« Comme tous me le rappellent, les années passent, et je ne rajeunis pas. »
En tant que romancière, actrice et scénariste, Marina de Van n’a peur de rien, a toujours hâte de composer avec les tabous et de s’exposer. Essentiellement « fait maison », ce film est un brave autoportrait de De Van, une âme vagabonde d’une quarantaine d’années, qui s’interroge sur son travail, son corps et ses relations à l’ère des applications de rencontres et des baises d’un soir.
Ancienne scénariste pour François Ozon, Marina de Van confirme être une des voix féminines les plus provocantes du cinéma français actuel. Avec Ma nudité ne sert à rien, elle pose un constat sur le corps, le temps qui passe et la solitude.
Je vais commencer cette critique par une révélation choquante : la société met énormément de pression sur les femmes pour qu’elles correspondent à un modèle précis. Voilà!
Ceci dit, dans son plus récent film, Marina de Van crache son venin sur nos rapports à la sexualité, utilisant le corps féminin pour parler d’une image de la femme trop souvent censurée par la société. Il y a plusieurs choses dans ce film qui contribueraient à en faire un pamphlet pour dénoncer l’hypocrisie de notre société. Combien seront choqués par le simple fait qu’une femme se promène nue pendant 75% du film? Mais, si c’était un homme, ça choquerait beaucoup moins. D’ailleurs, Google ne me laisse pas afficher de la publicité sur cet article, car il est considéré comme affichant de la pornographie…
C’est donc en exhibant son propre corps qu’elle interroge notre rapport à l’autre, les attentes envers les femmes et, même, son existence. De Van a plus de 40 ans et elle n’a pas d’enfants. Elle vit seule avec son chat. Sa situation fait en sorte qu’elle ressent une énorme pression à trouver l’amour. D’autant plus qu’elle s’inquiète du temps qui passe et de ce qu’il fait à son corps. Elle s’est donc inscrite sur des applications de rencontres sans vraiment y croire. Elle ne voit pas l’intérêt de cette recherche amoureuse. Est-elle seulement intéressée par la sexualité? Peut-être que ça fait si longtemps qu’elle est seule qu’elle a perdu tout intérêt? Voilà le genre de questionnements qu’elle amène dans son documentaire de création.
Au-delà de la critique sociétale, la réalisatrice nous présente aussi un constat sur sa vie : à presque 50 ans, elle se retrouve seule… La femme persiste donc à répondre aux attentes de la société en rencontrant des hommes. Et en se retrouvant déçue chaque fois. Au final, comme elle le dit, la chaleur de sa chatte est ce qui la réconforte le plus. Oui, sa soumission à la société va jusque là… Une femme célibataire possède un chat…
On ne peut faire autrement que de se sentir un peu triste de cette solitude. Et, pourtant, elle semble l’assumer mieux que ne le ferait la majorité. Mais c’est tout de même à partir de sa propre solitude qu’elle montre comment la pression monte pour une femme à mesure que son âge avance.
C’est donc en filmant son quotidien dans les moindres détails que l’écrivaine recluse dévoile tout : ses craintes, ses peurs, ses rêves, ses tristesses et son corps, dans les moindres replis. Durant le film, on voit même Marina baiser avec deux hommes. Ces scènes nous amènent à interroger l’entrelacement de la réalité et de la fiction dans le film. Où se termine la réalité et où embarque la fiction? À moins que les scènes de sexe aient réellement été filmées sur le vif ou qu’elles soient des reconstitutions? Je n’ai malheureusement pas la réponse. Et ça m’intrigue.
Mais ce qui est vraiment intéressant et pertinent ce sont les propos qu’elle offre en voix off. Et la nudité là-dedans? Quels sentiments vous offre la vue de votre propre corps nu? De ses défauts et de ses splendeurs? Oui, la société nous dicte l’apparence que nous devrions avoir. Un dictat irréaliste et presque inatteignable. De Van a donc le courage de dire : voici à quoi mon corps ressemble. Et je l’accepte tel qu’il est.
En nous montrant son quotidien ainsi, elle réussit à faire en sorte que n’importe qui (femme ou homme) puisse se sentir touché par ce film. Ses questionnements existentiels sont très similaires aux miens par moments.
Dans cet autoportrait cru, la réalisatrice s’affranchit des limites, avec humour et sincérité. Certains diront qu’il s’agit d’un film égoportraitiste et prétentieux. Comme quoi une femme qui parle d’elle-même ne peut pas parler pour toutes…
Nous avons encore du chemin à faire vers l’égalité des sexes. Avec Ma nudité ne sert à rien, Marina de Van pose les bons constats. Mais saurons-nous l’entendre?
Note : 8/10
Ma nudité ne sert à rien est présenté au FNC les 10 et 19 octobre 2019.
Visionnez la bande-annonce :
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