Amour Apocalypse - Une

Amour apocalypse — Une belle fin du monde

« Les températures globales sans arrêt, ça provoque toutes sortes de catastrophes naturelles. »

Amour Apocalypse - Affiche

Adam a quarante-cinq ans et il est propriétaire d’un chenil. C’est un homme profondément bon et généreux. Via la ligne de soutien technique d’une lampe de luminothérapie dont il vient de faire l’acquisition afin d’améliorer sa santé mentale et de gérer son hypersensibilité, il fait la connaissance de Tina, une femme solaire à la voix douce. À partir de ce moment, tout est bouleversé : des comètes tombent du ciel, des chiens sont libérés, des pneus sont crevés. La terre tremble et les cœurs explosent. Ils sont amoureux.

Mantra menteur

Imaginez vous réveiller brusquement le matin avec déjà ce sentiment que les choses ne vont pas bien; que vous aussi n’allez pas bien. Vous vous attelez à vos tâches quotidiennes sans trop d’entrain; vous faites du sport, de la méditation, vous prenez des médicaments, mais rien n’y fait. Le sexe n’est même plus un médium suffisant pour vous sentir connecté à l’autre, cet autre si loin que vous ne connaissiez pas vraiment ou pensiez connaître. Quelque chose en vous veut mourir, et vivre à la fois, sans que vous ne puissiez comprendre pourquoi. Ensuite, imaginez vivre ça tous les jours (j’espère que plus de gens auront à se l’imaginer que de gens qui comprennent déjà).

Amour Apocalypse - Mantrat menteur
Adam (Patrick Hivon)

Amour apocalypse, le film écrit et réalisé par Anne Émond, met le doigt sur le bobo et fait sortir le méchant dans une douleur libératrice. Cet incontestable chef-d’œuvre de la talentueuse Madame Émond est doux, profond et enivrant comme seul l’amour sait l’être. Malgré la critique explicite de la déchéance du monde à cause de l’humain, la narrative ne se prend pas les pieds dans le wokisme avec un sous-texte moralisateur et, pourtant, réussit à nous faire vivre l’angoisse de notre époque. Le protagoniste, Adam (Patrick Hivon), est éco-anxieux, oui, mais il est aussi extrêmement dépressif. La vie doit continuer. Toutefois, aura-t-elle une place pour tout un chacun lorsque viendra demain?

L’histoire semble un peu décousue, mais ce n’est qu’une impression. Sans conteste, on ressent avec force chaque moment où les personnages occupent l’écran. Les scènes contemplatives qui entrecoupent le fil narratif arrivent à prendre des tissus complexes d’émotions entremêlées et de les réduire à leurs plus simples expressions — nous permettant par la suite de regarder l’abysse en face et d’y laisser la place de s’exprimer à son tour.

Un petit pas pour l’homme, un pas de géant pour la femme

Il arrive parfois que l’on reproche à la majorité des réalisateurs masculins de représenter les femmes avec moins de tangibilité que les hommes; c’est aussi vrai pour l’inverse. Néanmoins, ce n’est pas toujours le cas et, dans celui-ci, Anne Émond à su contredire cette généralité. Ce n’est pas Rambo et ce n’est pas un homme féminisé, c’est cette sensation constante de le saisir et de ne pas le saisir à la fois, de le sentir maître et valet, de comprendre sa peine et sa rage sans jugement. Malheureusement Madame Émond, je ne porte pas de chapeau, mais j’en enfile un sur le champ dans le seul but de vous le lever.

Amour Apocalypse - Un petit pas
Tina (Piper Perabo)

On reconnaît le talent des réalisatrices comme Fargeat (The Substance) ou Varga (Vagabond) qui explorent en nuances la femme, mais selon moi, faut être une sacrée virtuose pour aussi bien représenter une chose qui d’apparence est bien loin de nous. Avouons-le, bien des réalisateurs instrumentalisent la femme à l’écran bien plus qu’ils ne la présentent, mais pas tous. Au final je crois que ce n’est pas nécessairement une question de sexe, mais plutôt de sensibilité et de la capacité à s’échapper de soi. Probablement que les thématiques explorées par Madame Émond sont intrinsèquement personnelles, cependant elle sait sortir de sa zone de confort et s’incarner dans une ou un autre avec brio.

