Une petite fille entre dans une salle de tribunal, regarde le juge droit dans les yeux et lui dit : « je veux divorcer ». Elle s’appelle Nojoom, elle a dix ans, elle a été mariée de force à un homme qui a 20 ans de plus qu’elle, et elle s’est échappée. Mais au Yémen, il n’y a pas d’âge légal pour se marier.
Le long-métrage Moi Nojoom, 10 ans, divorcée de la réalisatrice yéménite Khadija Al Salami s’inspire d’une histoire vraie – celle de Nojoud Ali sur laquelle je reviendrai – mêlée à son propre vécu. La réalisatrice connaît bien ce que vivent près d’un tiers des femmes mineures au Yémen, ayant elle-même été mariée de force à 11 ans. Plus près de chez nous, le film a par ailleurs remporté le Prix de la Critique et du Public à la dernière édition du Festival du film de l’Outaouais.
En regardant ce film, je n’ai pu m’empêcher de me dire qu’en tant que femme, j’ai eu beaucoup de chance de grandir au Québec. Il reste peut-être du travail à faire ici pour atteindre la parité hommes-femmes, mais on est bien loin des droits bafoués de plusieurs femmes et filles dans des pays tels que le Yémen. Comment obtenir justice dans un pays où il n’y a pas d’âge légal pour le mariage?
Le film est ainsi basé sur le bestseller autobiographique Moi Nojoud, 10 ans, divorcée, publié en 2009. C’est une histoire très inspirante pour les jeunes femmes de ce pays, soit l’histoire d’une enfant qui a refusé son sort. La jeune Nojoud Ali a d’ailleurs fait partie des « femmes de l’année » en 2008, palmarès du magazine américain Glamour.
Ce qui m’a particulièrement marquée dans ce film engagé, c’est la question de l’honneur. Si une fille est violée, elle est la cause du déshonneur de sa famille. Si elle ne respecte pas les lois imposées par son mari (et cela peu importe les lois), elle déshonore sa famille. Si elle n’est pas vierge à son mariage, c’est la même histoire et ainsi de suite… J’étais au fait de ces choses, mais c’est si enrageant. La pression exercée sur ces femmes, sur ces enfants, est démesurée. Et on se doute bien qu’un divorce aussi médiatisé n’est pas très bien vu non plus. L’honneur de cette famille est en jeu après tout…
Le jour de son mariage, Nojoom quitte sa famille pour le village de l’homme à qui elle a été mariée. En route, elle voyage avec sa poupée dans les bras. Ça crée un décalage immense : une petite fille qui devra, quelques heures plus tard, faire son devoir conjugal. Autre fait bouleversant (ce n’est évidemment pas le dernier dans ce film) : le mariage n’a même pas lieu en présence de la jeune fille; c’est une histoire entre hommes. Pardon!?
Si les droits des femmes est un sujet qui vous touche, n’hésitez pas à regarder Moi Nojoom, 10 ans, divorcée.
Pensez à la petite fille que vous avez été ou à votre sœur ou à votre fille… Un mariage à 10 ans, c’est une aberration. Un vol et une destruction pure et simple de l’enfance!
Note : 8/10
Je vous laisse avec la réalisatrice qui raconte les raisons qui l’ont poussée à faire ce film, de même que les difficultés auxquelles elle a fait face tout au long du tournage.
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