« You’ve always been my favourite son. »
[Tu as toujours été mon fils préféré.]
Dans un récent texte, on avait parlé de Richard Linklater et de son apport au cinéma indépendant américain. Il n’était pas le seul cinéaste qui a émergé dans ce milieu, car un certain Jim Jarmusch s’est aussi lancé à la même période. On lui doit des grands classiques comme Stranger than Paradise en 1984, qui est considéré comme le film ayant lancé le mouvement du cinéma indépendant américain, ainsi que Down by Law, Mystery Train et Dead Man.
S’il semble avoir un style très minimaliste. Ses films sont reconnaissables par leur ton posé, parfois contemplatif, avec un brin d’humour noir. Il n’hésite pas non plus à explorer plusieurs genres, qu’ils soient ancrés dans la réalité (la comédie romantique avec Broken Flowers, le polar avec Ghost Dog) ou bien fantaisiste (les vampires avec Only Lovers Left Alive, les zombies avec The Dead Don’t Die). Dernière particularité, Jarmusch ne suit pas le schéma narratif traditionnel, préférant mettre en scène des saynètes. L’exemple le plus connu est Coffee and Cigarettes, un film à sketch centré sur des discussions dans lesquelles les personnages fument et boivent du café. Un genre que Jarmusch a repris pour son dernier film, Father Mother Sister Brother, qui lui a valu le prestigieux Lion d’or à la Mostra de Venise.
Le film est composé de trois segments : Father, où un père reclus reçoit la visite de ses deux enfants, tous les deux inquiets de sa situation; Mother, où une célèbre écrivaine de Dublin organise une après-midi de thé annuel avec ses deux filles, seul moment de l’année où les trois sont ensemble; et Sister Brother, où un frère et une sœur jumelle à Paris sont confrontés à un drame personnel.
Chacun de ces segments traitent des relations familiales avec une dynamique différente, liés par plusieurs petits éléments comme un plan de haut sur une table, où les personnages y prennent le temps de boire autour, une montre au poignet d’un des personnages ainsi que certains personnages qui se questionnent sur l’origine de l’eau qu’ils boivent. Le réalisateur s’entoure d’un casting impressionnant, avec Tom Waits, Adam Driver et Mayim Bialik (Amy de Big Bang Theory) dans le premier segment; Charlotte Rampling, Cate Blanchett et Vicky Krieps dans le deuxième; et Indya Moore (Pose) et Luka Sabbat (Grown-ish) dans le troisième.
Les deux premiers segments marchent très bien, traitant tous les deux des relations familiales distantes, mais surtout du manque de communication entre eux. Cela se traduit par des longs silences malaisants entre les personnages qui entrecoupent des discussions mondaines, apportant une touche de rire jaune au film parfaitement amené. On ressent également que tout le monde à des choses à se dire, mais ils n’osent pas le décrier, coinçant ainsi les personnages dans une sorte de prison relationnelle qu’ils ont eux-mêmes créée.
La mise en scène est parfaitement sobre, laissant la place aux acteurs de se déployer pleinement dans leurs rôles et au scénario de les guider. Le film n’a pas besoin de gros artifices de réalisation pour mettre en scène ces situations, surtout quand elles laissent transparaître un grand sentiment de réalité.
Cependant, le troisième segment du film est son gros maillon faible. En effet, alors que le film semblait traiter des difficultés relationnelles au sein d’une famille, ce troisième segment fait un tour à 180 degrés, parlant d’un frère et d’une sœur en deuil après la mort accidentelle de leurs parents. Le segment n’est pas mauvais en tant que tel, Indya Moore et Luka Sabbat étant très bons. Le problème est que cette histoire d’une famille rejoint par le deuil est complètement détachée du reste du film. Si Jim Jarmusch avait mis en scène un frère et une sœur distants qui ont encore du mal à communiquer malgré la mort de leurs parents, ça aurait été mieux dans le thème et plus intéressant à aborder.
Alors qu’il était bien parti sur les deux premiers segments de Father Mother Sister Brother, Jim Jarmusch trébuche sur une troisième et dernière partie qui est en contradiction avec les propos sur la communication familiale qu’il avait placée. Un beau potentiel qu’il n’a pas su exploiter.
Father Mother Sister Brother est présenté au FNC les 11 et 19 octobre 2025.
Bande-annonce
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