« What do you think a witch is? »
[C’est quoi une sorcière selon toi?]

Trois femmes millénariaux qui s’identifient comme des sorcières cherchent des conseils et voyagent pour explorer leurs vies passées et leurs traditions perdues.

Avec Coven, Rama Rau présente trois femmes qui s’identifient comme des sorcières et qui cherchent à examiner leur passé et leur présent avec des objectifs similaires. Toutes trois cherchent des mentors et des gens comme eux, et voyagent dans des lieux lointains pour trouver des réponses. Un film qui montre ce que sont réellement la Wicca et autres traditions païennes.

Les intervenantes

Laura Hokstad, une « sorcière solitaire » à Toronto, cherche à la fois l’expérience « coven » et une exploration de son héritage. Elle se rend en Écosse pour découvrir que deux de ses ancêtres étaient des femmes accusées de sorcellerie (dont l’une à Salem, Mass.). Elle, semble-t-il, perpétue une tradition familiale.

À travers son voyage, elle rencontrera, entre autres, Anne Marie Greymoon et Lord Rhoderick Moncreiff (dont les ancêtres auraient pendu une des ancêtres de Laura). C’est Laura qui est la plus présente et la plus intéressante à suivre dans ce documentaire.

Ayo Leilani, alias Witch Prophet, est une chanteuse canadienne, d’origine est-africaine, élevée à Toronto par des parents fervents chrétiens, qui a commencé à explorer l’occultisme à l’adolescence. Hantée par des rêves dans lesquels elle est une auteure et mystique russe du XIXe siècle, elle se rend à la Nouvelle-Orléans pour obtenir les conseils de la reine Erzulie, fondatrice du mouvement Black Witches.

Les Jamaïcains qu’elle connaissait l’ont accusée d’être une femme Obeah (une sorcière des Caraïbes), mais leur peur l’a conduite vers un gourou jamaïcain qui l’a conseillée sur ses capacités, puis a disparu. Son voyage la mènera à la Nouvelle-Orléans, où elle fera la rencontre de Robi Gilmore, une prêtresse Voodoo.

Et l’artiste/sorcière Andra Maria Zlatescu, qui a quitté la Roumanie enfant avec ses parents, qui se rend dans la périphérie de Bucarest pour rencontrer Mihaela Minca, qui est réputée comme étant la sorcière la plus puissante d’Europe de l’Est, et sa famille/clan de sorcières. Là, elle est emmenée dans une forêt réputée magique pour communier avec les esprits et renouer avec les forces qui la renforcent.

Démystifier le mythe

Après avoir découvert de nouvelles informations, lieux et communautés, Witch Prophet, Andra et Laura rencontrent des gens et participent à des rituels traditionnels qui honorent leurs ancêtres alors qu’ils s’engagent sur de nouvelles voies de recherche de connaissances et de guérison.

« Making this film has been a wild and completely unexpected journey that took me and the crew to far-flung lands, where Dracula had roamed, or where Druids may have worshipped at Stonehenge or to Salem, where witches were hunted ruthlessly. […] Witch hunts have always been about men’s fear of women. Making this film is a necessary act, so women can take back their power and re-tell their stories with magic, language and memory. » [Faire ce film a été un voyage fou et complètement inattendu qui m’a emmené avec l’équipe dans des terres lointaines, où Dracula avait erré, où les druides ont peut-être tenu des rassemblements à Stonehenge, et à Salem, où les sorcières ont été chassées sans pitié”[…] Les chasses aux sorcières ont toujours été liées à la peur des hommes envers les femmes. Faire ce film est un acte nécessaire, pour que les femmes reprennent leur pouvoir et racontent à nouveau leurs histoires avec magie, vivacité et mémoire.]

Rama Rau

Cette théorie que défendent la réalisatrice et plusieurs des intervenantes fait beaucoup de sens. Rares sont les hommes qui ont été persécutés et accusés de sorcellerie ou de trucs du genre. Sans insister sur cette facette du thème, la réalisatrice sème une graine qui nous pousse à nous questionner sur ces chasses aux sorcières passées et d’une certaine façon actuelles. 

La partie qui me dérange un peu plus, c’est lorsque Robi Gilmore fait un long exposé dans lequel il mène une attaque contre les méchants blancs qui s’en prennent aux noirs et aux autres minorités raciales. Je ne conteste certainement pas le fait que le racisme existe. Mais de là à toujours tout ramener à ça, il y a une marge. Est-ce possible de parler de croyances païennes et de féminisme sans ramener ça automatiquement au racisme? Cette trop longue séquence nuit au reste du message. 

Ce qui est, par contre, particulièrement intéressant dans ce documentaire, ce sont les séquences où on nous parle d’histoires, de mythes et de légendes. De découvrir avec ces femmes les liens qui les lient avec des personnages du passé – Mary Eastey, une des femmes pendues – fait prendre conscience de ce qui s’est réellement passé. Ces histoires semblent parfois tellement faire partie d’une sorte de mythologie, qu’on en oublie la véracité et les gens qui ont été tués.

Il y a aussi les séquences où on assiste à des rituels. On a souvent vu des reconstitutions dans des fictions ou des documentaires, mais de vrais rituels, c’est peut-être la première fois.

Un peu plus…

Sorcières, prêtresses, Obeah… chaque société a ses mots pour les femmes possiblement dotées d’un pouvoir surnaturel. Les mots peuvent exprimer la révérence ou la haine.

Dans Coven, Rama Rau prend le temps de montrer que les expériences sont aussi différentes que les personnes qui les vivent. Les covens peuvent être pleins de règles et d’exigences, ou aussi libres que l’esprit des participants. Mais la leçon de l’autonomisation des femmes – et sa croissance exponentielle lorsqu’elles agissent ensemble – relie leurs parcours.

Que vous croyiez ou non à la Wicca ou à la sorcellerie, vous pourrez en apprendre sur l’histoire, les mythes et la réalité de ces milieux fascinants.

Coven est présenté en première mondiale aux Hot Docs, les 28 avril et 5 mai 2023.

Bande-annonce