« Et on dit que la révolution dévore toujours ses enfants, mais elle l’a dévoré. »
Au Québec, en 1968, un conflit éclate à Saint-Léonard sur l’avenir des écoles bilingues. Face à un français en déclin et aux injustices envers les Québécois francophones, ces derniers demandent l’école en français obligatoire pour tous. Pour la communauté italienne de Saint-Léonard, elle réclame le maintien du droit d’envoyer ses enfants dans des écoles bilingues.
D’abord local, le conflit résonnera à l’échelle nationale, alors qu’un sentiment souverainiste gagnera une partie du Québec. Au centre de cet enjeu, deux figures oubliées; Raymond Lemieux et Mario Barone.
Le réalisateur, recherchiste et scénariste Félix Rose raconte leur histoire, durant cette période difficile.
En regardant le documentaire de Félix Rose, on ne peut s’empêcher de se demander combien de jours, de semaines ou même de mois ont dû être consacrés à la recherche des images d’archives présentées dans le film.
De vieux reportages télés, des entrevues radiophoniques, des vidéos qui semblent avoir été prises par des particuliers, à une époque où l’accès à une caméra n’était pas encore démocratisé, il y a un sentiment surréaliste de voir autant d’images suivre au quotidien ce conflit qui prenait la municipalité de Saint-Léonard.
De par sa recherche méticuleuse, Félix Rose parvient à nous montrer l’évolution de cette crise linguistique, de sa genèse à sa « résolution » en 1969. Les images d’archives sont entre-coupées par des entrevues avec les familles, amis et collègues de Raymond Lemieux et Mario Barone. De par leurs souvenirs, ils parviendront à recontextualiser les évènements, pour nous montrer ce qui se passait également à l’envers du décor pour ces deux hommes.
Le documentaire se penche sur deux figures souvent oubliées dans l’histoire de la loi 101, mais qui étaient centrales à l’enjeu des écoles de Saint-Léonard.
D’un côté, il y a Raymond Lemieux, architecte de profession, qui a grandi dans une famille bilingue, dont la langue à la maison était l’anglais. Mais son père, en septième année, décide de transférer ses enfants dans une école bilingue pour qu’il puisse retrouver leurs racines françaises. Cela aura un fort impact sur Raymond, qui continuera de mener sa vie dans la culture française. Après s’être établi à Saint-Léonard en 1964 et en voyant la situation du français au Québec, il deviendra un des acteurs principaux pour l’école française obligatoire. Il souhaite un avenir meilleur pour la communauté francophone, car même si la majorité du Québec parle français, le vrai pouvoir se trouve du côté des Anglais.
De l’autre côté, il y a Mario Barone, un italien qui a immigré au Québec à 20 ans et qui a commencé en bas de l’échelle, ne sachant que baragouiner un peu d’anglais et de français. Avec du temps et beaucoup d’efforts, il parvient à avoir une compagnie de construction et sera l’un des bâtisseurs et pionniers qui ont fait des terres agricoles de Saint-Léonard le quartier qu’il est aujourd’hui. Croyant que l’anglais est un atout indispensable pour l’avenir de ses enfants, il est contre à l’école française obligatoire, décrétant que le choix de l’éducation est un droit fondamental.
Deux hommes très différents, avec chacun une vision qui s’oppose. Pourtant, au fil du récit, on ne peut s’empêcher de remarquer des similitudes entre les deux hommes. Tous deux passionnés par leur communauté, travailleurs et avant-gardistes, chacun était convaincu de faire ce qui était le mieux pour leurs enfants et le Québec.
Les deux familles ont subi des répercussions durant cette période, comme des menaces de mort, des bombes, des arrestations et un procès. Malgré la fierté des enfants pour leur père respectif, ils ne peuvent nier le fait d’avoir souffert de l’implication de leur paternel dans le conflit.
Ce documentaire est un lèg fascinant que nous offre Félix Rose. Il parvient à nous récapituler un moment important de notre histoire, tout en tentant de montrer les deux côtés de la médaille. Sans prendre de position explicite, il parvient quand même à nous montrer son allégeance, sans jamais diminuer l’opposition. Il démontre un respect pour ses deux protagonistes, Raymond Lemieux et Mario Barone, malgré leur position antagoniste.
Un tour de force du réalisateur, qui continue de nous épater.
La bataille de St-Léonard est présenté aux RVQC le 22 février 2025.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième