« Il faut être curieux, il faut être désobéissant,
et il faut avoir une patience de pêcheur à la ligne. »
Robert Doisneau, le révolté du merveilleux raconte comment cet enfant de banlieue parisienne est devenu l’un des plus célèbres photographes du monde. Connu par tous, célébré partout, pour des photographies devenues celles d’un monde d’hier, en noir et blanc, d’écoliers en culottes courtes au fameux baiser de l’Hôtel de Ville. Le film dévoile ainsi un Doisneau différent. Passionné par la couleur, qu’il a inlassablement pratiquée, par les nouvelles formes d’architecture des banlieues modernes, le photographe a tout photographié : des usines Renault au bal vénitien en passant par les milliardaires de Palm Springs aux paysans d’URSS… Le documentaire chapitré par les dessins d’Emmanuel Guibert, donne la parole à ses filles, Annette Doisneau et Francine Deroudille, à quelques-uns de ses amis, la photographe Sabine Weiss et l’écrivain Daniel Pennac, à des personnalités ayant écrit sur ses images, de Philippe Delerm à François Morel. De Paris à New York en passant par Tokyo, le parcours exceptionnel, surprenant et atypique d’un humaniste forcené, qui n’aura eu de cesse toute sa vie d’être un pourvoyeur de bonheur.
Robert Doisneau est avant tout un homme de famille. Après avoir perdu son boulot chez Renault, et avoir décidé d’être photographe à son compte, c’est par sa famille et ses amis qu’il trouva ses premiers sujets.
En fait, tout au long de sa carrière, lorsqu’il devait faire des images pour des contrats, il utilisait presque toujours ses proches comme modèle. Il y a d’ailleurs une scène dans le film où la famille et les amis proches se rassemblent pour regarder des images de Doisneau. Une des filles du photographe explique à quel point le groupe s’est amusé à regarder les images de travail de Robert, car on aurait dit un album de famille.
Sachant cela, c’est sans grande surprise qu’on voit, dès le début du film, que ses deux filles ont repris la maison familiale afin d’y ouvrir une boutique où on peut admirer les œuvres de leur père.
Mais ce que je retiens du film de Clémentine Deroudille, c’est surtout que Doisneau savait faire ressortir le beau du laid.
Bien qu’il refusait de se qualifier lui-même ainsi, le photographe était un humaniste. Ce qu’il aimait par-dessus tout, c’était de photographier « l’homme ordinaire ». Même si parfois il créait des mises en scène, ses images étaient toujours empreintes de réalisme et montraient les gens ordinaires, souvent pris sur le vif, dans la vie de tous les jours.
Mais c’est en photographiant la banlieue parisienne qu’il s’est fait connaitre. Ce n’est cependant pas au moment des prises de vue que son œuvre a été appréciée, évidemment. À ce moment-là, plusieurs l’accusaient de faire du misérabilisme. C’est quelques années plus tard que la valeur artistique des images de sa banlieue natale sera enfin reconnue.
Un peu plus tard, il a eu une période pendant laquelle il avait décidé de photographier les nouveaux quartiers de banlieue – ce qu’on pourrait appeler les cités. Encore une fois, il photographie ces choses particulièrement laides avec un œil juste. Sa vision et sa capacité à faire ressortir le beau du laid sont encore une fois mises de l’avant. Car bien que ces immeubles soient d’une laideur incroyable – Doisneau se demande même comment ces choses ont pu être approuvées par les autorités – il en ressort des images aux couleurs magnifiques.
Robert Doisneau est né en 1912 à Gentilly, en banlieue parisienne. Jeunesse grise derrière les rideaux de macramé d’une famille petite-bourgeoise, il apprend à 15 ans le métier de graveur lithographe à l’école Estienne et entre dans la vie active en dessinant des étiquettes pharmaceutiques. C’est chez André Vigneau, dont il devient le jeune opérateur en 1931, qu’il découvre le monde de la création artistique qui l’animera désormais. Quatre années au service publicité des usines Renault, soldées par un licenciement pour retards répétés, lui permettent d’accéder au statut convoité de photographe indépendant. Quand il meurt en avril 1994, il laisse derrière lui quelque 450 000 négatifs.
C’est donc à partir d’archives inédites que Robert Doisneau, le révolté du merveilleux, écrit et réalisé par sa petite-fille, dresse le portrait intime de l’homme et de l’artiste qui a joyeusement mêlé sa vie familiale et professionnelle pour bâtir une œuvre exemplaire.
Note : 7.5/10
Sa photo la plus connue restera Le baiser de l’hôtel de ville.
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