« Cleopatra, my queen of denial, what could I have done to make you see? »
[Cléopâtre, ma reine du déni, qu’aurais-je pu faire pour te le faire comprendre?]
Plonger dans la vie de jeunes artistes d’une vingtaine d’années à New York qui viennent de finir leurs études et qui, en essayant de mettre leur vie sur les rails – au niveau professionnel, mais aussi au niveau personnel – finissent la plupart du temps par se sentir tout le contraire soit dérayés, perdus. Telle est l’idée centrale du film August at Twenty-Two, écrit par Ali Edwards (qui y joue la protagoniste) et réalisé par Sophia Castuera. Les deux forment la compagnie de production de films Lady Parts Productions dont l’objectif est de témoigner de perspectives féminines – et queer, dans le cas du présent long-métrage.
Ayant fini ses études d’art dramatique, Cal passe d’une audition à l’autre, mais le résultat est encore plutôt décevant – son studio new-yorkais minuscule, elle le paie grâce à son boulot de baby-sitter et au soutien de son père qui attend d’elle qu’elle travaille dur et qu’elle réussisse. Mais comment réussir lorsqu’on se trouve dans l’une des périodes les plus floues de sa vie, où tout est encore possible et rien ne s’est encore concrétisé et quand, en même temps, les émotions prennent le dessous et font en sorte qu’on ne voit plus les choses clairement?
Quand la jeune actrice découvre que son meilleur ami d’enfance Jacob, rentré en ville après une tournée, se trouve dans une relation profonde avec une photographe émergente, Cal se sent soudain attirée par lui, mais aussi par sa copine Em.
S’agit-il d’une simple jalousie face au fait de perdre son âme sœur pour une autre ou est-ce vraiment un nouvel amour qui s’installe? Tournant autour du couple Jacob/Em dont émane l’aura de succès auquel Cal aspire désespérément, celle-ci néglige son meilleur ami d’études Bobby, qui, lui aussi, peine à vivre de son art. Si les photos d’Em sont exposées dans une galerie d’art, Bobby attend encore d’être découvert comme musicien – et se débrouille entre-temps en jouant dans la rue.
En sortant avec Em qui la prend en photos devant le décor nocturne de la ville, Cal est étonnée d’apprendre que la femme derrière la caméra n’aime pas exclusivement les hommes. Elles se racontent leurs expériences lesbiennes à l’université. Pour Cal, c’était une bonne expérience, même si aucun de ces flirts n’a abouti à une relation sérieuse : « I like half dated a few girls in college. None that I would have called my girlfriend because it wasn’t quite perfect. » [Je suis, comment dire, semi-sortie avec quelques filles à la fac. Mais je n’en aurais appelé aucune ma petite amie puisque ce n’était pas totalement parfait.] Em, en revanche, n’a vécu cette orientation sexuelle que beaucoup plus tard : « I think for me it was more of a timing issue because, I don’t know, I didn’t really embrace my queerness or dive into it until my senior year. » [Je pense que pour moi c’était plutôt un problème de timing puisque, je ne sais pas, je n’ai pas vraiment assumé ma queerness ou je ne m’y suis pas plongée avant ma dernière année.]
Aux yeux de la réalisatrice Castuera la restriction du genre du coming-of-age traditionnel à l’enfance et à l’adolescence serait erronée. Selon elle, le passage à l’âge adulte se passe à plusieurs stades de nos vies :
« I’ve always been drawn to coming-of-age stories, but I also felt there was something missing with the genre. It usually centered around folks much younger than characters like Cal. But there was this nagging feeling that coming-of-age occurs more than just in childhood and teenage years. There are definitely multiple coming-of-age cycles in a person’s life, right? » [J’ai toujours été attirée par les récits de coming-of-age tout en ayant l’impression qu’il manquait quelque chose au genre. Normalement, il mettait au centre des gens beaucoup plus jeunes que des personnages comme Cal. Mais il restait ce sentiment que le coming-of-age arrive plus souvent que dans notre enfance et dans notre adolescence. Il doit y avoir des cycles de coming-of-age multiples dans la vie d’une personne, non?]
Afin de traduire l’idée d’un état d’esprit flou et désordonné, Castuera a recours à de (très) gros plans et à une caméra à l’épaule qui attirent l’attention du spectateur sur le visage des personnages, sur les regards et les petits gestes qu’ils échangent.
Ni le public ni les protagonistes ne peuvent se regarder de l’extérieur, avec un peu plus de distance et donc de clarté. Et aucun des deux groupes ne peut lire clairement dans le regard de l’autre – on reste dans l’ambiguïté. J’ai bien aimé ce choix de la perspective.
… chante Bobby lors d’un concert acoustique dans un petit bar et on devine qu’il s’y adresse à sa meilleure amie incorrigible et égarée depuis un certain temps dans un triangle amoureux toxique et par l’idée douteuse selon laquelle la clé du succès réside dans la fréquentation de personnes à succès… Si on peut attribuer de l’authenticité à des gens qui ne se connaissent pas vraiment eux-mêmes, j’aurais cru la trouver à ce moment-là – étrangement lors d’un spectacle.
Pour conclure : August at Twenty-Two est solide au niveau de la réalisation technique, intéressant au niveau du concept de base, mais il nous laisse avec autant de confusion que ses protagonistes dont le comportement paraît très souvent un peu trop artificiel.
Bande-annonce
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