« — Qu’est-ce tu veux?
— Rien. Juste t’offrir mes excuses, pis faire n’importe quoi qui pourrait t’aider. »
La justice réparatrice est au cœur de la nouvelle fiction Mea culpa de Chantal Cadieux. Elle met en vedette Mélissa Désormeaux-Poulin dans le rôle d’une femme qui en a fait sa mission, mais se trouve plongée dans un conflit qui pourrait l’opposer à ses plus fidèles amis.
Le matin du 6 janvier, je m’éveillai sous un ciel gris, tranquille et calme; quasiment triste. Affublé de cette peine, en ce matin enneigé, j’aperçus par-delà ma fenêtre une avenue silencieuse et glacée. Incertain de ce que cette journée allait m’offrir, je pris la porte à la rencontre de ce jardin de givre. Un mal bien profond s’installa en moi et je me demandai alors ce que pourrait bien apporter 2025 qui saurait redonner cette étincelle; ce spasme de vivre pour celles et ceux — ou ceuz (forme que je préfère à celleux) — qui reconnaissent feu Nelligan. « Que je suis critique », me dis-je à moi-même. Mettre mon grain de sel sur ma plaie encore et toujours irritée par le passé que j’ai du mal à laisser aller.
Pardonner est une tâche bien difficile. Je parle du vrai pardon, celui qui permet de continuer une fois la blessure désinfectée et cicatrisée. J’en veux au monde entier, c’est vrai, je l’avoue. J’avais de très hautes attentes – de trop hautes, sans doute – vis-à-vis de l’humanité, de la société, de mes amis, ma famille et mes amours aussi… J’aurais voulu être quelqu’un de significatif pour notre espèce que j’aime éperdument malgré toutes mes colères, ou simplement être quelqu’un d’autre, mieux positionné pour réaliser mon rêve, ou sentir qu’on croit en moi peu importe l’adversité. Ce matin-là, je laissais encore ces ombres du passé habiter mon présent; apparemment je n’ai pas fait la paix comme je le croyais. Mes impressions ou mes souvenirs sont les LEGO qui me permettent de me construire aujourd’hui et maintenant.
Tandis que j’étais convaincu que mon existence n’irait nulle part ce jour-là, le brouillard sur mon esprit se leva d’un seul coup. L’heure déjà avancée de la matinée me fit réaliser que j’avais bel et bien un endroit où être, et ce, en moins de vingt minutes. Un chauffeur de Taxi-Coop super sympathique me fit prendre conscience par son simple dévouement à ses propres objectifs que c’était moi qui commençais l’année du mauvais pied et pas le contraire. Si nous en voulons une belle, je pense que ça commence par le regard qu’on porte sur les choses autant que sur soi. N’est-ce pas Aznavour qui chantait qu’il donnait son avis, qu’il voulait le bon pour critiquer le monde avec désinvolture? Toutefois, je n’ai plus vingt ans, heureusement. C’est mon mea culpa. Simple coïncidence d’être en route pour visionner les premiers épisodes de la nouvelle série de Radio-Canada Mea Culpa? Peut-être, ou peut-être que pas pantoute!
Qu’il est agréable de retourner sur le terrain pour m’entretenir avec artistes, collègues et amis après des vacances pas si reposantes. La joie de pouvoir me rendre au cinéma ou — dans ce cas-ci — la tour de Radio-Canada pour assister à l’éternelle floraison de la culture d’ici et partout ailleurs. Mea culpa met en vedette la toujours excellente Mélissa Désormeaux-Poulin dans le rôle de Bérénice, une médiatrice en justice réparatrice qui sera elle-même confrontée à sa propre médecine. Saura-t-elle offrir le pardon et amener la réconciliation dans sa propre histoire de vie comme elle réussit à le faire dans celles des autres? Peut-être aussi que comme les jugements le pardon peut-être quelques fois trop rapidement octroyé?
Radio-Canada essaie et réussit encore à rester à l’écoute de la population — non pas d’un point de vue de nos goûts cinématographiques —, mais bien de notre besoin d’apprentissage en vue de s’améliorer (même si ça peut être inconscient, mais j’en doute). La direction de la chaîne nationale ne se prononcera jamais comme porteuse d’un message à proprement parler puisque cela ne fait pas partie de leur objectif en tant que société d’État, mais s’en priverait-elle pour autant? Mea Culpa est une série qui comprend qu’à l’ère de l’instantanéité nous oublions que la vie humaine n’est pas qu’une histoire de moments présents, mais aussi une de mémoire, donc de réflexion. Comment réintégrer un criminel après plus de vingt ans de pénitencier et comment s’assurer que la justice ne soit pas qu’une excuse à la punition, mais aussi au pardon? Et les victimes, elles? Qu’advient-il de celles et ceux qui portent encore les séquelles des crimes qu’iels ont subis? À nous qui vivons à l’époque du « cancel » devenu le cancer de notre société, je sens que nous apprendrons à avoir un meilleur regard sur ces sujets épineux en écoutant cette série.
