« C’est odieux ce qu’on peut faire par amour. »
1940, la Deuxième Guerre mondiale fait rage en Europe. À Montréal, Pierre Sauvageau (Émile Schneider), 22 ans, voudrait s’enrôler, mais il doit prendre soin de sa sœur jumelle qui est infirme de naissance. Cette proximité éveille la sensualité de Berthe (Juliette Gosselin) qui tente de séduire son frère. Pierre rejette ses avances, mais lorsqu’il tombe en amour avec Marguerite (Mylène Mackay), la blonde de son meilleur ami, il est hanté par le fantasme de sa sœur. Il voudrait bien s’en débarrasser, mais le fantasme de Berthe a la couenne dure.
Dans Embrasse-moi comme tu m’aimes, André Forcier nous amène dans un univers étrange, alors que le Canada vient d’entrer en guerre. Dans ce film teinté de fantasme, le réalisateur traite du lien spécial qui peut unir des jumeaux.
Ici, Berthe est infirme. Elle n’a pas l’usage de ses jambes, et ce, depuis la naissance. Et sa mère n’ayant pas la force de s’occuper d’elle correctement, c’est le frère de la jeune femme qui en prend soin. C’est donc lui qui va l’aider à prendre son bain, qui va la border, ou qui va la sortir au parc les dimanches (il s’achète même un pick-up pour ce faire). De cette proximité naitra une relation ambigüe.
L’amour fraternel de Pierre est nécessaire et assumé par ce dernier. Par contre, pour Berthe, il s’agit d’un véritable amour pour son frère, un amour incestueux. Pierre est un gentleman, alors que Berthe est manipulatrice, jalouse et viscéralement amoureuse de son frère. Pierre refuse les avances de sa sœur et tente de trouver l’amour ailleurs. Cependant, il est incapable d’embrasser une femme, car, à chaque fois, il est troublé par des visions de sa sœur.
Pierre, qui rêve de partir combattre en Europe, restera ici afin de prendre soin de sa sœur, qui ne saurait survivre sans lui. Mais il continuera tout de même à s’entrainer dans la réserve avec son meilleur ami Ollier. Malheureusement pour Berthe et Ollier, un amour naitra entre Pierre et Marguerite, l’amoureuse d’Ollier. Cette relation ne fera que mettre la brouille dans le groupe, alors qu’Ollier décidera de quitter le pays pour se battre, alors que Marguerite partira pour les États-Unis afin d’étudier.
Les jumeaux Sauvageau sont férus d’opéra et particulièrement du grand ténor Raoul Francoeur. Pour Berthe, c’est la seule façon de s’évader de son quotidien. Un dimanche, alors qu’ils pique-niquent et que La Mattinata joue sur un vieux gramophone à manivelle, un homme raffiné les aborde. C’est Elio Morelli, professeur d’Italien de Francoeur. C’est le coup de foudre instantané entre Elio et Berthe au grand soulagement de Pierre qui n’en demeure pas moins heureux pour elle. Il verra là une façon de s’affranchir.
Parfois l’amour peut rendre malheureux. Pierre et Berthe s’aiment au point de se rendre malheureux l’un et l’autre. En s’occupant de sa sœur de façon aussi ponctuelle, Pierre ne peut rencontrer une femme avec qui vivre et fonder une famille. De son côté, Berthe est incapable de se séparer de son frère, et ce, même après avoir rencontré Elio.
Je ne peux passer sous silence l’incroyable distribution d’Embrasse-moi comme tu m’aimes. Évidemment, jouer pour Forcier est certainement un honneur en soi. Mais, tout de même… il a, pour son excellent film, réussi à mettre dans un même long métrage : Juliette Gosselin, Mylène Mackay, Tony Nardi, Céline Bonnier, Antoine Bertrand, Réal Bossé, Roy Dupuis, Patrick Drolet, Catherine De Léam, France Castel, Pierre Verville, Pascale Montpetit, Julien Poulin, Rémy Girard, Marc Hervieux, Mylène Saint-Sauveur et Denys Arcand.
Embrasse-moi comme tu m’aimes est rempli d’humour et de sarcasme. Un humour qui demande tout de même certaines connaissances, mais le genre que j’aime. Je pense entre autres au rôle tenu par Julien Poulin. De le voir en soldat vantant l’importance de combattre pour l’honneur du Canada et de la Reine… c’est désopilant.
Pour son plus récent long métrage, Forcier nous offre un petit bijou à l’ambiance sombre, tout en jouant avec le fantasme et l’horreur.
Note : 8.5/10
À noter que ceux qui désirent voir le film sur grand écran, une dernière représentation sera offerte aux RVCQ le 27 février 2017.
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