À travers l’histoire d’un naufragé sur une île déserte tropicale peuplée de tortues, de crabes et d’oiseaux, La tortue rouge raconte les grandes étapes de la vie d’un être humain.
C’est un film d’animation pour toute la famille dans lequel il n’y a ni passé ni futur, le temps n’existe plus, comme le disait avec justesse le scénariste et réalisateur Michael Dudok de Wit.
Les récits de naufragés ont été montrés et narrés plus d’une fois. Mais le réalisateur réussit à faire de ce thème une chose vraiment unique. On ne cherche pas à montrer comment le personnage se débrouille pour survivre sur son île. Cet aspect est accessoire. On montre plutôt la vie, le passage du temps, la nature et les éléments.
Pour être en mesure de rendre compte des effets de lumière, de la vitalité de l’environnement, de la vie sur une île, Dudok de Wit a séjourné sur une petite île des Seychelles, chez l’habitant, pendant 10 jours : « Je me promenais seul, à tout observer et à prendre des milliers de photos. Il n’était pas question de tomber dans le look “brochure de vacances”. Mon naufragé ne doit pas adorer l’endroit, il veut à tout prix rentrer chez lui, car l’île n’est pas si accueillante que ça. Il y a des dangers, l’extrême solitude, il pleut, il y a des insectes… »
L’une des particularités de cette animation est qu’elle est sans paroles, absolument universelle. Le film est rythmé par les bruits de la nature, par les cris de joie et de désespoir des personnages, par le son des respirations, par les silences. Le rythme du film passe aussi par les gestuelles des personnages qui sont extrêmement parlantes et réalistes.
Et la musique instrumentale de Laurent Perez del Mar est splendide. Elle peut être douce ou empreinte de violence, comme l’est la nature. Elle montre avec les autres bruits la fragilité des personnages, de leur état de vulnérabilité face à ce qui les entoure.
Quant aux décors, ils sont dessinés au fusain sur papier avec de grands gestes et adoucis par des frottements avec la paume de la main. Cela donne une texture granuleuse à l’image, où les contrastes de couleur sont doux et harmonieux.
Le naufragé rêve à sa libération, à la façon dont il parviendra à regagner la civilisation. Parfois la ligne est fine entre fantasme et réalité. À quel moment la franchira-t-il, s’il la franchit bien sûr?
La tortue rouge cadre merveilleusement avec le mystère qui entoure le film. Ce reptile immense peut rester très longtemps sous l’eau. Le rouge de sa carapace contraste avec le reste du paysage. Son regard, tel qu’il est dépeint dans le film, est pénétrant, empreint de calme. Et que dire de la grâce de la bête quand elle nage. C’est quasi aérien. La lenteur de la tortue s’agence au temps, à l’immensité du temps, tout comme sa grande taille d’ailleurs.
Il n’y a pas d’avant ou d’après l’île. Le naufragé est pris dans une tempête et se réveille sur la plage. On ne connaît ni sa nationalité ni les gens qui lui manquent. Il est anonyme, au milieu de nulle part, vivant avec l’espoir de retrouver la civilisation. Mais sa vision de l’île change lorsqu’une femme se joint à lui et brise sa solitude.
« Le film raconte l’histoire de façon linéaire et circulaire. Et il utilise le temps pour raconter l’absence de temps, un peu comme la musique peut mettre en valeur le silence », commentait le réalisateur.
L’homme et la femme auront un enfant qui reproduira les gestes de son père. Un même apprentissage de l’environnement, un même désir devant l’infini de l’eau.
La tortue rouge est en trois temps : solitude, désespoir et sérénité. C’est le calme après la tempête, le soleil après la pluie, l’éclat de lumière après la nuit. C’est l’histoire d’une vie, l’histoire de la vie.
Note : 9/10
© 2023 Le petit septième
Co-produit par le studio Ghibli, La tortue rouge revisite de maniere poetique l histoire du naufrage sur une ile deserte. La Tortue Rouge , contrairement a ce qu affirme la presse, ne se suffit pas de sa seule esthetique et de son seul trait.