Je n’avais malheureusement pas eu la chance d’aller voir au cinéma Bà nôi (grand-maman) de Khoa Lê, sorti en salles à la fin janvier. J’étais très contente de pouvoir le louer par la nouvelle page Excentris-ONF. Khoa Lê fait la chronique d’un voyage au Vietnam, en visite dans sa famille lointaine pour les festivités de fin d’année. Des lieux et des visages à la fois familiers et étrangers, des échanges mais aussi des non-dits. Le temps a passé, les kilomètres aussi. Face à la personnalité haute en couleurs de la grand-mère, portrait et autoportrait se mêlent avec autant d’humour que d’émotion. Et peu à peu, la quête individuelle se transforme en une expérience sensorielle et mémorielle, à travers une mosaïque onirique d’images et de souvenirs.
On y fait la rencontre de la grand-mère de Lê, une femme de 93 ans, qui espère que son dernier petit-fils se mariera avant qu’elle ne meure. On passe du temps avec elle. On la regarde manger. On la suit dans la ville. On attend qu’elle nous montre ce jardin dont les portes sont malheureusement fermées. On nous dresse le portrait d’une femme forte malgré son âge et qui n’a qu’un seul désir, le bonheur de son petit-fils.
Ce film est un questionnement identitaire. L’Occident et l’Orient. Et la question de la mémoire y est centrale : la mémoire de la grand-mère, ses souvenirs; celle de Lê face aux traditions de son pays natal; et celle des Occidentaux qui ne vénèrent pas suffisamment leurs ancêtres. Les croyances sont différentes, les traditions aussi. Les membres de la famille de Lê accordent une grande place au destin. On consulte ainsi des tireurs de cartes et des voyants, on fait des offrandes aux dieux, on pige une carte afin qu’un moine l’interprète et nous conseille. Mais on aborde aussi le destin sous un angle plus personnel. Si Lê et ses parents avaient pris le premier bateau pour quitter le Vietnam, si Lê n’avait pas été malade, ils ne se seraient certainement pas rendus en Amérique.
Les plans de transition entre les différentes séquences du film sont tout simplement magnifiques. De beaux jeux de lumière, notamment une scène éclairée par les phares des scooters. On travaille aussi parfois les superpositions. Plusieurs de ces plans sont volontairement flous, comme brumeux. Et pour fond sonore, des messages vocaux d’amis et de membres de la famille de Lê qui le prie de les rappeler. Le double univers du réalisateur : sa famille vietnamienne et ses amis francophones.
C’est par la connaissance d’où l’on vient qu’il est possible d’aller plus loin.
Bà nôi est un portrait attendrissant qui vous donnera certainement envie de partir, mais également de vous réunir en famille, de prendre le temps d’écouter votre grand-mère, de faire un retour aux sources. Un voyage intimiste au Vietnam!
Note : 8,5/10
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