« Oscar, son djellaba est pogné dans porte. »
Deux femmes que tout sépare se retrouvent coincées ensemble dans un ascenseur… L’une est adepte de chirurgie esthétique. L’autre porte le niqab. Elles vont confronter leurs visions sur la vie, l’amour, la religion et les différentes impositions qu’on fait au corps des femmes.
Avec Chiennes de faïence, Marie-Hélène Panisset propose une œuvre qui se penche sur le droit des femmes à disposer de leur corps, mais aussi sur le dialogue entre Québécois et Québécoises, peu importe nos apparences.
Être libre, libérées, ça veut dire quoi? Pour nous, Occidentaux, on a l’impression (influencés par les Cowboys du Sud) que notre mode de vie représente la seule vraie liberté. Après tout, si une femme porte un bout de tissu sur sa tête, ou sur son corps, c’est clairement parce qu’elle n’est pas libre. Elle est endoctrinée. N’est-ce pas?
On n’imagine pas vraiment l’inverse. Pour nous, une femme libre c’est une femme qui montre de la peau. Mais si la décision vient de la femme? Si cette femme veut, par elle-même, porter ce qu’on pourrait appeler un uniforme, n’est-elle pas ainsi libre? Si on la laisse faire, bien sûr.
Marie-Hélène Panisset a choisi de tourner son film à Sherbrooke. Pourquoi j’en parle? Parce que je viens de là, voyons! Mais non. C’est un peu le hasard qui l’a mené là. Entre une bonne connaissance qui y vit et le fait qu’il y a des gens compétents en cinéma, il y avait aussi le lieu idéal pour le tournage. Vous connaissez beaucoup d’endroits où on trouve un ascenseur rose? Ça peut sembler être un détail, mais cette couleur souvent associée à la femme et souvent vue comme criarde était parfaite pour jouer avec les clichés et avec les préjugés.
Il y a, oui, un petit côté kitsch assumé par la réalisatrice. Mais il permet d’adoucir les thématiques du film et de diriger le spectateur dans la bonne direction. Parce que, un peu comme pour Two Straight Girls at a Queer Fest, la réalisatrice utilise l’humour et les clichés afin de les déconstruire et d’amener le spectateur à réfléchir. Cette fois-ci, à se questionner sur la liberté des femmes à disposer de leur propre corps.
Le côté comique du film permet aussi à la réalisatrice de laisser tomber la subtilité et de nous envoyer en pleine face les notions de liberté, de racisme et de laïcité. Je dis « garoché » simplement parce que les personnages ne laissent pas un grand mystère planer. Au contraire, Chantal (Sonia Quirion) va droit au but en disant des choses comme « les gens comme toi » ou encore « inquiète toi pas, y’a pas de porc là-dedans ». Quant à la jeune femme, elle n’a pas de complexes à répondre à la quarantenaire.
Mais ce manque de subtilité se trouve être une bonne façon de faire sourire le spectateur. En effet, la réalisatrice réussit à montrer des personnages extrêmement vrais malgré la caricature. Chantal représente un peu tout le monde. Elle n’est ni méchante, ni raciste. Elle manque juste ce qui manque à plein de gens : l’occasion de faire connaissance afin de pouvoir connaître les gens.
Chiennes de faïence montre d’ailleurs très bien que Salima (Megan Saunders) n’est pas « une Marocaine » ou « une Tunisienne », mais simplement une personne avec des valeurs et des croyances. Elle a aussi des raisons pour être comme elle est. Mais ça, on ne le découvrira jamais si on ne prend pas le temps de parler ensemble.
Tout au long de l’histoire, il y a une belle évolution de la part des personnages. Il y a aussi un désir de ne pas se contenter d’isoler le sujet pour en faire un simple enjeu d’immigration ou de religion. Les personnages de la youtubeuse et du docteur Loiseau (Charles Papasoff) sont une façon d’élargir la question de liberté et de rapport entre humains.
D’ailleurs, jamais la réalisatrice ne s’attaque aux hommes. Son personnage a beau être un homme old style qui drague à peu près toutes les femmes qui passent à proximité, il ne sert pas du tout à être un punching bag pour taper sur les méchants hommes. Fidèle à elle-même Panisset présente des personnages avec du beau et du moins beau, sans porter de jugement. Cela étant dit, on comprend assez bien que cet homme a un comportement problématique. Mais malgré tout, il n’est pas montré sous un jour négatif.
Par son traitement ludique, Chiennes de Faïence vise à rassembler et à susciter un débat respectueux. En regardant le film, on a l’impression qu’il n’y a pas grand-chose de sérieux. Et pourtant, une fois le visionnement terminé, on ressent un grand désir de discuter, de rencontrer, d’approcher les gens.
Après tout, comment peut-on former une société égalitaire et respectueuse si on ne va pas à la rencontre de l’autre. Depuis quelques années, on a de moins en moins de discussions. Chacun reste dans son coin à mépriser l’autre. Mais peut-être qu’en parlant avec cette autre personne, on réaliserait qu’au-delà des différences, on a tous des choses en commun.
Je vous invite donc à aller voir ce film et à prendre le temps d’en discuter après. Avec un ami, ou encore mieux, avec la personne à côté de vous. Idéalement, une personne que vous ne connaissez pas. Je vous jure que vous en aurez envie.
Le film sera présenté en ciné-rencontre un peu partout au Québec : Roberval le 28 mai, Dolbeau-Mistassini le 29 mai, Outremont le 1er juin, Ste-Foy le 2 juin, Joliette le 3 juin, Beloeil le 4 juin, et St-Hyacinthe le 5 juin.
Bande-annonce
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