« — Et tous ceux qu’on a perdus? — Ils sont ma moelle. Ils sont mes os. Ils sont nos os. — Il n’y a pas de monstre en-dessous du lit. Il est au-dessous de nous. »
L’ombre des corbeaux (2022) suit le parcours de la matriarche crie Aline Spears, de son enfance passée dans le système des pensionnats canadiens jusqu’à son combat qui l’a menée au Vatican.
Inspirée de faits réels, le drame réalisé par Marie Clements explore l’histoire d’Aline Spears (Grace Dove), Crie du Manitoba, alors qu’elle navigue différents chapitres de son histoire, de sa jeunesse libre dans les paysages dont l’étendue semble infinie à sa rencontre en tant que survivante du système des pensionnats autochtones du Canada.
Une lutte depuis toujours
La prémisse de L’ombre des corbeaux impose une image forte qui rappelle au public le combat que mènent les Premiers Peuples depuis l’arrivée des Européens en terres déjà occupées. La figure du corbeau apparaît dans les premières minutes du film instaurant déjà la narration associée à l’oiseau noir. À travers le combat mené par Aline Spears alors qu’elle affronte obstacle après obstacle, la résilience des Premiers Peuples est soulignée.
Une enfance volée
Les plans alternent entre les moments de l’enfance en famille, moments marqués par une joie qu’on sent éphémère, ceux au pensionnat où tous et toutes luttent pour conserver le peu qui ne leur a pas encore été retiré. Les discussions entre les personnages allochtones permettent de contextualiser plusieurs éléments comme le livre rouge en réponse à « La politique indienne du gouvernement du Canada » de 1969 ou encore la rafle des années 60. Plusieurs images sont difficiles à supporter tant les émotions qui sont exprimées viennent chambouler le public.
La douleur d’une mère qui se fait arracher ses enfants alors que ceux-ci sont amenés vers un lieu créé pour déposséder des êtres de leur culture, de leur langue, de leurs êtres chers et de leurs traditions, le pensionnat autochtone est insoutenable et évoque celle de toutes les mères qui ont renoncé à tant.
Une vision intime, mais reflet d’une force féminine
Une alternance des points de vue lors de moments précis apporte une perspective intéressante puisqu’il y a, parfois, renversement des rapports d’autorité et d’autres fois, une courte incursion dans une expérience autre que celle d’Aline. C’est notamment le cas de Persévérance, la jeune sœur d’Alice dont le destin est marqué par la fatalité, et le mari d’Alice, Adam, dont la guerre n’a jamais quitté le corps et l’esprit.
Le film en est un dont la profondeur s’explique aussi par le rythme, les transitions entre présent et passé et le regard marqué par la force de femmes, mais surtout d’une femme marquée par plusieurs vies.
Bones of crows était présenté au festival Présence autochtone le 9 août 2023.
