A Traveler's Needs - Une

A Traveler’s Needs – La voyageuse | Mubi

« How did it make you feel? »
[Comment ça vous a fait sentir?]

A traveler's needs - Poster

Iris (Isabelle Huppert), une femme vivant à l’étranger à Séoul, enseigne le français et l’anglais d’une manière idiosyncrasique qui lui permet de poursuivre ses propres intérêts philosophiques et personnels. Au cours de quatre rencontres en une seule journée, Iris interroge des étudiants et des étrangers pour obtenir des informations sur la poésie, leur propre histoire et leur relation avec leur ego.

Avec A Traveler’s Needs, Hong Sang-soo ne sort pas de sa zone de confort, mais nous offre tout de même une nouvelle comédie domestique réaliste sur les barrières de langage et la poésie.

À l’étranger

Pour tout cinéphile qui se respecte, la réputation de Hong Sang-soo n’est plus à faire. Le réalisateur coréen, qui opère depuis la fin des années 1990, en est maintenant à son 31e film, soutenant un rythme de production de presque deux films par année, une cadence à faire rougir les réalisateurs les plus aguerris. Bien entendu, ses comédies de mœurs ne sont pas les plus compliquées à tourner, faisant souvent usage du même genre de procédés cinématographiques : longs plans (dont certains pouvant durer plus de dix minutes) et caméra statique (avec panoramique ou zoom occasionnel), on laisse les acteurs s’exprimer, ceux-ci ayant souvent des conversations réalistes sur des sujets anodins, le tout généralement autour d’une bouteille de soju, boisson alcoolisée très populaire en Corée. 

Travelers needs - étranger
Iris (Isabelle Huppert)

Rappelant très fortement les films d’Éric Rohmer, ce n’est pas pour autant que ses films sont ennuyants : dépourvus d’artifices visuels et sonore, Hong Sang-soo est davantage intéressé par le jeu d’acteur. Ses tournages s’effectuant en une très courte période de temps et pour des budgets relativement minimes, il est reconnu pour écrire les scènes qui composent ses films le matin même du tournage, laissant les acteurs improviser et suggérer des changements. Ainsi, il est très rare qu’un de ses films finisse de manière qu’il a envisagé, et A Traveller’s Needs ne fait pas exception à cette magie spontanée.

C’est donc dans cet environnement qu’évolue le personnage d’Iris (jouée par l’indétrônable Isabelle Huppert, nouvelle muse du réalisateur qui en est maintenant à sa troisième collaboration avec elle), récemment arrivé en Corée du Sud pour des raisons inconnues. Si on questionne à quelques reprises ses origines, et plus particulièrement les raisons de son arrivée mystérieuse, Iris ne tarde pas à faire sa place parmi ses nouveaux pairs. À la recherche d’un emploi, elle conçoit une nouvelle manière d’enseigner la langue aux intéressés; plutôt que de leur donner un manuel et lui faire répéter des phrases qu’elle considère « inutiles dans la vraie vie » (pensez à Duolingo; il est bien, et facile, d’apprendre qu’une vache fait du lait, mais comment cela peut vous être utile dans la vie quotidienne?), elle entame des conversations philosophiques en anglais, puis traduit les répliques importantes en français, qu’elle écrit sur un bout de papier. Elle demande ensuite à son « élève » de répéter ces phrases, préférablement « dans le noir de la nuit ». Elle prétend que ce n’est qu’alors que l’élève aura la possibilité « d’atteindre quelque chose de plus grand ». On ne manque pas de questionner la validité de ses méthodes, une potentielle élève l’accusant même de l’utiliser comme « cobaye ». Assurant qu’elle n’a pas de motifs ultérieurs, Iris reste confiante dans sa méthode. Elle réussit presque même à convaincre le spectateur que cette méthode pourrait être efficace. En ce sens, le film nous fait sentir comme une blague dont nous ne faisons pas partie : est-ce que les élèves se font mener en bateau? Est-ce que cela ne représente qu’une manière rapide de faire de l’argent pour Iris (elle qui se vante à son colocataire de pouvoir payer la moitié du loyer « qu’en une journée de travail »)? Hong Sang-soo ne nous laisse pas savoir, et cet aspect n’est qu’amplifié par le jeu indifférent, voir naïf, d’Isabelle Huppert, qui, toujours aussi excellente, nous offre une performance subtile et tranquille. 

A Travelers needs - Étranger 2

De la même manière que son personnage, on pourrait accuser Huppert d’un jeu d’acteur très simple, elle qui ne fait que déambuler dans les rues et réagir aux autres, mais cela contribue au mystère de son personnage. Nous ne finissons jamais par connaître les raisons de son arrivée, mais ce n’est pas pour autant qu’il n’est pas plaisant de la voir converser et boire du makgeolli avec les différents personnages qu’elle rencontre au courant d’une seule journée. 

Similairement, Hong Sang-soo ne sort certainement pas de sa zone de confort avec A Traveller’s Needs; au cours de l’heure et demie qui compose le film, nous ne faisons qu’assister à des conversations alcoolisées sur plans statiques, mais plutôt que de l’ennui en ressort une sorte d’ambiance hypnotique difficile à décrire si nous ne sommes pas familiers avec son cinéma. À voir si vous êtes fans de Rohmer, d’alcool de riz, ou simplement de marches dans la forêt ponctuées de siestes sur les rochers.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
A Traveler’s Needs
Durée
90 minutes
Année
2024
Pays
Corée du Sud
Réalisateur
Hong Sang-soo
Scénario
Hong Sang-soo
Note
7 /10

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Fiche technique

Titre original
A Traveler’s Needs
Durée
90 minutes
Année
2024
Pays
Corée du Sud
Réalisateur
Hong Sang-soo
Scénario
Hong Sang-soo
Note
7 /10

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