« — Heille! On texte pas en roulant!
— Je texte pas. Je regarde une vidéo. »
Au début de l’hiver, dans une enclave huppée où le loisir et l’argent ne connaissent pas de limite, un club de golf donne le contrat à une multinationale sans morale de modifier génétiquement son gazon afin de rester ouvert à l’année. L’eau de l’Île-aux-Paons devient ainsi contaminée par un fertilisant « révolutionnaire » qui a l’avantage de faire fondre la neige, mais transforme ses habitants en mutants. Sous ses yeux, André (Iani Bédard), 15 ans, voit éclore l’épidémie foudroyante qui fait de lui un orphelin. Horrifié, il doit lutter pour sa survie et celle de sa sœur, bébé d’un an, quand il rencontre Dan (Roy Dupuis), gardien de sécurité et piètre survivaliste de 50 ans. Devant l’urgence, André et Dan se lanceront dans une enquête qui les mènera au chalet du Club de Golf. Mais cela ne se passera pas sans avoir perdu quelques plumes au passage…
Avec Brain Freeze, Julien Knafo montre sa maitrise du cinéma de genre, qu’il pousse au-delà des « normes ». Il livre, du coup, un film prémonition qui a vu son tournage arrêté par la pandémie.
« Notre intention était de créer une fable intelligente sur l’avarice et les conséquences qui en découlent. Nous n’aurions jamais pu imaginer raconter une histoire si vraie, si proche d’une réalité que personne n’aurait pu prévoir… ». La productrice Barbara Shrier n’aurait pu mieux dire.
Avec des films comme Brain Freeze ou encore The Pink Cloud, je remets de plus en plus en question l’idée comme quoi nous ne pouvions prédire la pandémie actuelle. En tout cas, le cinéma était en train de voir une vague de films pandémique se dessiner à l’horizon, et ce, avant qu’on parle de la Covid.
Dans le cas présent, on dit « film de zombies », mais dans le film, on parle plutôt d’un virus et de gens infectés. D’une certaine façon, c’est beaucoup plus effrayant d’imaginer un virus ou une sorte d’arme chimique que de s’imaginer des créatures qui n’existent pas. D’ailleurs, Knafo nous offre un petit clin d’œil assez réussi. La compagnie qui cause la maladie est une entreprise agroalimentaire au logo composé d’un gros « M ». Mais bien sûr, aucune entreprise réelle ne causerait du tort aux humains afin de mieux faire pousser du gazon, n’est-ce pas? J’imagine qu’il vaut mieux ne pas nommer Monsanto. Oups 😉 À propos de ce détail, le réalisateur explique ceci : «Avec la représentation du logo M, j’ai voulu dénoncer cette déshumanisation au profit de l’argent et le contrôle par une poignée de gens du sort de la planète. C’est toute une génération qui est sacrifiée au détriment d’une société de surconsommation et du maintien mordicus du rapport de force entre les riches et les plus démunis. »
Avant de vous lancer dans l’aventure de Brain Freeze, vous devez savoir qu’il s’agit plus d’une comédie que d’un film d’horreur. En fait, pour être honnête, je n’ai eu aucun frisson, aucun dégoût ni fait de sursaut. Mais j’ai ri!
Et ce qui rend ce long métrage plus intéressant qu’un simple film de genre, c’est qu’il va au-delà de la simple jouissance de se faire peur avec les éléments qui nous effrayaient lorsqu’on était petit. Probablement que si j’avais vu ce film en 2018, je n’aurais pas eu le même discours. Mais en 2021, un film qui place au centre de son intrigue un grave virus ça reste fascinant, pour ne pas dire inquiétant. Et, il y a l’ajout de cette radio poubelle, qui tout au long du film encourage la population non seulement à se méfier des victimes, mais d’aller jusqu’à les éliminer. Au moins, ils ne nient pas la présence de l’épidémie. 😉
Je disais donc que j’ai beaucoup ri. Les moments drôles (en tout cas ceux qui sont efficaces) proviennent de la relation entre André et Dan. Le concept du duo mal adapté l’un à l’autre est très bien utilisé. Un des gags qui revient efficacement à plusieurs reprises dans le film est l’utilisation du téléphone cellulaire. Hé oui, le conflit générationnel entre les deux personnages m’a beaucoup amusé.
Mis à part la faible performance de Marie-Lyne Joncas, on a droit à de belles performances. J’ai particulièrement été convaincu par Roy Dupuis qui réussit à être crédible en survivaliste raté. Il est drôle tout en réussissant à ne pas surjouer. Un beau bravo, aussi, à Simon Olivier Fecteau, qui n’a probablement jamais livré autant de stupidité en si peu de temps. Et il le fait de façon très crédible.
Brain Freeze ne révolutionnera pas le genre, mais il va juste assez loin pour que les fans du genre ne décrochent pas, et assez loin pour intéresser ceux qui ne veulent pas se contenter de revoir le même film encore et encore.
Note : 8/10
Bande-annonce
Titre original : Brain Freeze
Durée : 93 minutes
Année : 2021
Pays : Canada
Réalisateur : Julien Knafo
Scénario : Julien Knafo et Jean Barbe
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