On offre une merveilleuse brochette d’acteurs comme Maxim Gaudette, Jessica Barker, Dany Boudreault, Cynthia Wu-Maheux, Sacha Charles, Marie-Thérèse Fortin, Marcel Leboeuf, Jasmine Lemée, Ralph Prosper, Anna Beaupré Moulounda, Mounia Zahzam, Mireille Naggar, Adam Moussamih, Rosalie Pépin, Léokim Beaumier-Lépine, Catherine Simon, Kevin Raymond-Jean, Inès Defossé, Lou Thompson et plusieurs autres. Lou, cette jeune actrice que je vois améliorer son jeu avec brio depuis Gaby les collines ainsi que Sur la terre comme au ciel. Les jeunes comédiens interprétant les rôles de leurs homonymes d’il y a plus d’une vingtaine d’années offrent des performances stupéfiantes, gage d’une relève de talent pour reprendre le flambeau. Soyez au rendez-vous les mardis 20h.
Écrite par Chantal Cadieux que l’on connaît pour Providence et Mémoires vives, la série est réalisée par Miryam Bouchard et produite par Richard Haddad et Josée Vallée pour Sphère Média. Madame Bouchard donne un style intéressant avec énormément de plans rapprochés découpant les corps sans vraiment qu’on les voie en entier. Cela caractérise bien les personnages morcelés, éparpillés entre l’avant et le maintenant qui s’entrechoquent soudainement. Petit bémol à certains moments où ça joue en sa défaveur, en particulier quand Bérénice pratique des arts martiaux pour se recentrer. Un seul plan aurait suffi à nous montrer comment elle est ancrée et stable. On pourrait même facilement comprendre sa perte d’équilibre intérieure au courant de la série grâce à ce genre de balises visuelles.
Les retours dans le temps sont fréquents, mais sans pour autant nuire au flot de la narrative ou devenir dérangeant. En fait, cela illustre parfaitement comment les traumatismes sont aux souvenirs ce que les cauchemars sont aux rêves. Un mot, un son, une image, une odeur; la moindre sensation arrache l’affligé de son moment présent pour le lancer en arrière. Ainsi, il se retrouve prisonnier de visions qu’il ne peut altérer se retrouvant forcé de la revivre encore. Dany Boudreault incarne ce concept à merveille dans le personnage de Rémi Duguay; un homme maintenant tétraplégique (c’est quadriplégique, mais sans être un anglicisme y paraît) suite à une agression l’enfermant dans son propre corps devenu un monument à la violence qu’il a subi.
Je me plaignais, il n’y a pas si longtemps que le cinéma et la télé ne permettaient plus autant la diversité des rôles pour les acteurs. Mea Culpa me cloue le bec. On est allé chercher une personne réellement dans cette condition pour s’assurer de la bonne représentation de la quadriplégie et pour orienter le jeu du comédien. Il n’y a pas à dire, ce cher Dany, on a beau lui enlever son corps avec lequel son jeu transparaît si bien habituellement, son regard et sa voix son assez pour nous émouvoir; une belle démonstration que ce n’est pas les caractéristiques du corps qui font l’être. Il faut aussi souligner l’intensité de Cynthia Wu-Maheux qui offre toujours une performance poignante nous faisant constamment osciller entre le rire et les larmes. Bien évidemment, je ne m’éterniserai pas sur chacun des membres de l’équipe, mais disons qu’elle en est une gagnante à tous les niveaux.
Je sais que je vous ai taquiné avec le titre de la chanson du groupe Niagara, mais j’ai envie de terminer en soulignant la mélancolie passagère accentuée par le froid du mois de janvier. Le temps est idéal pour redécouvrir un classique du Québec de Jean Leloup qui met le feu à mon jardin intérieur et me donne la force de continuer à avancer malgré l’hiver qui s’abat parfois sur mon âme. Et vous, cher lectorat, qu’est-ce qui vous aide à continuer?
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième