Errol et Sasha (Leonie Bramberger et Natasha Goncharova), deux personnes d’une vingtaine d’années, quelque peu désorientées, errent sans but dans les sombres journées d’hiver d’une ville. Tandis qu’elles jettent un regard doux sur des fragments de leur vie quotidienne, des gens, des histoires, des lieux et des réalités commencent à se chevaucher et à s’entremêler.
Avec bluish, Lilith Kraxner et Milena Czernovsky créent un film sensoriel qui décrit un état d’être fragile, une condition, une atmosphère d’ambiguïté et de nostalgie.
Un sentiment plutôt qu’une histoire narrative
Dans bluish, plutôt que de tenter de raconter une histoire typique, les réalisatrices tentent de transmettre une condition momentanée, un état d’être, une atmosphère propre à leur génération, mais pas que. Pour parvenir à raconter des incertitudes et des ambiguïtés à l’écran, elles ont collecté de petits et grands moments du quotidien incarnés par les deux protagonistes.
En les suivant, chacune dérivant sans but dans une ville, poussée par le désir autant que par la peur de l’inconnu, les spectateurs réfléchissent aux angoisses, aux insécurités, aux désirs et aux constructions identitaires propres à notre époque. Non, bluish ne se veut pas un film intemporel, bien au contraire. Il saisit plutôt les sentiments bien réels et actuels vécus par ceux qui ont vécu l’après-COVID. Cette espèce d’aliénation et de sentiment désespéré menant à l’impression que rien n’est plus vraiment excitant.
Et quoi de mieux comme titre que bluish (bleuté) que cette teinte reconnue pour être calme, froide et aucunement enivrante?
C’est ainsi, et de façon plutôt amusante, qu’on se retrouve avec une œuvre dans laquelle il n’y a pratiquement aucun mouvement de caméra, alors que le mouvement lui-même est en quelque sorte central dans le film. Les personnages se déplacent d’un lieu à un autre, toujours avec cette apparence d’être blasée. Mais la caméra, elle, les capte de façon figée, parfois mal cadrée, afin de passer son message.
Ici et maintenant
Fait intéressant, le film a été tourné en 16 mm. Et comme le 16 mm donne un aspect un peu plus vieillot à l’image, les réalisatrices se sont assuré qu’il y aurait suffisamment d’éléments qui situeraient le film dans son époque, c’est-à-dire en 2024.
Ainsi, le film montre une réalité très actuelle alors qu’on se rencontre sur Tinder, on fait des réunions Zoom, on suit des cours en ligne et ainsi de suite. Et bien que le film soit situé à un endroit précis, la période de l’histoire dont il est question a été vécue d’une manière similaire par les gens pratiquement partout sur terre. N’importe qui peut donc se sentir interpellé par ce film.
Un peu plus…
Comme il s’agit d’un film qui tente de faire vivre des sentiments et des émotions, la musique y tient une place importante, bien qu’elle ne soit pas omniprésente. Le film s’ouvre sur une performance musicale par Les reines prochaines. Une introduction qui place l’ambiance grâce à une sonorité envoûtante et hypnotique.
Une des scènes musicales
Pour ajouter une touché de plus afin de bien faire comprendre que ce n’est pas tant l’histoire qui est importante que les sentiments qui s’en échappent, Lilith Kraxner et Milena Czernovsky ont choisi de briser la linéarité du temps. Du coup, chaque scène pourrait arriver avant ou après et ce ne serait pas si important. On pourrait en tirer la même conclusion.
Je conclurai donc en disant qu’il s’agit d’un film osé, qui déstabilisera certainement une bonne partie de son audience. Mais si vous cherchez à comprendre ce qu’est un film d’ambiance, bluish est exactement ce qu’il vous faut.
bluish est présenté au FNC les 12 et 15 octobre 2024.
