Gharib encense le tout de couleurs vives sur un fond ocre donnant un aspect à la fois ancestral et moderne.
Le terme samaa, ou samâ, est exploré sous toutes ses teintes. De la stimulation du spirituel grâce à une rythmique captivante, jusqu’au sens qu’il évoque dans un concept non loin de La Trahison des images de Magritte où l’on met en relation l’image, le signifiant et le signifié et le référant selon les théories du triangle sémiotique, que l’on attribue généralement à Charles Ogden et Ivor Richards. Un deux minutes qui vaut la peine et qui nécessite de développer rapidement une attention particulière pour bien l’apprécier.
Titre original : Samaa
Durée : 2 minutes 27 secondes
Année : 2024
Pays : Québec, Canada
Réalisation : Ehsan Gharib
Scénario : Ehsan Gharib
Animation : Ehsan Gharib
Note : 8/10
Conclusion de cette première partie, l’esthétique et le lyrisme semblent être au cœur de nos productions en animation cette année, surtout si je compare aux titres de l’année dernière dont les prémisses étaient beaucoup plus ancrées dans des vérités sociales troublantes ou tout simplement cocasses.
Je vous laisse sur votre envie d’en savoir plus, et je vous reviens avec la deuxième partie où j’aborderai deux autres courts métrages (et plus longs que les autres courts). En attendant, cher lectorat, on se réchauffe tranquillement et on se prépare pour Les 23es Sommets du cinéma d’animation qui auront lieu du 26 au 31 mai 2025 à Montréal. Un événement annuel, organisé par la Cinémathèque québécoise, qui célèbre le cinéma d’animation sous toutes ses formes.
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