« Do you know what I mean when I say “rage”? »
[Comprends-tu ce que je veux dire lorsque je dis « rage »?]
Poussée par la rage, l’empathie et quelque chose qu’elle ne peut pas encore nommer, Wally (Lesley Smith) patrouille secrètement dans les rues la nuit, se vengeant physiquement des hommes hipsters violents au nom des survivants qui ne le peuvent pas. Lorsque Lou (Kathleen Dorian), respectueuse des lois, entre dans son monde, l’amour et la vengeance s’affrontent, menaçant d’infiltrer leur relation.
Avec Compulsus, Tara Thorne offre un genre de thriller de vengeance dans lequel elle élimine délibérément les hommes. Féminisme ou simple frustration?
Au centre de Compulsus, il y a une forme de révolte, une façon de dire que ça suffit, cette violence faite aux femmes. Bien qu’il soit intéressant de voir un film de vengeance de femmes, ici on a un peu l’impression que c’est un gros bashing contre les hommes…
Comprenez-moi bien. Je ne mets aucunement en question la nécessité de mettre fin (autant que possible) aux violences envers les femmes. J’aurais envie de dire « aux violences tout court », même. Mais ici, ça ressemble beaucoup à tous ces films hollywoodiens dans lesquels un homme massacre une tonne de personnes sans qu’il n’y ait aucune conséquence. Je me demande s’il s’agit d’une bonne façon de passer le message.
Cela étant dit, il y a une chose qui attise un peu plus l’intérêt dans Compulsus. Il ne s’agit pas d’une vengeance personnelle. Wally n’a subi aucune violence elle-même. Elle n’a pas été violée comme bien d’autres. Elle n’a pas subi de violences conjugales, ni de harcèlement familial, ni même de rendez-vous violents. Elle est en colère parce qu’elle a tout simplement le droit de l’être à cause de la situation. Point final. Les motivations d’un homme violent sont rarement remises en question, et c’est pourquoi la réalisatrice a décidé de faire son film dans cette même veine.
Pour incarner les hommes « méchants » du film, la réalisatrice a fait le choix d’utiliser un seul acteur, toujours habillé de la même manière, sans jamais montrer son visage. Un choix bien assumé qui affaiblit quelque peu le message.
Oui, l’idée de ne pas montrer son visage pour le rendre anonyme, comme s’il pouvait s’agir de n’importe qui, n’est pas une mauvaise idée. À la limite, d’utiliser un seul acteur (James MacLean), pourquoi pas. Mais de toujours nous le montrer exactement pareil, avec la même attitude et les mêmes habits ça affaiblit le message. Non seulement on a l’impression qu’elle s’en prend encore et encore au même type, mais il a beaucoup trop l’air d’être un gros connard dealer de crack sur un coin de rue. Est-ce que l’homme moyen peu s’identifier et se dire que les femmes peuvent réellement se sentir menacé par un homme quelconque dans une rue le soir? On se dit surtout que si on marchait seul dans une rue et qu’un gars de ce genre marchait derrière nous, on aurait aussi tendance à accélérer le pas.
La campagne de vengeance de Wally semble aussi beaucoup trop facile. On peut accepter son manque total de remords ou de questionnement envers ce qu’elle fait. Peu de personnes seraient en mesure d’attaquer d’autres humains sans jamais se questionner ou se sentir – au moins un peu – coupable. Mais ça peut arriver. Que la femme de qui elle tombe amoureuse décide volontairement se lancer dans cette aventure violente et dangereuse, c’est déjà beaucoup demandé. Disons que ça commence à diminuer au niveau des probabilités.
Mais ce qui me dérange particulièrement, c’est à quel point sa « mission » est facile. Attaquer un homme qui ne s’y attend pas et réussir à le massacrer, je veux bien. Mais Wally n’est pas particulièrement costaude, elle ne fait pas d’arts martiaux et ne connaît clairement pas d’autres formes de combats. C’est une poète. Mais contre toute attente, elle réussit non seulement à battre des hommes pris par surprise, mais aussi à en terrasser un d’un seul coup de poing.
De plus, personne ne semble porter plainte, ou parler à la police. Je veux bien que plusieurs hommes ne le feraient pas afin de ne pas paraître faible ou pour éviter l’humiliation. Mais quand on voit le visage de l’assaillant et qu’on la reconnaît vaguement, qu’elle nous frappe à coup de boule de bowling ou de brocheuse, c’est difficile d’avaler que personne n’aurait même envie de porter plainte.
Puis, la chose éclate dans les médias. Des hommes se font attaquer en pleine rue. Mais étrangement, jamais la police ou les journalistes ne cherchent à en savoir plus, à découvrir qui attaque ces hommes techniquement innocents. Je dis « techniquement », car outre le fait que Wally dit qu’ils ont déjà agressé ou maltraité une ou plusieurs femmes, rien ne le prouve et pour les médias, ce sont des hommes innocents qui se sont fait attaquer gratuitement en pleine rue. Au Canada…
Tout ça semble beaucoup trop facile pour qu’on y croie jusqu’au bout.
Compulsus élève et centre les femmes dans son récit, et punis et efface les hommes. Il s’agit là d’un juste retour du balancier. Mais est-ce que ce film réussira à passer un message qui mérite d’être passé? J’en doute fortement.
Par contre, ce long métrage se regarde bien, surtout si on est capable de faire abstraction de la facilité avec laquelle Wally réalise son plan. D’ailleurs, la réalisatrice ne montre pas beaucoup de violence à l’écran. Quelques gouttes de sang ici, quelques cris là, mais pas plus. Elle évite ce piège de créer cette violence gratuite qu’elle dénonce.
Ce sera déjà ça de gagné. Mais sinon, on oubliera rapidement ce film.
Bande-annonce
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