Le Passé du réalisateur Asghar Farhadi (Une Séparation, 2011) prend l’affiche au Québec le 31 janvier. Le film s’est vu décerner le Prix du jury œcuménique au dernier Festival de Cannes et Bérénice Bejo recevait alors le Prix d’interprétation féminine. Après quatre années de séparation, Ahmad (Ali Mosaffa) arrive à Paris depuis Téhéran, à la demande de Marie (Bérénice Bejo), son épouse française, pour procéder aux formalités de leur divorce. Lors de son bref séjour, Ahmad découvre la relation conflictuelle que Marie entretient avec sa fille, Lucie (Pauline Burlet). Les efforts d’Ahmad pour tenter d’améliorer cette relation lèveront le voile sur un secret du passé.
Deux moments de la vie de Marie se confrontent : son ex-mari, Ahmad, rencontre son fiancé, Samir (Tahar Rahim). Samir habite depuis peu chez Marie avec son fils de cinq ans. Mais la situation est délicate : la femme de Samir, Céline, a fait une tentative de suicide il y a quelques mois et, depuis, elle est dans le coma. Les médecins ne peuvent dire si elle se réveillera un jour. Il faut dire que Céline était en dépression depuis longtemps, mais les raisons qui l’ont poussé à commettre son suicide sont nébuleuses. Le rapport à la dépression sera approfondi par le personnage d’Ahmad qui, quatre ans plus tôt, au moment de sa séparation avec Marie, était aux prises avec cette maladie. Un mal-être qui a eu raison de leur mariage.
Le Passé traite de blessures non cicatrisées, de ruptures difficiles, de nouvelles relations qui viennent combler le vide laissé par une autre. C’est un film sur le doute. Marie cherche à tout prix à aller de l’avant et essaie d’éliminer le passé, bien qu’elle le convoque aussi à sa manière en invitant, avec insistance, son ex-mari à séjourner chez elle plutôt qu’à l’hôtel. Mais, étrangement, elle semble réellement vouloir aller de l’avant et reprendre sa vie en main avec son nouvel ami. Pour se faire, elle compte sur l’aide d’Ahmad pour comprendre l’attitude colérique de son adolescente. Lucie et Ahmad se ressemblent beaucoup même s’ils ne partagent pas de liens de sang. Quand Lucie finira par avouer son trouble, la situation deviendra encore plus complexe. Et la fin ouverte du film ne répondra pas à toutes nos interrogations. Mais ce n’est pas plus mal, au contraire.
Le jeu des personnages est très bon. Il faut dire qu’Asghar Farhadi a fait répéter les acteurs pendant près de deux mois avant le tournage, ce qui n’est pas très commun. Bérénice Bejo, qui avait livré une très bonne performance dans The Artist en 2011, nous montre de nouveau son talent. Elle confiait en entrevue que le travail préparatoire, bien que plus près de celui du théâtre, lui aura servi au tournage : « Je n’ai jamais été en souffrance, j’ai toujours joué Marie comme une évidence parce que je la connaissais par cœur. » Elle arrivait à vivre son personnage de l’intérieur bien que certaines réactions de Marie soient à son opposé. Un petit mot aussi pour l’acteur iranien Ali Mosaffa, qui, par sa lenteur et sa douceur, apporte un peu de lumière à l’ensemble.
Le Passé témoigne de ambiguïté des sentiments, du doute et des réminiscences de nos histoires passées qui contaminent nos nouvelles relations. Le tout baigné de mystère.
Note : 8/10
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