Nora et Hae Sung, deux amies d’enfance profondément liées, sont séparées après que la famille de Nora ait émigré de Corée du Sud. Deux décennies plus tard, ils sont réunis à New York pour une semaine fatidique alors qu’ils affrontent les notions de destin, d’amour et des choix qui font une vie, dans cette romance moderne déchirante.
Et si? C’est la question la plus simple qui soit et en même temps la plus cruelle qui jalonne le film. Les« si » qu’on pense inopinément, les « si » qu’on imagine, les « si » qu’on regrette. À travers son film Past Lives, Celine Song trace l’histoire à l’accent très autobiographique de Nora (Greta Lee) et Hae Sung (Teo Yoo), deux amis d’enfance séparés après que la famille de cette dernière ait émigré de Corée du Sud. Deux décennies plus tard, ils se retrouvent à New York pendant une semaine.
Nos choix font ce que nous sommes
Past Lives, première réalisation de Celine Song, explore et questionne ce qui aurait pu être possible. Chaque choix de vie est l’ouverture d’une porte vers l’avenir – mais franchir une porte signifie qu’une autre va inexorablement se refermer, un fait que l’on saisit qu’une fois la jeunesse passée. Plus nous vieillissons, plus la nostalgie nous gagne et fait miroiter des souvenirs fantomatiques des vies que nous aurions pu mener, les personnes que nous aurions pu être, les personnes avec lesquelles nous aurions pu être. Le multivers de la vie qu’on ne verra jamais, les chimères d’autres vies fictionnelles encapsulées dans notre être le plus profond. Si aujourd’hui des films comme Everything Everywhere All at Once explorent et usent le concept, Song a le mérite de narrer une tranche de sa vie en transformant les émotions susmentionnées en quelque chose de simple et en les associant au concept coréen d’In-Yun (le destin).
Hae Sung (Teo Yoo) et Nora (Greta Lee)
Ce que nous sommes aujourd’hui dépend de la chaîne des vies antérieures que nous aurions menées, et les liens que nous aurions entretenus les uns avec les autres sont également le fruit de ces vies. Les personnes avec lesquelles nous nous trouverions liées – amis, partenaires, amants – en font partie. Ce que nous sommes les uns pour les autres dans cette vie aura une incidence sur la suivante.
Une histoire en 3 actes
Cette imbrication est le centre de l’histoire, présentée chronologiquement en 3 blocs de 12 ans où chaque décision dans l’un changera le cours du suivant’. Nora petite fille coréenne de 12 ans quittant avec sa famille la Corée du Sud, laissant derrière elle son ami le plus proche Hae Sung, est peut-être un amour innocent. Nora dans la vingtaine vivant à New York voulant devenir auteur et se reconnectant avec Hae Sung qui la cherchait depuis 12 ans et finalement Nora, la trentaine bien tassée, marié à Arthur un écrivain. Via son histoire, Song construit une sorte de méditation profondément émouvante sur la trajectoire de la vie. Une approche quasi intimiste retranscrite dans la réalisation. Le film ne cherche pas le drame, ne cherche pas le spectaculaire, il reflète simplement comment nos choix construisent notre vie.
Penser ses dires et dire ses pensées
Le long métrage dans sa simplicité propose une réalisation fonctionnelle et quasi naturaliste, peignant des plans larges et les séquences telles des capsules temporelles émotionnelles où les non-dits sont assourdissants, où ce qu’on dit n’est pas vraiment ce qu’on pense, la rencontre de Nora et Hae Sung à New York en est exemple.
Malgré tout, Past Lives s’embourbe trop souvent dans un rythme poussif possédant des séquences qui trainent en longueurs transformant le silence vindicatif en silence gênant plombant le tempo de la séquence. En outre, certaines scènes manquent cruellement d’intensité où la réalisation et le découpage classique affichent leurs limites notamment dans le deuxième acte, avec la correspondance par Skype qui est affaibli et désamorce un peu tout affect qui pouvait se développer avec et entre les personnages. Ce petit constat apparaît plus clairement, quand la cinéaste prend le temps de laisser une scène se mettre en place, infuser les acteurs et leurs personnages, il se passe quelque chose, un trouble naît d’un regard, d’un geste du corps, une caresse sur la joue – comme la scène de Nora et Arthur dans le lit. Nonobstant ces quelques couacs, l’aspect technique globalement en harmonie avec le propos du film ne prend pas parti, constate ce que la vie de chaque personnage aurait pu être si le sirocco de la vie en avait décidé autrement.
La dualité de la perception
Au-delà de la question existentielle, le film aborde en filigrane le thème de l’immigration et de la perception de Nora en tant qu’immigrante. La réalisatrice souligne « qu’il fallait que ce soit quelqu’un qui soit manifestement un Américain d’origine coréenne et qui parle les deux langues […]. La langue devait également avoir une cadence et un vocabulaire très particuliers qui reflètent l’expérience de Nora, qui a quitté la Corée à un jeune âge.»
De ce fait, de quelle manière s’articule sa vision du monde? Est-elle implicitement en train de comparer la perception d’Hae-Sung et Arthur? Que donne la fusion de ses deux mondes? Comment Nora se voit-elle? Et si Nora voyait en Hae-Sung, un miroir de ce qu’elle aurait pu être si elle n’avait pas quitté sa terre natale? Comment évoluent la personnalité et la perception d’un ou d’une immigrante sur ses choix et sa vie?
On est la somme de nos choix
Au final, la vie est et sera toujours une question de choix. Si la nostalgie existe, c’est pour les choses que nous n’avons jamais vécues, les amis que nous n’avons pas encore, les mots qu’on n’a jamais su dire. C’est la seule, l’unique nostalgie. La seule manière d’appréhender ce vague à l’âme c’est d’abord et avant tout de l’accepter, comme Nora qui a accepté de faire le deuil de la petite fille qui n’était plus là, comme le fait de chérir ce qu’on est… la somme de nos Past Lives (vies passées).
Bande-annonce
Fiche technique
Titre original
Past Lives
Durée
105 minutes
Année
2023
Pays
États-Unis / Corée du Sud
Réalisateur
Celine Song
Scénario
Celine Song
Note
7 /10
1 réflexion sur “Past Lives – L’avenir est une porte, le passé en est la clé”
Arnaud Grondin
J’ai beaucoup apprécié ce film, il invite à la réflexion sur le temps. J’ai été touché par l’histoire et le jeu des acteurs, qui était excellent, en est sûrement pour beaucoup.
J’ai beaucoup apprécié ce film, il invite à la réflexion sur le temps. J’ai été touché par l’histoire et le jeu des acteurs, qui était excellent, en est sûrement pour beaucoup.