« Si vous voulez vous lever, nous allons observer une minute de silence pour ceux qui sont morts pour la classe ouvrière. »
Printemps 1972, Sept-Îles. Le Front commun syndical prend des allures insurrectionnelles et fait naître l’espoir d’un pouvoir ouvrier. Mais un attentat tragique met fin au rêve. Ce film montre comment ce soulèvement, loin d’annoncer une rupture, marque plutôt l’aboutissement d’un syndicalisme arrimé à l’État, où l’espoir d’un monde meilleur s’est englouti dans les sables mouvants du réalisme.
Une exploration sensorielle à travers la mémoire de celles et ceux qui ont contribué à l’émancipation de la classe ouvrière au Québec et qui ont vécu du temps de cette célèbre Révolution tranquille. Pouvoir oublier, de Pierre Luc Junet et Daniel Simard, porte un regard et une oreille attentive, sensible même, sur les événements entourant la montée des mouvements syndicalistes et de la possibilité que la voix des travailleurs puisse être entendue et prise en compte par les puissants. On n’y aborde aussi le sentiment d’échec en lien avec la fin abrupte que cette force démocratique rencontra à la suite d’un attentat à la voiture bélier. Plus d’une trentaine de manifestants seront gravement blessés, mais Herman Saint-Gelais y laissera la vie, emportant inconsciemment avec lui le souffle d’une révolution.
L’ambiance du documentaire est très bien orchestrée. On ressent bien les moments de tensions grâce à une trame sonore moderne entrecoupée de différents discours de l’époque, créant à mon avis un oxymore saisissant sur l’état des choses d’hier et d’aujourd’hui. C’est sans difficulté que nous revivons ces moments marquants de l’Histoire qui — comme le disent si bien les réalisateurs — sont trop souvent réduits à des faits divers. J’avoue ne m’être jamais attardé à approfondir mes connaissances sur le front commun et ce qui entoure le sujet contrairement aux deux réalisateurs; aussi, je n’ai pas pu visionner la version plus courte qui avait parue en 2022. De ce fait, j’avoue qu’il m’est un peu plus difficile de déterminer à quel point les pourquois, les où et les comments sont bien développés, mais il me semble que j’en suis ressorti beaucoup plus au courant des hauts et des bas de cette période.
« Bien que la version longue porte le même titre que le film diffusé par Télé-Québec en mars 2022, il s’agit d’une œuvre entièrement différente. À l’origine, la chaîne avait exigé une livraison rapide pour souligner les 50 ans des événements; la pandémie a forcé à monter un film court pendant que la version longue était encore en construction. » : « Malgré cette double tâche, c’est au prix de plusieurs années de montage et de réflexion que nous avons pu aboutir à une œuvre nouvelle, fidèle à notre ambition artistique. »
De nos jours, la situation sur les conditions de travail a bien changé, mais est-ce que tout va pour le mieux? C’est la question que pose à mon avis Pouvoir oublier. Dans un monde où les informations défilent à un rythme effréné et sans arrêt, comment fait-on pour se souvenir de ce qui est important? Nous sombrons peu à peu dans un oubli collectif, alors que les écrans nous cachent ce que nous devons savoir pour être plus libres sous nos yeux grands ouverts. C’est une des phrases de René Lévesque qui m’aura le plus marqué : « un peuple informé est un peuple libre ».
Dans cette optique, je ne peux qu’admettre la nécessité à faire plus que rendre hommage, mais à informer les gens sur les réalités qui nous passent trop souvent sous le nez. Si vous ne l’avez pas déjà vu, je vous conseille de jeter un œil à ce magnifique documentaire.
Bande-annonce
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