Patrick Hivon offre une performance remarquable, soutenue avec force par la présence de Piper Perabo. On sent la fébrilité, les hésitations, les temps qui rendent à la passion toute la beauté qui lui revient dans un monde qui semble maintenant dépourvu de connexions autres qu’internet haute-vitesse. De plus, iels sont accompagnés d’une très belle distribution pour supporter le tout avec : Gord Rand, Éric K. Boulianne, Gilles Renaud, Elizabeth Mageren, Connor Jessup, Leona Son, Sienna Feghouli, Denis Houle, Jean-Carl Boucher, Benoît Mauffette, Arlen Aguayo Stewart, Martin Dubreuil et Fabiola Nyrva Aladin.

CinémASMR

Le septième art n’en finit pas de se perfectionner. Bien entendu, il arrive parfois qu’on aille l’impression que tout va mal; que tout est de la merde. C’est aussi bien comme ça, y’a rien de mieux que la merde pour faire pousser des plantes (et le dioxyde de carbone, mais ceci est une histoire pour une prochaine fois) et de jolies fleurs. Finalement, la vie c’est pas juste de manger, dormir et avoir du sexe. Ça serait plutôt de pouvoir manger, dormir et avoir du sexe avec la bonne personne. Un peu comme la fable de la Fontaine Les Deux Pigeons qui veut qu’un pigeon d’un couple amoureux s’en allât à l’aventure pour s’émerveiller et du coup son compagnon Pigeon de ses récits. Ce sont les Infortunes plus qu’autre chose qui s’abattirent sur notre pauvre petit oiseau, mais l’histoire veut qu’il s’en retourne au logis — quoiqu’il ait perdu des plumes — sain et sauf. Blessé, il retrouve le bonheur non pas de vivre sa vie, mais bien de la partager. « Soyez-vous l’un à l’autre un monde, toujours beau, toujours divers, toujours nouveau. »

Amour apocalypse est tout simplement génial et on le savoure jusqu’à la toute fin… Et même au-delà. Je ne divulgâcherai pas ce moment. Néanmoins, je dirais que j’aimerais vraiment retourner le voir juste pour voir l’effet se reproduire dans la salle, c’est tout simplement magique, magistral. J’ai été subjugué à chaque instant par des sensations et des sentiments que le film transposa sans effort en moi. Étrange sensation que de terminer le visionnement ému de ne plus se sentir autant seul. On dit souvent que le Canada est « en retard », ici je dirais que Anne Émond ouvre la voie et remonte le niveau de qualité dont la barre semblait de plus en plus impossible à dépasser depuis le début de la décennie. C’est selon moi un des meilleurs films de l’année, possiblement le meilleur.

Amour Apocalypse - CinémASMR

Me voilà qui m’emporte, je ne veux pas partir en peur avec tout ça. Je vais prendre un moment pour revenir sur Terre. Vous pouvez m’accompagner si vous le voulez.

Alors, fermez les yeux et essayez de vous imaginer que vous vous réveillez doucement. Vous laissez les tracas et les angoisses de la vie sur leur cintre dans le garde-robe. Vous restez sereins et vous vous éveillez en ressentant tout votre corps. Une harmonie vous envahit; vous êtes là, ici et maintenant. Écoutez les liens qui unissent votre cœur, votre corps et votre esprit. Si l’angoisse se met à monter, respirez profondément. Lentement, vous inspirez par le nez jusqu’au bas de votre ventre, puis vous expirez par la bouche. Laissez l’air et les sons sortir sans les retenir. Vous comprenez que les liens qui unissent les individus sont aussi intimes que ceux qui composent votre être. Quelque chose veut mourir et vivre en vous et ce n’est pas mal. Cette sensation, cette quête qui vous habite, elle est belle. Vous vous ouvrez à la possibilité que l’amour existe. Vous avez le droit d’être bien. Ceci n’est pas le dernier jour, mais plutôt le premier du reste de votre existence. Ensuite, imaginez vivre ça tous les jours.

Bon film, cher lectorat.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Amour apocalypse / Peak Everything
Durée
100 minutes
Année
2025
Pays
Canada / Québec
Réalisateur
Anne Émond
Scénario
Anne Émond
Note
10 /10

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Fiche technique

Titre original
Amour apocalypse / Peak Everything
Durée
100 minutes
Année
2025
Pays
Canada / Québec
Réalisateur
Anne Émond
Scénario
Anne Émond
Note
10 /10

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