« Mais vous êtes folles? »
« Selon certains experts, il semblerait! »
Beatrice (Valeria Bruni Tedeschi) est une mythomane bavarde au comportement excessif. Donatella (Micaela Ramazzotti) est une jeune femme tatouée, fragile et introvertie. Ces deux patientes de la Villa Biondi, une institution thérapeutique pour femmes sujettes à des troubles mentaux, se lient d’amitié. Un après-midi, elles décident de s’enfuir bien décidées à trouver un peu de bonheur dans cet asile de fous à ciel ouvert qu’est le monde des gens « sains ».
Sélectionné en compétition officielle à la Quinzaine des réalisateurs lors du dernier Festival de Cannes, La pazza gioia (Folles de joies), de Paolo Virzì, est un film dans lequel on retrouve de superbes moments de rire et de magnifiques moments de tristesse.
Virzì réussit à bien montrer la réalité de la vie. En regardant La pazza gioia, on rit et on pleure. On rit surtout au début, par l’entremise de Beatrice. Cette femme, bourgeoise, qui se croit au-dessus des autres patients se promène dans le jardin et donne des ordres aux autres filles. Elle en est quelque peu ridicule et, évidemment, cela est drôle à voir.
Les larmes, elles, nous arrivent plutôt par le personnage de Donatella. Celle-ci a un « background » beaucoup plus difficile que son amie. Des parents pauvres, un père absent et un ancien patron qui l’a mise enceinte juste avant de s’en débarrasser. Peut-être est-ce dû à ma situation de jeune papa, mais de voir cette femme privée de son fils par les services sociaux, ça m’a fait quelque chose. Évidemment, sa situation la rend inapte à s’occuper d’un bébé. Mais mérite-t-elle vraiment que son fils ait été donné en adoption sans possibilité de visite?
Ce thème est exploré dans le film au travers de deux femmes très distinctes, mais unies par la même volonté de retrouver une liberté perdue. Afin de documenter l’écriture de leur scénario, Paolo Virzì et sa co-scénariste, Francesca Archibugi, ont réalisé un abondant travail de documentation, notamment auprès de psychiatres et de patients d’hôpitaux psychiatriques.
Je trouve vraiment intéressant que les scénaristes (et du coup le réalisateur) ne se soient pas contentés de parler à des psychiatres et des psychologues, mais qu’ils se soient donné la peine de rencontrer des patients dans de vraies institutions du même genre que la Villa Biondi qu’on met en scène. Disons que ça permet d’avoir les deux visions d’une même chose.
D’ailleurs, au terme de ces visites le réalisateur expliquait ceci : « Nous avons rencontré toutes sortes de patients : catatoniques, hystériques, mélancoliques, importuns, paranoïaques, prolixes. Et j’ajouterais : comme dans la vie de tous les jours. Parmi eux, il y avait aussi des personnes que les institutions, les juges, les services sociaux avaient jugées dangereuses, car elles avaient commis des délits et risquaient un internement dans des hôpitaux psychiatriques judiciaires. Nous y avons rencontré bon nombre de Beatrice et de Donatella. »
C’est peut-être grâce à ces rencontres que le réalisateur a pu raconter son histoire du point de vue des deux femmes de façon réaliste. Elles ne sont jamais montrées comme étant totalement cinglées, mais jamais comme de simples victimes non plus. On montre la fragilité de ces femmes, sans pour autant en faire des martyres.
En plus des rencontres avec les services médicaux et les pensionnaires, les producteurs ont invité de vraies patientes d’instituts psychiatriques sur le tournage. À ce propos, Micaela Ramazzotti expliquait : « Il y a eu une grande générosité de la part des jeunes filles de Pistoia qui sont venues sur le tournage, disposées à raconter leurs histoires, leurs vies pleines de péripéties, leur désir de guérir, de ne pas prendre plus de vingt-cinq cachets par jour : des femmes et des jeunes filles d’une grande douceur, au désir de vie et de contact humain qui nous ont tous bouleversés. »
Dans La pazza gioia, on visite la Villa Bionda, une institution qui semble bien. Une place où les patientes sont traitées avec honneur et justice. Évidemment, lors du repérage l’équipe de production a vu toutes sortes d’endroits : « nous avons visité des endroits décourageants, où les patients étaient traités de manière expéditive : placés sous sédatifs, attachés par des lanières, ou oubliés. Mais nous avons aussi découvert des endroits très beaux chargés d’énergie, où on essaie de mettre en place des projets de réinsertions, qui vont au-delà de la surveillance, où il fait bon vivre. Surtout, nous avons rencontré beaucoup de médecins, psychiatres, psychothérapeutes, personnel paramédical, bénévoles et motivés, compétents et passionnés, dont le dévouement était total et touchant, malgré une carence en structures et en personnel adéquat. »
Mais La pazza gioia, c’est une histoire faite de tribulations, d’abus subis et perpétrés, une histoire qui par bien des aspects peut se révéler drôle, délirante, comique. Mais c’est surtout deux femmes vraies, touchantes, folles, bouleversantes, drôles, attachantes et hors normes…
Note : 8/10
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