« Your search for salvation is over. »
[Votre recherche du salut est terminée.]
Un produit miracle donne la jeunesse éternelle à qui le consomme. Deux frères, Jaxxon Pierce (Stephen Dorff) et Rip Pierce (Michael O’Hearn), se partagent le monopole de cet élixir sur la Terre laissant les sociétés s’écrouler sous leurs caprices. Parallèlement, deux frères tombés du ciel, Star (Moises Arias) et Star (Jason Genao), aidés par une femme de joie, Nikita (Karrueche Tran), essaient de mettre un terme à l’emprise sur le monde qu’est ce remède contre la vieillesse que l’on nomme Divinity.
Eddie Alcazar se donne corps et âme pour livrer, au cinéma en noir et blanc, exactement ce qu’offre Divinity, c’est-à-dire de rester toujours jeune. Le film est en monochrome classique, un choix que je trouve audacieux à l’ère de la haute définition en couleur. Cependant, monsieur Alcazar a su en faire un de ses principaux effets visuels depuis son premier film, Tapia, en 2013. La narrative est intrigante et réinvente un concept vieux comme le monde; la jeunesse éternelle au centre d’un univers perverti par le culte du soi. On aurait pu facilement tomber dans le thème sur utilisé de nos jours de l’Intelligence Artificielle, là on retourne à l’essentiel; dans le sens où l’humain est le centre de la problématique et doit apprendre l’introspection.
L’œuvre elle-même est très énigmatique dans sa composition, due, entre autres, à la variété des techniques utilisées; jeux d’ombres, superposition d’images, animation en stop-motion et j’en passe. Le ressenti final oscille entre la fascination et l’incompréhension face à une forte propension au symbolisme omniprésent. Malgré tout, il arrive parfois que certaines scènes soient faibles au niveau des contrastes de noirs et de blancs, mais elles affectent peu l’entièreté de la plasticité des images réunies.
Dans Divinity, tous sont aux prises avec des problèmes dont la clef est à l’intérieure d’eux-mêmes et, ici, le terme « intérieure » est exploré sous plusieurs angles différents. Il est difficile de s’identifier aux acteurs du conflit tellement l’histoire est vague, mais en cela réside aussi la force de ce long métrage. Le récit guide labyrinthiquement son public à travers une sensation de rêve où les tableaux de la pensée disparaissent dans un flou obscure, ou bien dans un contraste intense et surréaliste.
Difficile de ne pas penser aux cultes de la beauté extérieure, de la performance sexuelle et de la jeunesse éternelle. Des concepts qui nous restreignent à ne pas se voir au-delà des apparences. Dans la poursuite de la pureté esthétique du corps, l’esprit ne plonge plus à travers les profondeurs de l’âme, et l’ego (subtilement et insidieusement) pervertit l’être lui bloquant ainsi un lien possible avec son enfant intérieur; son soi refoulé.
Les personnages sont mystérieux et leurs desseins vagues, car dans l’obscurité de l’intimité de chacun d’entre eux un secret il y a de caché. Les deux frères venus du ciel, tous deux nommés Star, interprétés par Moises Arias et Jason Genao, ont un plan nébuleux tout autant que leur origine. Jason Pierce, interprété par Stephen Dorff, continuant le travail de son père, garde secret l’ingrédient de la potion Divinity. Du sexe, du sang, mais surtout une ambiance lente et contemplative.
Le film à une belle dimension psychanalytique et laisse place à l’interprétation de son auditoire. Dans une des scènes, un des frères Star mentionne à Jaxxon Pierce qu’il doit abandonner son persona et regarder au fond de lui. À ce moment-là, il voit des images réprimées de son enfance; des moments réprimés que son esprit cache dans son subconscient. Ces sous-entendus jungiens sont des indices que monsieur Alcazar n’a pas seulement construit un long métrage visuellement accrocheur, mais aussi intellectuellement stimulant.
La technologie semble archaïque tout en étant avancée. Des affichages en DOS, écrans cathodiques, etc. Pourtant, l’humanité est tout de même parvenue à développer un anti vieillissant révolutionnaire. Le générique d’introduction bombarde l’écran d’images de beauté et de plaisir physique, néanmoins l’œuvre n’en vient nullement à démoniser la sexualité, mais semble plutôt vouloir créer un équilibre entre les différentes thématiques de force, d’intériorité et de sexualité d’un point de vue dichotomique et tranché. Un touché, par exemple, peut être autant pervers et diminuant que pure et enlevant.
Malgré que la majorité des scènes se déroulent à l’intérieur d’un même lieu, cela n’empêche pas qu’une ou deux d’entre, elles, montrent un plan d’ensemble d’un environnement ravagé et même une carcasse colossale d’une créature morte depuis longtemps et dont les côtes sont les seules restants que l’on peut voir au loin; d’immenses piliers de roches s’arquant faiblement sous le poids de l’aride sécheresse. C’est selon moi, un chef-d’œuvre digne des cinéastes comme Bergman ou Lynch (pour vrai le gars essaye des affaires et c’est assez confrontant de plusieurs façons).
La finale de Divinity surprend (oui, simplement). J’aime le cinéma pour ce qu’il y a encore à découvrir des nouvelles méthodes, mais aussi celles qu’il ne faut pas oublier. Avec la multiplicité des techniques de production cinématographique, on se doit de poser la question de la nécessité d’employer tel ou tel moyen. Chaque élément sera perçu comme un choix volontaire et conscient. Lorsque je vois quelque chose comme Divinity, je me console des fois où j’imagine que le cinéma est devenu une industrie comme une autre; de constater qu’heureusement j’ai tort, car l’Art, comme la vie, réussit à survivre en ayant une capacité probablement infinie de se réinventer.
Divinity, un film que je recommande à tout cinéphile aimant se perdre en chemin; qui une fois sorti de l’obscurité abyssale, encore désorienté, veut y retourner aussitôt pour peut-être en percer le mystère.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième
Merci Samuel, tu es vraiment un bon critique. Ne lâche pas. Tu es sur ton x.🩷🩷🩷