« Ce qui m’excite c’est… »
Le mardi 21 octobre avait lieu une soirée de performance en mode programme double offerte par le Festival Phénomena. Au programme, 2 collectifs.
Pour la première partie du show, le public avait droit au retour du Collectif NU.E.S qui présentait enfin Quand la neige fond entre mes cuisses au Québec. La seconde partie était assurée par le Collectif Boucane qui présentait All you can eat/Buffet à volonté.
Quelque part, entre la France et le Québec, entre aujourd’hui et demain, cinq performeur·ses se lancent dans une exploration brute, intime et politique de leurs érotismes, sans autre limite que celle du consentement. Dans une authenticité radicale et nécessaire, iels vont utiliser la danse, l’art performance, la parole, le théâtre et la musique pour mettre à nu leurs identités queers et dépasser les normes, les peurs et les aliénations ancrées dans leurs fantasmes individuels et collectifs.
Quand la neige fond entre mes cuisses est un spectacle participatif, intense, sensible, entre cris de jouissance et revendication poétique, empowerment et autodérision, sur fond de musique électronique enveloppante. Un appel à la démocratisation des érotismes, dans une perspective inclusive, féministe et queer.
3 ans après la présentation du Cabaret impudique, le collectif était de retour à Phénomena à mon grand plaisir. Ces 6 artistes proposent une performance qui amène le spectateur à se questionner sur ce que représente le consentement, l’identité de genre, la sexualité et le plaisir sans se sentir attaqué.
Chaque artiste se livre entièrement dans ce qui semble être des confidences intimes vraies, sans faux-semblants. En dévoilant ce que représentent le plaisir sexuel et l’érotisme pour iels, le collectif tente de démocratiser la sexualité et d’en faire quelque chose de… banal ne serait pas le bon mot, car il laisse supposer une sorte d’ennui. C’est plutôt une bonne façon de montrer qu’aucun plaisir n’est mal ou anormal si on le fait avec plaisir et avec un consentement éclairé. Comme le dit Gui Taurines à un moment, en quoi ce qui se passe dans sa vie sexuelle te regarde, toi qui n’es pas impliqué? Et soyons honnêtes, il a bien raison. Quand même bien que ce qui t’excite au lit me rend mal à l’aise ou me répugne, en quoi ça me regarde? Si je ne participe pas, je ne devrais pas m’en soucier, non?
Dans le spectacle, on traite aussi de transidentité. Adam se livre en mélangeant les moments touchants avec un certain humour afin d’amener le spectateur à se questionner sur ce que ça représente pour une personne en transition de genre de dater. Adam M. offre le moment le plus touchant de la soirée lors de ce moment solo où iel parle ouvertement de ce qu’iel vit.
Ces moments plus intenses émotionnellement sont contrebalancés par des séquences physiquement intenses dans lesquelles les membres du collectif se lancent dans des échanges érotiques en accentuant l’idée de consentement en utilisant le concept des feux de circulation. Vert = go, j’en veux; jaune = peut-être, mais je ne sais pas jusqu’où je voudrai aller; et rouge = je ne veux pas. Même si à un certain moment le concept des couleurs devient un peu lourd, la touche d’humour que ça apporte à certains moments rendent le tout crédible et efficace.
Vraiment, si vous avez l’occasion de voir ce spectacle ou le prochain que le Collectif NU.E.S donnera, allez-y! Mais n’oubliez pas votre ouverture d’esprit, et soyez prêt à vous questionner.
Il n’y a pas de fumée sans feu, il n’y a pas d’abondance sans reconnaissance. Dans cette œuvre chorale mêlant grotesque, sensibilité brute et rituel festif, le collectif BOUCANE propose de questionner l’ordre établi et de le faire chavirer afin de créer un monde nouveau. On s’imagine la fin du capitalisme, du colonialisme et du patriarcat. Une utopie colorée, lumineuse et chaotique où peuvent briller l’anormal, le marginal et l’incompris. Dans la tension entre le désir de révolte et le besoin de soin, Boucane construit une installation performative où les corps et les mots nous secouent. C’est la révolte qui mène à l’état de grâce, la célébration de nos corps et de nos esprits. Entrez dans la danse.
Le titre de cette performance est très bien choisi. Comme dans un buffet à volonté, on retrouve une quantité effarante de choses, mais la qualité est mise de côté. Je suis méchant, vous direz? Peut-être. Mais je me suis rarement emmerdé comme ça lors d’une performance artistique. Je m’explique.
À vouloir traiter trop de sujets à la fois, on s’égare et on perd le message et la pertinence. Oui, Gaza c’est tragique et on doit en parler. Oui, le capitalisme est un sujet qui mérite d’être débattu. Bien sûr que le colonialisme représente un débat à avoir. Oui, la question des genres et ce qui y est relié vaut la discussion. Le féminisme? Évidemment! L’intersectionnalité est aussi au centre de tout ça.
Voilà donc le principal problème de ce spectacle. Et ce qui est ironique, c’est que c’est exactement ce même problème qui fait que les quelques partis politiques de gauche ne réussissent pas à sortir de la marge. À trop vouloir tout mettre en position 1 des priorités, on finit par perdre le message. Pour offrir une performance pertinente, ce collectif aurait dû choisir 1 ou 2 thèmes parmi ceux abordés afin de vraiment amener un questionnement.
Le deuxième problème vient du manque de subtilité. Oui, parfois il faut lancer une réplique en pleine face pour que le spectateur se réveille et comprenne. Pierre Falardeau l’a fait à merveille dans Elvis Gratton 2 lorsqu’il met le film sur pause pour que lui et Poulin expliquent au spectateur à quel point il est con. Mais ici, on passe à côté. En hurlant que le capitalisme est méchant et que nous avons volé ce pays aux Premiers Peuples de façon agressante et répétitive, on décroche. Sauf si on est un converti. Mais à quoi bon faire de l’art si c’est pour prêcher à des convertis? Mais si on veut amener les gens à se questionner et à possiblement modifier leurs perceptions, il faut garder un minimum de subtilité.
Finalement, lorsque le talent n’est pas distribué également dans un collectif, ça risque de briser la beauté artistique. C’est le cas ici, et c’était beaucoup trop flagrant dans la dernière partie de la performance alors que 4 des membres dansent dans ce qui devrait être une sorte de synchronisme. Mais une des danseuses ne réussit pas à suivre le groupe et est constamment en décalage. Le rythme est brisé et l’effet aussi.
J’aimerais terminer en donnant un conseil pour les gens qui organisent des spectacles de type « programme double ». Lorsque le premier spectacle est magistral, vivant, bien rythmé et marquant, il ne faut pas offrir une deuxième partie qui est mal rodée. Le Collectif NU.E.S est simplement trop solide sur scène pour être suivi d’un groupe qui en est encore à ses premiers balbutiements.
Le programme double Collectif NU.E.S | Collectif Boucane était présenté au Festival Phénomena le 21 octobre 2025.
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