Cette année 2025, le Festival du film d’animation d’Annecy se déroulera du 8 au 14 juin. Trente-cinq films ont été sélectionnés au sein de la catégorie « Courts-métrages – Compétition : L’officielle ». Parmi ceux-ci, j’ai eu l’occasion d’en visionner trois produits par l’Office National du Film du Canada : des œuvres à la fois tristes, drôles et cruelles. Voici mes impressions.
Les destins d’une fille accablée par le chagrin et d’un garçon qui l’aime de loin se croisent dans cette fable sur la cupidité qui corrompt même les cœurs les plus purs.
Cette œuvre en animation image par image, avec l’utilisation de marionnettes fabriquées à la main, raconte l’histoire d’un jeune homme devenu grand-père, alors que sa petite fille, cachée dans son bureau, le questionne sur la valeur d’une perle. La question du prix à attribuer aux événements de la vie sera le fil conducteur de ce court-métrage, où la richesse semble être gagnée à l’issue de l’innocence et de la pureté.
Un climat de corruption entoure le jeune garçon pauvre et orphelin, qui trouve un abri dans une maison abandonnée. Il fait la connaissance d’une jeune fille, sa voisine, maltraitée par sa famille. Souvent triste, elle pleure des perles… qui s’avèrent être d’une grande valeur, et qui peuvent rapporter beaucoup d’argent. Mélancolique et assez désabusée, cette fable pose de réelles questions sur ce qui pourrait nous amener à sacrifier notre éthique, afin de ne pas sombrer dans la misère.
Titre original : La jeune fille qui pleurait des perles/The Girl Who Cried Pearls
Durée : 17 min. 28 s.
Année : 2025
Pays : Canada
Réalisateurs : Chris Lavis et Maciek Szczerbowski
Scénariste : Chris Lavis, Maciek Szczerbowski et Isabelle Mandalian
Note : 8,5/10
Une sœur dévouée prend la fuite avec son frère métamorphosé en étrange créature de pain. Une foule affamée les pourchasse. Les rues s’emmêlent, la raison s’émiette. L’amour peut-il l’emporter sur la faim?
Ce court-métrage, qui a été sélectionné à la Quinzaine des cinéastes cette année à Cannes, mêle animation 2D et papier dessinée à la main, avec collage numérique.
Sorte de pastiche de films post-apocalyptiques à la Soylent Green de Richard Fleischer (1973), le synopsis met en exergue une population en manque de nourriture, « because of global warming ». Une sœur et son petit frère ont terriblement faim, tout comme le reste de la population. Ils parviennent à récupérer du pain, en mangent… avant que le petit frère ne se transforme en créature mi-homme, mi-pain. Les nouvelles tombent à la télévision : une pandémie étrange circule… Les deux jeunes prennent alors la fuite, le reste de la population se jetant littéralement sur le petit frère. À la fois proche des préoccupations sociétales et environnementales, ce court-métrage d’Alex Boya est fort, percutant, et terriblement proche de nous.
Titre original : Bread Will Walk
Durée : 11 min. 18 s.
Année : 2025
Pays : Canada
Réalisateur : Alex Boya
Scénariste : Alex Boya
Note : 9/10
Le court-métrage d’animation Poil aux jambes relate le geste de rébellion modeste, mais déterminant d’une adolescente de 13 ans qui chemine à travers la féminité et vers le féminisme. Lorsqu’elle choisit de ne pas se raser les jambes, la jeune Andrea Dorfman est amenée à se questionner sur les attentes de la société, pour finalement les défier. Poil aux jambes capte avec charme, humour et tendresse la dimension universelle de l’exploration identitaire et de la curiosité des jeunes adolescentes. À leur enfance insouciante passée à bicyclette, la tête dans les nuages, succède bientôt la volonté de contester les stéréotypes qui menacent de freiner l’affirmation de leur personnalité.
Présenté en 2024 et 2025 dans de nombreux festivals, dont l’Atlantic International Film Festival à Halifax en Nouvelle-Ecosse, et le DOC NYC à New-York aux États-Unis, ce court-métrage questionne certains stéréotypes envers le corps féminin, ancrés dans notre société.
Pourquoi devoir commencer à se raser les jambes lorsqu’on devient jeune adolescente, puis femme? La réalisatrice découpe son récit en sept chapitres, chacun faisant écho à des moments de vie de la jeune fille, retraçant son évolution face à un questionnement faussement anodin. Si selon Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe (1949) « on ne naît pas femme, on le devient », le fait de suivre son instinct à l’écart des règles instituées permettrait de préserver une certaine liberté, loin des lois patriarcales encore ancrées dans l’inconscient collectif.
Titre original : Hairy Legs
Durée : 16 min. 56 s.
Année : 2024
Pays : Canada
Réalisatrice : Andrea Dorfman
Scénariste : Andrea Dorfman
Note : 8,5/10
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