Chris (Jesse Camacho, prix Actra à Montréal du meilleur acteur pour ce rôle), un jeune homme obèse et intimidé par la bande de Jeremy, vit avec sa mère célibataire, dans la banlieue de Montréal. Un soir, il fait la rencontre de Bobby (Joey Klein, prix Actra à Toronto du meilleur acteur pour ce rôle), qui se porte à sa défense étant témoin des agressions de ses bourreaux. Leur soirée les conduit dans différents bars et fêtes, jusqu’à ce qu’Olivia (Brielle Robillard), la fille de Bobby, les rejoigne au milieu de la nuit. Chris découvre les différentes facettes du caractère de Bobby, dont son côté autodestructeur.
We’re Still Together, écrit et réalisé par le Montréalais Jesse Noah Klein, a été projeté dans différents festivals et a remporté le Prix du Jury au Festival du film du New Hampshire. Klein a écrit le rôle de Bobby pour son frère Joey et il a tourné une partie du film dans la maison de leurs parents. C’est par l’entremise de membres de sa famille et d’amis proches qu’est né ce film. Mais bien que celui-ci n’ait pas bénéficié d’un gros budget, il en est un de qualité.
Je suis toujours choquée de voir à quel point l’homme peut être méchant, d’une parfaite cruauté. Chris est persécuté parce qu’il est différent et surtout seul. Il est tellement facile de s’attaquer à plus faible que soi. Ce genre de comportement traduit généralement un mal-être de la part de l’agresseur, mais cela ne constitue pas une excuse. Et cela n’excuse en rien ceux qui suivent et adulent le bourreau. Et je crois que We’re Still Together rend bien compte, tristement, de ces rapports de force entre dominant et dominé.
Heureusement pour Chris, Bobby est témoin d’une des agressions et se porte à son secours. Il encourage même Chris à se venger physiquement sur Jeremy des mauvais traitements répétés. Mais cela ne cadre pas avec la nature de Chris, qui ne souhaite qu’être accepté (ou laissé en paix, en ce qui concerne Jeremy).
Quand à Bobby, le fait qu’il ne puisse plus voir sa fille le rend malade. Papa et fille s’organisent donc des virées nocturnes afin de passer un peu de temps ensemble, allant ainsi à l’encontre de la volonté de la mère et d’un jugement de la cour. Cette relation particulière crée un sentiment d’inconfort, d’incompréhension, n’ayant pas tous les détails pour être capable de la juger. Et c’est parfait ainsi.
Chris est un gars solitaire, isolé, malmené. Sensible, il n’est pas dépourvu de sentiments et souffre de toute la violence dirigée contre lui. Bobby se présente comme son parfait opposé : séduisant, athlétique, autoritaire, il ne s’en laisse pas imposer. Au contraire, il va souvent au-delà des ennuis, mais a tout de même bon cœur.
« The juxtaposition of these two men, the polarity of their sensibilities, reinforce the power that relationships have for us. Even though they meet that evening and spend only one night together, both have a profound effect on the other. We’re Still Together shows us as we really are: scared, defensive, lonely but trying to be generous, strong, loving. It is through the exploration, the acceptance, the embracing of others that we come to truly know ourselves », expliquait le réalisateur. [La juxtaposition de ces deux hommes, la polarité de leur sensibilité, renforce le pouvoir que les relations ont pour nous. Même s’ils viennent de se rencontrer et qu’ils ne passent qu’une seule soirée ensemble, ils ont un profond effet l’un sur l’autre. We’re Still Together nous montre sous notre vrai jour : effrayé, défensif, seul, mais essayant d’être généreux, fort, aimant. C’est à travers l’exploration, l’acceptation, le contact avec les autres qu’il nous est possible de nous connaître vraiment.]
Le résumé ne m’avait pas convaincue, mais le réalisateur m’a agréablement surprise avec ce film. Dans plusieurs plans, les protagonistes sont en voiture. On les observe, assis en silence, et leurs conversations, souvent anodines, sont ajoutées en voix-off. L’effet est très intéressant. Leur solitude respective est ainsi mise de l’avant; quelques vérités sont dévoilées au fil du film, mais les blessures profondes sont tues. C’est dans l’action et leurs expressions faciales que certaines nous sont révélées.
Klein joue aussi beaucoup avec les gros plans, allant capter l’émotion sur les visages des personnages. Et les émotions font les montagnes russes, surtout en ce qui concerne Bobby. Sa gaieté peut rapidement céder la place à un excès de rage, devant alors froid et blessant. Chris en paie le prix à quelques reprises. Mais Bobby agit de la sorte pour l’aider. Ouin, c’est dans ces moments-là que tu te dis : avec des amis comme ça, pas besoin d’ennemis.
We’re Still Together est un film de qualité qui montre différentes facettes et expressions du mal-être des gens. Un film profondément humain!
Et vous, si l’on vous en avait donné la chance, vous seriez-vous vengé sur votre bourreau?
Note : 8/10
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