« Tu vas me laisser toute seule avec la vaisselle. »
Simon vit avec un cancer du cerveau inopérable qui hypothèque ses jours. L’heure des grandes décisions approche. Soutenu par Marianne, sa conjointe, Simon se tient à la lisière de deux mondes, fragile, lucide, présent à tout ce qui l’entoure. Filmé presque entièrement de nuit et en noir et blanc, le documentaire témoigne de leur dernier été ensemble. Soutenu par un souffle musical (musique de Demain déluge, duo composé de Benoit Pinette, alias Tire Le Coyote, et de Marc-André Landry), le film, sans égard à l’ordre des événements réels, exprime l’intensité et l’énergie de cet amour qui les porte. Dans ce rapport de grande dévotion, d’entraide et de passion, le moindre geste ou le regard de l’autre devient lueur d’espoir. Tout au long, nous les verrons heureux, unis et vivants. Mais comment se diront-ils au revoir?
Après l’excellent Manoir et le très primé Dehors Serge Dehors, les documentaristes Martin Fournier et Pierre-Luc Latulippe nous livrent un touchant témoignage qui, s’il est teint d’une tristesse infinie, regorge tout de même d’espoir.
Dès la première minute, où nous pouvons apercevoir les intervenants éponymes s’étreindre dans la douche dans une image noir et blanc aussi poétique que morne, le postulat est clair. Simon, dont la maladie exacte n’est pas directement révélée (mais dont la finalité l’est), n’en a plus pour longtemps et il le sait. Malgré l’injustice de sa situation, il garde tout de même un certain contrôle sur un point bien précis : il veut l’aide médicale à mourir. C’est un premier dilemme qui se pose pour le spectateur, qui a de la difficulté à ne pas (tenter, du moins) de se mettre à sa place, avec l’énorme responsabilité et force que la décision en soi implique.
C’est avec cette empathie dont tout le documentaire découle que nous pouvons constater la situation impensable devant laquelle Simon et sa copine Marianne se trouvent. Comment regarder la mort en face? Comment continuer à s’attaquer au quotidien, sachant que la fin est proche? À quoi bon? Ces raisonnements parsèment les nombreuses conversations que les tourtereaux ont. Si, dans les premières scènes, le couple tente de gérer la situation de manière presque « humoristique » (Simon se dit content de ne pas avoir à faire la vaisselle la soirée où il va mourir), il devient vite évident que des questions pratiques se posent. À ce titre, une scène particulièrement forte du film voit Marianne refléter sur l’absurdité de la maladie de Simon, et dans une plus grande mesure, de la vie. Comment faire du sens de la vie lorsque nous témoignons en face de sa fragilité? Doit-on abandonner tout espoir, ou redoubler de force? Le cas échéant, où devons-nous chercher pour trouver ladite force lorsque nous sommes confrontés à la mort?
Cinématographiquement parlant, il s’agit d’un excellent sujet pour les réalisateurs Martin Fournier et Pierre-Luc Latulipe, de qui nous sommes à ce point-ci habitués de voir des documentaires sensibles et touchants. Plutôt que baigner dans le drame absolu de la situation, ces derniers traitent de celle-ci de manière éminemment respectueuse. Pas de folies à l’image : la grande majorité du film n’est composé que de conversations des personnages, non seulement verbales, mais surtout par des regards lancés ou des actions posées. Ajoutez à cela l’excellente musique ambiante de Demain déluge, avec ses synthétiseurs doux et patients, et en ressort alors une impression de sérénité, de calme. L’intention de mettre en avant la tristesse de la situation du couple se ressent, et malgré le grand nombre de documentaires existants sur le sujet, Simon & Marianne semble tout de même se démarquer en offrant un regard véritablement intime sur les derniers jours de Simon.
Pour beaucoup, la difficulté de visionnement du film n’aura d’égal que la catharsis qu’il offre, pour le meilleur et pour le pire. En ce sens, une excellente scène du film voit Simon relaxer dans son hamac, écoutant de manière appropriée la reprise de Johnny Cash de I See A Darkness (je vois venir l’obscurité), originellement de Bonnie Prince Billie. À ce point-ci de sa vie, Cash se voyait à peu près dans la même situation que Simon, et ne put en venir qu’à une seule conclusion : face à la mort, mieux vaut être prêt, car nous n’avons plus le choix. Pour ce que ça vaut, c’est serein et rempli d’amour que Simon aura quitté ce monde, et ça, personne ne pourra lui enlever.
Simon & Marianne est présenté aux RIDM les 23 et 30 novembre, ainsi que le 2 décembre 2024.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième