« Reveneeeeeez! Vous m’avez oubliééééééé! »
Angelo (Dario Hardouin-Spurio), 10 ans, se rêve aventurier et explorateur. Jusqu’au jour où, partant en voiture avec sa famille pour se rendre au chevet de sa Mémé adorée (Yolande Moreau) bien malade, il est brusquement mis au défi de prouver son courage : oublié par erreur sur une aire d’autoroute, Angelo décide de couper à travers la forêt pour rejoindre la maison de Mémé. Il s’enfonce alors dans un territoire mystérieux peuplé d’êtres étranges que menace un ennemi pire encore que l’ogre (Antoine Tomé) de la région…
Avec Angelo dans la forêt mystérieuse, Vincent Paronnaud et Alexis Ducord adaptent la bande-dessinée Dans la forêt sombre et mystérieuse et offrent un film pour toute la famille qui est à la fois intelligent et grandement divertissant.
Sélection officielle Cannes 2024 et Annecy 2024, cette adaptation se présente comme un conte pour enfants, que les adultes peuvent tout autant apprécier. Mais je laisse d’abord mon critique en herbe vous donner son point de vue d’enfant sur le film.
Ainsi, après avoir été oublié par ses parents (on sent effectivement le côté « conte »), notre jeune héros s’engouffre dans la forêt où il rencontra plusieurs personnages tout aussi amusants et intéressants les uns que les autres. Bien sûr, il y a les animaux qui prennent vie et quelques humains. Mais il y a ce magnifique personnage qui ajoute un côté fantastique et qui rappelle Miyazaki et des films comme Le château ambulant (ハウルの動く城, Hauru no ugoku shiro). Il s’agit de Goouh, un genre de Golem végétal qui se transforme en une sorte de truc humanoïde. Il est l’esprit de la forêt.
De par son voyage dans ce monde magnifique, Angelo va grandir en tant que personne. Non seulement il devra apprendre à développer son courage, il apprendra aussi une multitude d’informations sur la nature et découvrira de belles valeurs de partage, d’entraide et d’amitié. Et il découvrira qu’une fille, ce n’est pas nécessairement « beurk ». 😉
Angelo dans la forêt mystérieuse est adapté d’une BD. Parmi les défis, il y avait l’adaptation pour le bon public.
« Sur cette BD, il fallait tout réécrire pour des enfants de 6 à 14 ans, en employant une sorte de premier degré sans craindre les clichés sur lesquels on pouvait greffer du second degré. »
Vincent Paronnaud
Et les réalisateurs ont bien fait ce travail puisque le film est tout aussi bon pour les jeunes que pour les adultes. Jamais on ne tombe dans le martelage des idéaux. Bien sûr, il y a des messages et des valeurs qui sont proposés. Mais ils restent juste assez subtils pour qu’on les comprenne, sans qu’on se sente attaqué.
L’écologie traverse ce film et évidemment c’est important. Ce n’est pas pour rien que ce thème revient souvent dans le cinéma pour les enfants. Dès leur plus jeune âge, ils sont captés par cet enjeu qui les touche ou touchera directement. Et comme le dit le scénariste, « force est de constater que tout le monde veut sauver la planète, mais en même temps le système mis en place n’est pas adapté. Il l’est à la destruction de la planète. »
Cet humain trop souvent typique est représenté par Ultra et ses sbires qui assèchent « les sources de la vie » afin de trouver la source de la jeunesse éternelle. Ultra, C’est un peu Mussolini, ou Poutine. Il est une magnifique caricature. Il embrasse son reflet et menace quiconque ne lui donne pas ce qu’il veut immédiatement. Il s’aime et s’admire plus que tout. Le parfait narcissique. Et on vit une telle époque qu’il est presque moins caricatural que bien des dirigeants en place. Trump, peut-être?
Pour contrebalancer ces vilains, il y a la Résistance, menée par une fillette, Zaza, qui tombe amoureuse d’Angelo, mais qui, aussi, lui servira de guide dans son évolution. Cette révolution, tout aussi amusante soit-elle, représente cet espoir que l’on doit garder, qu’un jour, les choses changeront. Qu’un jour, les enfants prendront le contrôle de la lutte et réussiront à faire ce que les adultes du moment refusent de faire. Cet espoir est bien réel. On peut penser à des gens comme Greta Thunberg, qui ne recule devant rien pour faire « la bonne chose ».
D’autres thèmes sont traités avec subtilité tout en étant franchement clairs pour l’adulte. Avec l’écureuil Fabrice qui se sent oiseau plutôt qu’écureuil, les réalisateurs touchent à un sujet chaud : l’identité de genre. C’est un personnage très attachant qui, au-delà de son problème d’identité, représente aussi la nécessité que l’on a d’essayer. Ou plutôt l’importance de se permettre d’essayer des choses qui nous tiennent à cœur afin de savoir. Nous sommes dans une période dogmatique où il faudrait que tout réussisse parfaitement, et immédiatement… Ce qui est dit dans le film, c’est juste : « essayer, ça suffit ». Cet écureuil, il est content de juste flotter n’importe comment dans les airs, ça lui suffit comme concept.
On montre aussi des fourmis avec ce côté militaire dans lequel on les voit souvent, mais en même temps elles sont attachantes. Et elles s’unissent, comme les habitants de la forêt… Un message assez simple, mais que l’humain à beaucoup de difficulté à mettre en pratique. D’où que l’on vienne, il faut s’unir pour arriver à quelque chose.
En utilisant de la 3D pour l’animation, les réalisateurs font en sorte qu’il est plus facile pour les jeunes publics de s’identifier aux personnages, surtout à celui d’Angelo. L’image est, d’ailleurs, magnifique. Les couleurs dans les teintes sombres restent vives et captent l’attention. Les décors sont magnifiques. On aimerait y être.
Il y a deux dernières choses que je voudrais mentionner. On parle de la mort de façon simple et compréhensible. La mort est non seulement montrée comme normale, mais aussi le désir de sauver la personne que nous allons perdre. Et ce qui est encore meilleur, c’est qu’on réussit à montrer comment une personne mal intentionnée peut profiter d’une personne triste pour faire de l’argent. Et ça, mon 8 ans l’a compris. Le docteur marchand d’élixir – qui est un clin d’œil à Lucky Luke d’ailleurs – est l’exemple de ces trop nombreux ultra-capitalistes qui sont prêts à abuser des gens pour s’enrichir. Il arnaque le garçon sans se soucier de la peine qu’il causera.
Et bien que l’on montre que lorsqu’on s’occupe de la nature, celle-ci nous le rendra bien, on laisse aussi entendre que toutes les histoires ne se termineront pas bien. Rarement on ose le dire aussi crûment à des enfants. Le crapaud le dit de façon assez brutale : « Toutes les histoires ne finissent pas bien ».
Mais ne vous en faites pas trop, ce film reste un « must » si vous avez des enfants. Ne manquez pas votre chance.
Angelo dans la forêt mystérieuse est présenté au Festival Cinemania le 10 novembre 2024.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième