« Ohhhh, God. What have you done? »
[Ohhh mon dieu. Mais qu’est-ce que t’as fait?]
Chaque année, le Festival Fantasia remet le Prix de carrière honorifique, qui récompense un artiste cinématographique important qui a laissé une marque indélébile dans l’histoire du cinéma de genre. Après John Woo en 2022, Nicolas Cage en 2023 ainsi que Mike Flanagan en 2024, cette année voit deux récipiendaires. Il y a d’abord l’animateur Gendy Tartakovsky, qui recevra son prix lors de la clôture du festival et à la projection de son nouveau film, Fixed, et le compositeur de musique Danny Elfman. Ce dernier a reçu son prix avant la projection de L’étrange Noël de Monsieur Jack et du court-métrage Bullet Time, où il signe la musique. L’équipe du Petit Septième a également eu la chance de s’entretenir un instant avec lui.
Danny Elfman a eu un parcours différent des autres compositeurs de musique, car il a d’abord commencé sur la scène New Wave avec le groupe Oingo Bongo, où il était le chanteur et compositeur. On lui doit des chansons à succès comme Only a Lad, Little Girls, Dead Man’s Party ou encore Weird Science.
Sa carrière dans le cinéma viendra d’un certain Tim Burton, qui vient de signer son tout premier long-métrage avec Pee-wee’s Big Adventure, basé sur le personnage télévisuel créé par Paul Reubens. Burton et Reubens étant des fans d’Oingo Bongo, ils demandèrent à Elfman de composer la musique du film. D’abord incertain, il finit par accepter et a apprécié son expérience. Cela lancera une longue collaboration avec Tim Burton, signant la musique de la quasi-entièreté des films de Burton, que ce soit Beetlejuice, Edward aux mains d’argent, les deux films Batman, Mars Attacks! et Big Fish. La culmination de leur collaboration sera sans aucun doute L’étrange Noël de Monsieur Jack, où Elfman a composé toutes les chansons de la comédie musicale et où il donne sa voix au personnage principal de Jack Skellington.
On doit aussi à Danny Elfman les bandes sonores des films de Sam Raimi (Darkman, Spider-Man 1 et 2, Doctor Strange and the Multiverse of Madness), de Gus Van Sant (Good Will Hunting, Milk), des films Men in Black, ainsi que des séries Les Simpsons et Desperate Housewives. Il a été sélectionné quatre fois aux Oscars (Good Will Hunting, Men in Black, Big Fish et Milk), trois fois aux Golden Globes (L’étrange Noël de Monsieur Jack, Big Fish, Alice aux pays des merveilles), a reçu trois Emmys, dont deux pour son travail sur Desperate Housewives et Wednesday, et a gagné un Grammy pour la musique du Batman de 1989.
Le prix de carrière honorifique a été remis dans le cadre d’une projection spéciale de L’étrange Noël de Monsieur Jack, qui a été précédé du court-métrage Bullet Time, dont Danny Elfman a composé la musique.
Le film suit Bullet, un Bull-Terrier qui participe à un tournoi de jeu vidéo de combat. Non seulement il devra faire face à son adversaire, mais il devra également affronter son envie de manger toute la malbouffe qui l’entoure.
Le court-métrage a été réalisé par Eddie Alcazar, réalisateur, scénariste, producteur et game designer américain à qui l’on doit notamment les films de science-fiction Perfect en 2018 et Divinity en 2023, ce dernier ayant été présenté à Fantasia en 2023.
Il se lance cette fois-ci dans un projet d’animation, fort de son expérience dans le jeu vidéo. Bullet Time s’inspire grandement des dessins animés des années 80 et 2000 à la Cartoon Network et Nickelodeon, que ce soit dans le style de dessins, mais aussi dans son ton très énergique, voire trop. Cependant, contrairement à ces cartoons pour jeune public, le court-métrage est pour les adultes. Il n’y a qu’à voir son humour très trash ou bien ses nombreuses allusions sexuelles.
L’animation et le style visuel fonctionnent très bien, avec des blagues visuelles trashs qui font bien rire. Le jeu de combat en claymation, qui fait référence au jeu vidéo ClayFighter, est aussi bien réussi. Néanmoins, le ton survolté du film est aussi son principal défaut. Nos sens se font directement attaqués par le film et on a de la difficulté à suivre l’histoire et à comprendre ce qui se passe, surtout avec la présence de personnages dont on ne connaît pas le nom et qui ne servent à rien dans le film. De plus, l’aspect subversif du film ne plaira pas à tout le monde. Nous ne sommes pas en mesure d’entendre la chouette bande sonore de Danny Elfman.
Bullet time est présenté au Festival Fantasia, le 23 juillet 2025.
L’équipe de Fantasia a eu la gentillesse de nous laisser nous entretenir un moment sur le tapis rouge de la projection. Nous n’avons eu le temps que pour deux questions, mais voici un compte rendu.
Aujourd’hui, vous êtes le plus connu pour vos bandes sonores de films. Avant ça, vous étiez le leader et chanteur du groupe Oingo Boingo avant que Tim Burton vous demande de faire la musique de Pee Wee’s Big Adventure. Comment a été la transition entre votre groupe et la composition pour les films?
C’était un grand choc, parce que j’étais un grand admirateur de films et de musiques de films. J’étais un genre de nerd de cinéma à l’adolescence, mais je n’ai jamais envisagé de composer pour un film. Je n’ai jamais essayé de m’y essayer. Ce n’était pas sur mon radar.
Quand [Tim Burton] m’a offert de faire Pee-Wee’s Big Adventure, ça m’a tellement surpris que j’en suis presque venu à refuser, car je pensais être inadéquat pour le travail et que je n’étais pas prêt à relever le défi.
Et à la dernière seconde, j’ai pris une décision. Si j’ai deux mots qui m’ont aidé à définir ma vie, c’est tout simplement « F*ck it ». Et c’est ce que je me suis dit, et je me suis lancé. Et je suis heureux de l’avoir fait. Parce que 110 films plus tard, je peux dire que c’était une bonne opportunité pour moi.
Et après 40 ans en tant que compositeur de musique films, quelle a été la plus grande leçon que vous avez apprise?
Je ne sais pas s’il y a une leçon qui est la plus importante, il y en a tellement eu. Comment travailler avec les réalisateurs ou bien comment travailler avec les délais très serrés et le stress.
C’est la chose la plus importante, car je pense que si quelqu’un veut vraiment exceller en tant que compositeur de film, il faut vraiment pouvoir travailler en terrain miné, sous la contrainte, sous pression et en ne laissant jamais tomber. Il n’y a pas de façon de savoir comment est ce terrain miné sans jamais y poser les pieds. J’ai appris au cours des premiers 10 ou 15 films que c’est beaucoup de pression, mais je suis correct et je peux m’arranger avec ça.
Aussi, il faut savoir comment interpréter ce que le réalisateur souhaite ou pense, mais ne sait pas comment l’exprimer. C’est l’un des plus grands défis de l’écriture d’une bande sonore. Et ce sont les deux choses que je continue à apprendre aujourd’hui.
Vous pouvez voir la bande-annonce du court métrage ici
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